Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Sans même nous dire au revoir
K. Ueno
Kana

Comment parler de la mort d’un être proche, simplement, crûment, sans utiliser de métaphore ou d’image détournée ?
Il faut le reconnaitre, la BD européenne ne traite pas facilement ce genre de sujet.
La culture nipponne en revanche maîtrise l’art subtil du dosage de la dure vérité alliée à une profonde pudeur.
Ce manga magnifique ne déroge pas à la règle.



Ceux qui ont vu le film japonais “Departures”, Oscar du meilleur film étranger en 2009, savent de quoi je parle.
En France, le thème de la mort est souvent évoqué de façon masquée, sous-entendue. Surtout s’il s’agit du décès d’un être cher. Dans ce cas, que ce soit au cinéma ou en littérature, c’est à peine si on ose prononcer le nom de la personne défunte. Au Japon, même si, comme dans de nombreuses cultures, le sujet reste tabou, ce thème est traité complètement différemment.
Ainsi, dans “Sans même nous dire au revoir”, ce n’est pas la défunte mais tous les autres personnages secondaires qui subissent l’anonymat. Qu’ils s’appellent Mr « A » ou Mrs « S », tous restent sans visage, parfois même ils n’apparaissent que sous la forme de silhouettes. Comme si, ravagé par ces événements tragiques, le narrateur n’avait pas pu imprimer les visages des personnes qui l’entouraient.
Car c’est bien de tragédie qu’il s’agit. Le 10 décembre 2004, vers minuit, Kentarô Ueno découvre sa femme Kiho étendue sur le sol, inconsciente. Son décès sera déclaré moins de deux heures plus tard. Kiho laisse alors derrière elle Kentarô et leur fille de dix ans, Karin.
Tout est décrit dans ce livre : la volonté d’un père à rester solide aux yeux de sa fille, les démarches administratives à réaliser, les souvenirs des derniers instants, les manques, les bouleversements de la vie quotidienne, l’organisation de la cérémonie funéraire, le coût du crématorium… Ces moments sont d’autant plus bouleversants qu’ils sont intégralement biographiques.

JPEG - 45.1 ko

En effet, Kentarô Ueno, qui se considère avant tout comme un mangakana humoristique et satirique (de part ses autres œuvres), a réellement perdu sa femme, Kiho, en 2004. Ce livre, ou plutôt ce témoignage, a été pour lui un exutoire, une façon de dire adieu à sa femme. Du coup, ce qui interpelle le lecteur est avant tout le réalisme du livre, à la fois dans le scénario et dans la psychologie des personnages. Et pour cause... Les références aux sorties cinéma du moment sont nombreuses, les décors fourmillent de détails contemporains, les us mortuaires japonais sont très bien décrits et les relations entre les protagonistes sont subtils et complexes. L’auteur a voulu donner un ton juste à son récit, sans embellir le souvenir de sa femme ni dramatiser les événements qui ont suivi son décès.

JPEG - 56.5 ko

Kiho était malade physiquement, rongée par l’asthme et, mentalement, subissant une longue dépression. Sa mort reste inattendue et violente. Je ne vais pas vous mentir. Comme vous pouvez vous en douter, l’histoire est triste. Très triste. Et il faut bien l’admettre, les mangas savent jouer avec nos états d’âmes. Que celui qui n’a pas eu la gorge nouée devant “Le Tombeau des Lucioles” me jette la première pierre ! En lisant ce one-shot, il est même possible que certains d’entre vous se mettent à pleurer sur les dernières planches. D’ailleurs, sur la couverture, des gouttes, qui pourraient être des larmes, ont été ajoutées et disséminées sur le dessin. Le ton est donné.

Bref, sans être mélodramatique ni faussement larmoyant, ce roman poignant, particulièrement sombre, ne laissera personne indifférent. Dans la préface de cette édition, Kentarô Ueno s’adresse directement aux lecteurs français : « S’il y a des personnes qui vous sont chères, que pouvez-vous faire pour elles ? Mon souhait serait que vous lisiez cette histoire tout en y réfléchissant. »
C’est certain, ce manga fait réfléchir.


Sans même nous dire au revoir
- Scénario : Kentarô Ueno
- Dessin : Kentarô Ueno
- Editeur : Kana
- Collection : Made In
- Dépôt légal : 4 novembre 2011
- Format : 148 x 210 mm
- Pagination : 272 pages Noir et Blanc
- ISBN : 978-2-5050-1318-1
- Prix public : 12,50 €


Illustrations © Kentarô Ueno et Mangakana (2011)



Allison & Julien
4 décembre 2011




JPEG - 34.1 ko



JPEG - 12.8 ko



JPEG - 12.3 ko



JPEG - 37.1 ko



JPEG - 37.8 ko



JPEG - 31.8 ko



Chargement...
WebAnalytics