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Livre de la Mort (Le)
Edouard Ganche
La Clef d’Argent, KholekTh, n°13, nouvelles (France), horreur clinique, 269 pages, février 2012, 13€

La Mort dans tous ses états : tel pourrait être le sous-titre de ce volume composé au début du XXe siècle, et que Philippe Gindre nous permet de redécouvrir.
L’ouvrage d’Édouard Ganche, publié en 1909 et épuisé depuis des lustres, renaît aujourd’hui tel que son auteur l’a voulu, lorsqu’il le remania peu avant son décès en 1945. Idéal, et même mieux : augmenté d’indispensables documents pour mieux saisir la personnalité de ce médecin passionné de Chopin.



Édouard Ganche était fils de médecin. Très jeune, il développe un goût pour l’anatomie et un insatiable intérêt pour le corps humain, qui le conduiront à marcher dans les pas de son père qu’il aura pourtant vu mourir, incapable de se soigner, lui qui sauvait des vies. Au début du siècle, son internat le conduit régulièrement à la morgue. C’est alors qu’il écrit les nouvelles qui forment « Le Livre de la Mort ».
Lui, le médecin, ne craint pas la mort : il sait qu’on ne peut lui échapper. Aussi enjoint-il ses contemporains à profiter de la vie, et à penser, modérément, à sa fin.
Modérément, car le mieux est l’ennemi du bien, et si la Mort est toujours au bout du chemin, il faut se garder d’y trop penser, et d’en oublier la vie.
Ces nouvelles fantastiques racontent des expériences au contact de la mort : à l’hôpital, la morgue, au funérarium, dans un cimetière... Chacune narre une vie qui côtoie la mort quotidiennement, sans heurt, parfois jusqu’à un déraillement qui provoque la folie. Mais souvent, il n’y a que la routine de ceux qui partent.

Car le fantastique d’Édouard Ganche tient plus de la suggestion, à la façon de Lovecraft, que de l’inclusion d’éléments extraordinaires. L’auteur décrit cliniquement les corps, les maux... Ce sont ses personnages, au contact des cadavres froids ou encore tièdes, qui soudainement se mettent à avoir des hallucinations : ils croient entendre des bruits, s’imaginent avoir vu un mouvement, comme cet employé de “La Cave aux cercueils” oppressé par son lieu de travail.
Ganche ne cherche pas à faire peur, même si le résultat est là. Il ne fait que, de son son propre aveu, dresser un panorama de la Mort, afin de nous permettre de mieux l’appréhender, et moins la craindre. Pour cela, il évoque le fait-divers, avec “L’Enterrée Vive”, ou le train-train des hospices dans “L’Opérée”.
Ce refus du spectaculaire, du fantastique à proprement parler, donne au recueil un style particulier, un ton d’observation presque médical (même si la narration parfois à la première personne nous offre de beaux passages d’introspection) et, dans cette dédramatisation de la mort, on réalise une nouvelle fois (ou plutôt, en 1909, pour la première fois) que c’est l’Homme qui, par son esprit et son imaginaire, donne tant de force à la Mort, et lui offre une telle emprise sur sa vie et le moindre de ses gestes.
Au travers de ces 14 textes, dont la diversité balaie tout le spectre du trépas, mais aussi de la vie (et notamment celle des « monstres »), on La frôle, on L’esquive parfois, on La voit omniprésente à notre côté. Elle attend son heure, et ne vient jamais avant.

En postface, plusieurs documents viennent agréablement compléter la réception, en 2012, de cet ouvrage centenaire. Commencer le livre par là éclaire l’ouvrage : une biographie d’Édouard Ganche, par Philippe Gindre, où sont expliquées tant sa jeunesse que sa passion adulte pour l’œuvre de Chopin. On le voit déjà, la Mort est ici aussi un thème majeur, prégnant dans ce début de siècle, comme l’article suivant, “La Mort en face”, par Philippe Gontier, le développe avec une culture savante qui ravira les bibliophiles.
L’éditeur n’a pas non plus manqué de clore l’ouvrage sur la revue de presse de l’époque, qui salue le livre et ses indéniables qualités.
À notre époque partagée entre net recul de la pensée (philosophique ou religieuse) de la mort et images permanentes de cadavres (des accidents de la route aux séries policières), « Le Livre de la Mort » n’a rien perdu de sa force, grâce à son postulat d’observation neutre et froid du phénomène. Si hier l’auteur nous poussait à penser sans crainte à la mort, aujourd’hui il nous rappelle qu’il est bon d’y penser parfois, et de nous rappeler que, encore et toujours, elle n’est jamais loin.


Titre : Le Livre de la Mort (nouvelles, 1909, version augmentée)
Auteur : Édouard Ganche
Couverture : Transi de René de Châlons (photo)
Éditeur : La Clef d’Argent
Collection : KholekTh
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 13
Pages : 269
Format (en cm) : 11 x 17,3 x 2,4
Dépôt légal : février 2012
ISBN : 979-10-90662-00-1
Prix : 13 €



Nicolas Soffray
29 mars 2012


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