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Canisse
Olivier Bleys
Gallimard, Folio SF, roman (France), space-opera, 204 pages, septembre 2010, 5,70€

Xhan est garde-pêche interplanétaire, métier difficile s’il en est. Après une carrière exemplaire, les tuiles se mettent à pleuvoir : une mise à la retraite anticipée et injustifiée, et une tumeur cancéreuse qui grossit à vue d’œil.
Durant ses errances de jeune retraité à la recherche d’un nouveau souffle, il découvre l’existence d’une petite planète océane sur lequel vivraient les plus gros poissons jamais répertoriés. Xhan décide d’aller le constater de ses propres yeux, comme une dernière mission avant que la tumeur ne l’achève.
Mais sur Canisse, tout ne va pas se passer comme prévu...



Plusieurs choses ont tendance à me faire plaisir : quand un éditeur décrit en 4e de couverture « un roman qui évoque les meilleures pages de Jack Vance » et que c’est vrai ; ou une grande collection poche de SF qui publie des inédits comme celui-ci, dont les 200 petites pages fermaient les portes à une publication grand format.
Bref, quand je tombe sur une petite perle et que je me dis que d’autres le feront aussi...

Olivier Bleys n’en est pas à son premier roman, ce qui explique certaines choses. Dans les plus bassement matérielles, qu’il puisse publier ce « Canisse » en poche et vivre un tant soit peu de sa plume. L’auteur a à son actif une quinzaine de romans historiques. Ses recherches sur les sociétés anciennes ont, à n’en pas douter, constitué un socle de connaissances des mécanismes humains, qui font de ce petit roman de SF une histoire bien ficelée, où la logique des personnages est rarement prise en défaut.

L’histoire, comme résumée ci-dessus, démarre sur des ruptures : fin de travail, tumeur annonçant le terme proche de l’existence, mais aussi effondrement des certitudes avec la découverte de ces « mégathalos » nullement mentionnés dans le “Guide Outre-monde des Chasses et Pêches” (vous aviez pensé à un autre Guide ?). Nouvelle rupture également lorsque Xhan renonce à ses principes pour pouvoir accomplir ce dernier voyage...

L’immersion est immédiate, et l’amateur de SF frissonnera de plaisir dès les premières pages : l’univers d’Olivier Bleys ne se nourrit pas d’effets spéciaux tape-à-l’œil, pour au contraire présenter un futur routinier. L’auteur sait imposer la poussière, la rouille et les toiles d’araignée jusque dans ses termes, à l’image de ce « timbre téléphonique ». Pas un micro sub-vocal ou même un patch-comm, un timbre. Jamais le terme ne m’aurait semblé si délicieusement désuet.

L’intrigue, elle, roule sur les pistes bien rodées du space-opera : notre héros arrive sur la planète, cherche son poisson, rencontrant en chemin locaux, touristes et braconniers. Mais il a renoncé à défendre les premiers (qui ne le lui ont jamais rendus), fustiger les seconds (qui s’en sont toujours foutus) et poursuivre les derniers (qui lui ont toujours échappé). Il vient pour voir, une dernière chose, une dernière fois, et mourir.

Il va sans dire que le voyage sera un peu mouvementé, et que Xhan en verra bien plus qu’il ne s’y attendait lorsque les braconniers s’invitent à la pêche au mégathalos.

La fin, en deux temps, ouvre de grandes possibilités, et en même temps clôt presque brutalement cette histoire. Et ce ne sont pas les deux articles en annexe qui contenteront notre appétit éveillé. Arrivé à cette 189e page, une vague nous submerge : la vague de tous les non-dits du roman, tout ce que l’auteur a esquissé, laissé entrevoir, et que d’autres n’auraient pas hésité à étaler sur 300 pages supplémentaires.

Car il y avait matière, tant sur l’univers, les origines des gardes-pêche, que sur les mystères de Canisse. Olivier Bleys montre que sa plume peut se hisser au niveau de Jack Vance, elle n’aurait pas à souffrir de la comparaison avec Pierre Bordage. Mais comme pour ce dernier, faire court ou long est un choix, et il faut parfois craindre de frustrer par la brièveté plutôt que d’ennuyer avec un gros pavé.

« Canisse » peut donc énerver par le nombre de possibilités offertes et pas exploitées. Ou enchanter et permettre à l’esprit de vagabonder dans ce nouvel univers à explorer. Goutte d’encre dans l’océan, ce petit roman ne laissera en tout cas pas indifférent.


Titre : Canisse (inédit)
Auteur : Olivier Bleys
Couverture : Éric Scala
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio SF
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 376
Pages : 204
Format (en cm) : 10,8 x 17,8 x 1,4
Dépôt légal : septembre 2010
ISBN : 9782070396733
Prix : 5,70 €



Nicolas Soffray
31 janvier 2012


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