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Pentacle
Dario Alcide
Auto-édition, roman (France), fantasy, 377 pages, décembre 2010, 20€

Dans notre monde sont cachés 4 dragons. Un pour chaque élément : le feu, la terre, l’air et l’eau. Avec leur chevalier respectif, ils doivent protéger le 5e dragon, aussi appelé le lien. Car le Pentacle peut donner le pouvoir des éléments, aussi ne doit-il pas tomber entre de mauvaises mains.
Et... c’est tout.

De nos jours, quatre jeunes gens sont appelés à devenir chevalier-dragon, à réveiller leur dragon pétrifié grâce à son coeur en pierre précieuse, et à trouver le lien, et le protéger. Mais hélas ! des vilains mal intentionnés tentent de faire la même chose !



Dario Alcide est l’auteur des deux romans « Farence : la légende » et « Farence : le choix de Mira ». Auto-édités, ils présentaient toutes les faiblesses qu’on pouvait craindre d’y trouver.

Espoirs descendus en flammes

À la Yozone, lorsque notre chef de rubrique m’a proposé « Pentacle », j’étais partagé entre deux choix : le laisser à quelqu’un d’autre, qui aurait fait une critique impartiale, ou le lire moi, et pouvoir dire tous les efforts faits depuis les deux premiers romans. Le bon accueil critique du roman me fit pencher, plein d’espoir, pour le second.

Un tour sur un moteur de recherche vous permettra en effet de moissonner d’excellentes critiques de « Pentacle ». Elles sont hélas bien imméritées, et certains arguments m’ont fait douter de la bonne santé mentale, ou plus simplement des goûts littéraires de bon nombre de ces lecteurs-qui-s’improvisent-critiques, dont je croyais faire partie.

Certes, en regard des deux tomes de « Farence », la plume de Dario Alcide s’est améliorée. Mais on partait de très bas ! Et malgré les efforts, on est encore ici largement en-dessous de ce qu’un lecteur est en droit d’attendre pour 20€. Je ne vais pas chiffrer la valeur littéraire, mais parfois, comme on dit, on veut en avoir pour son argent. Là, c’est clairement de l’arnaque.

Un pavé illisible

Commençons par la qualité du texte. Formellement, c’est déjà affreux : plus de 45 coquilles dans l’intro et le premier chapitre (soit moins de 30 pages de texte). Après, j’ai cessé de compter, me contentant de corriger en soupirant avec mon porte-mines. Pas une page n’a été épargnée par le crayon, frappant souvent plusieurs fois par feuillet : virgules placées n’importe où (entre le sujet et le verbe, par exemple) ou absentes, traits d’union oubliés 9 fois sur 10, accords au pluriel aléatoires, conjugaisons variables (le participe passé des verbe du 2e groupe se termine en -i, et pas -it !! c’est niveau primaire, bon sang ! Et je vous passe le « j’ai sût  » !!). « Tache » est si souvent écrit avec un accent circonflexe (confusion bien compréhensible d’un correcteur automatique, mais pas d’un être humain), que lorsqu’il est bien écrit, je suis à peu près sûr que c’est par erreur ! Je ne parle pas des guillemets, fermés au petit bonheur la chance...
Je reprochais à « Farence » des sauts de ligne à répétition. Là, Alcide fait des blocs, et sabre les alinéas de début de paragraphe. Comment est-ce possible ? Cela se fait à la règle !
Bref, visuellement, « Pentacle » est un pavé compact de texte écrit petit. Cela nous change, mais pas en mieux. J’ai juste eu plus mal aux yeux.

Des images ? une fausse bonne idée

La première bonne idée vient des illustrations. Mais c’est un demi-échec : d’accord, c’est une nette valeur ajoutée comparé aux grands éditeurs qui se contentent de publier le texte et basta. Mais c’est risible en regard des petits éditeurs qui font réaliser un véritable travail graphique autour de leurs publications ! (je pense spontanément à Argemmios et Griffe d’encre, mais ils ne sont pas les seuls.)
Le dessin de Julien Pillet est très variable. Ses dragons sont effectivement très beaux. À l’exact opposé de la plupart de ses personnages. Je passe rapidement sur les incohérences texte/image (la première, page 33, montre un homme fluet alors qu’il est qualifié d’ « homme à la carrure imposante » la page d’après.) Je me bornerai à faire remarquer les poses statiques, les cous allongés, et la laideur de certains visages. Noa, en particulier, est méconnaissable d’une planche à l’autre.

Un ramassis de clichés

Arrivons-en à l’histoire. Vous avez déjà eu un avant-goût en début de chronique : on est dans le banal. J’ai d’abord pensé à de vieux animes japonais, comme « Saint Seiya » (« Les Chevaliers du Zodiaque » pour les francophiles), avant de pencher pour les plus ridicules des sentai, « Power Rangers » et ses multiples suites.
On retrouve en effet, dans ce petit groupe de chevaliers tout juste adultes, cette espèce de naïveté vis-à-vis du monde extérieur qu’ils ne connaissent pas, cette camaraderie et ce sens du devoir des grands ados qui ont un destin.
Je grossis un peu le trait : les 5 chevaliers sont assez différents (c’eut été le comble !), et une des rares choses à sauver du roman d’Alcide, c’est l’attention qu’il porte à deux d’entre eux, Arken et Noa. Autant le dire tout de suite, hormis Alaynah, le lien, tous les autres personnages sont purement accessoires.

Nos chevaliers sont donc nés lors d’alignements de planètes, ce qui leur donne un super-pouvoir (eh ouais !) en lien avec leur élément, et le devoir de protéger le lien, le 5e dragon, incarné dans un être humain.
On apprend vite que si un méchant réunissait les 5 dragons, il obtiendrait les pouvoirs du Pentacle, les 5 éléments, et ce ne serait pas bien. En revanche, j’ai eu beau chercher, je ne sais toujours pas à quoi sert le Pentacle, ni les dragons. Garantir un équilibre ? Va savoir. La base même de l’histoire de Dario Alcide est foireuse, je ne trouve pas d’autre mot. Les gentils s’appuient sur un réseau mondial, les witness (ou les martyrs, je vous épargne la justification christo-mythique). Pas un instant on ne se demande s’il ne serait pas plus simple, pour éviter le pire, de détruire les dragons, leurs cœurs, de les enfouir au fond des océans, et de trancher la gorge du lien. Bref de s’épargner bien du mal. Et à nous par la même occasion.
Le principe même du réseau witness, proche d’une « secte des élus » (ils vont jusqu’à se rendre muets !), est la cause de leur perte : ils lâchent quelques infos pour attirer à eux de nouveaux membres, mais c’est par ce même biais que les « Méchants » découvrent l’histoire du Pentacle, et veulent donc s’approprier son pouvoir. C’est tendre le bâton pour se faire battre !

L’intrigue est bateau au possible : après une intro au Louvre (à en faire pleurer le personnel : on y ouvre une salle « mythologie », on y raconte des foutaises, on expose un diamant énorme sans système de sécurité... j’ai bien failli arrêter là ma lecture !), on nous présente les 4 chevaliers élémentaires, le traumatisme enfantin lié au pouvoir, la rencontre avec le mentor, et hop ! un saut jusqu’à l’heure de partir, on se rencontre à la base du grand chef, on fait connaissance au fur et à mesure, et on attend... le moment où le lien se révèlera (vers la 160e page environ, soit presque la moitié du roman !). Là, quelques péripéties : on va chercher un dragon au pôle, on découvre l’existence des méchants, et d’un traître dans le groupe (oh, quelle surprise, c’est l’asocial dépourvu de pouvoir), le lien est enlevé, on le retrouve, on déménage, et on se re-fait attaquer, on re-enlève l’élément-clé du truc, et c’est la bataille finale, avec plein de morts, des larmes et tout. L’épilogue est à pleurer, synthèse de toutes les faiblesses de l’univers du roman.

La trame est donc archi-classique, et traîne en longueur. La langue est toujours niveau collégien (pardon aux collégiens), avec des phrases longues, surchargées d’adverbes, sans aucune musicalité ni le moindre rythme. Le texte fait bloc, sans aération, là aussi preuve d’un total oubli du rythme de lecture, qui devrait épouser celui de l’action. C’est plat, plat, plat, dans les scènes de bataille comme dans la moindre action, plombé par du détail inutile (comment on efface ses traces sur un ordinateur, à la fin de l’intro...) dont l’absence, je pense, amincirait le roman d’une bonne quarantaine de pages !

Quelque chose à sauver ?

Le seul point éventuellement positif vient du triangle Noa-Arken-Alaynah. Noa est le chevalier du feu, elle a été recueillie bébé par son mentor, elle est super-forte, franche et directe mais encore petite fille fragile à l’intérieur. Arken, le chevalier de la terre, a été enrôlé déjà ado, et n’adhère pas à toute cette mythologie de pacotille. Il s’est résigné, car il n’a pas eu le choix. Tous les deux sont donc parfaitement opposés, et c’est ce qui va faire que leur amitié va fonctionner, chacun comblant les manques de l’autre une fois la glace brisée. Alaynah, le lien/5e dragon, une jolie jeune fille qui se voit jaillir des ailes du dos, va trouver Arken comme un sauveur face à son malheur. Les deux jeunes vont bien sûr tomber amoureux, mais sans arriver à se le dire, et puis il y a le destin, il est censé la protéger, et s’il lui faisait du mal avec son pouvoir ?, etc.
Mais cela, je ne peux pas l’enlever à Dario Alcide, c’est bien observé, on a là exactement le cliché de deux ados amoureux, handicapés de la communication, et séparés par des évènements aussi fantastiques qu’imprévisibles. Rien de neuf sous le soleil, mais au moins là on n’est pas déçu.
Ce serait dommage de finir sur un point positif : les autres chevaliers font de la figuration, le traître a un motif banal (le pouvoir !). Quant aux méchants, le grand méchant est juste un Grand Méchant, ses deux acolytes les enfants appauvris d’un autre truand qui a dilapidé son argent dans ses recherches sur le Pentacle. L’auteur ne s’intéresse que très peu à eux, aussi serait-ce beaucoup nous en demander de faire mieux.

Le pire truc que j’ai lu (et pourtant !)

Concluons donc par un bref résumé :
Intrigue : banale, convenue, vieille comme le monde. Et si pleine de trous qu’elle ne tient pas debout.
Narration : plate, lourde, aucune qualité d’écriture, pénible à lire. Le point de vue omniscient empêche tout intérêt, attachement à un personnage. Seuls les dialogues sont à peu près réalistes.
Construction : linéaire, le démarrage est plus que poussif, certains passages sont proprement passés à la trappe (entre la fin du chapitre 12 et le début du 13).
Présentation : manque d’homogénéité dans les illustrations, ponctuation à revoir.

On ne juge pas un livre à sa couverture : Celle de « Pentacle » intriguait, laissait présager des choses, peut-être pas inédites, mais vaguement originales. Cela s’arrêtait là.
Je ne vais pas refaire mon laïus sur le travail de l’éditeur dans le circuit du livre (il est dans la chronique de « Farence ») : un éditeur, à la lecture de l’intro, aurait ri et dit non, en jetant le truc à la poubelle. S’il avait pensé « il y a de la matière, mais beaucoup de travail » et continué à lire, il aurait multiplié les « beaucoup ». Et vite flanqué le livre à la corbeille.

« Pentacle » ne mérite à mon sens pas le papier sur lequel il est imprimé, et encore moins les 20€ que le vend son auteur. Je ne comprends pas les multiples chroniques qui ont fleuri sur internet, les coups de cœur de lecture... Je me suis demandé si j’avais le même livre entre les mains !
Notons aussi que le meilleur argument de l’auteur, la « présence au Top10 d’Elbakin.net » clamée sur le site du roman, est à minorer : le livre est 10e de la liste d’un des 10 rédacteurs du site, liste dans laquelle il est dépassé largement par deux dessins animés. L’erreur est humaine.

Ma voix va donc être discordante dans le concert de louanges, mais j’espère qu’elle sera entendue : « Pentacle » ne vaut pas le temps que j’ai perdu à le lire.
Avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail, cet univers aurait pu déboucher sur quelque chose de vaguement lisible, mais sûrement hélas déjà lu et relu. Il est malheureux de voir que le nivellement par le bas des lecteurs qui s’expriment sur internet (entre l’orthographe et le degré d’argumentation, j’ose croire qu’il ont tous moins de 14 ans) encourage des auteurs comme Dario Alcide à persévérer.
Ne pourra-t-il pas soumettre son prochain texte à un éditeur, qu’on arrête là le massacre ?


Titre : Pentacle
Auteur : Dario Alcide
Couverture : http://fantastiste.over-blog.com/
Éditeur : Farence Corp. (auto-édition)
Site Internet : page roman, site auteur-édition (site éditeur), mini-site du roman
Pages : 377
Format (en cm) : 15 x 21 x 3,3
Dépôt légal : décembre 2010
ISBN : 978-2-9533178-3-1
Prix : 20 €


Deux précédentes tortures littéraires sur la Yozone :
- « Farence : la légende »
- « Farence : le choix de Mira »


Nicolas Soffray
15 octobre 2011


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