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Cas Jack Spark (Le), saison 2 : Automne traqué
Victor Dixen
Jean-Claude Gawsewitch, roman (France), cataclysme féérique et adolescent, 573 pages, mai 2010, 21€

S’échappant de Redrock pris d’assaut par les forces spéciales, Jack et ses amis tentent d’arrêter le docteur Krampus.
Au Pentagone, ils rencontrent Morgane, la plus puissante Fée, qui révèle à Jack qu’elle est sa mère et, avant d’être abattue, qu’il doit reprendre son projet d’alliance entre les Fés et les Humains. Tout cela pour empêcher les Entités de ravager la Terre...
Mais Jack parviendra-t-il à prendre la tête des Fés, êtres par nature égoïstes ?
Avec ses amis (ou pas), saura-t-il faire éclater la menace au grand jour ?



Je ne sais guère par où commencer.
Je suis partagé entre l’envie de vous raconter tout ce qui se passe dans cet « Automne traqué », mais immédiatement derrière, me retenant, me vient cette pensée : si je vous raconte, vous n’aurez plus à le lire. Et c’est peut-être vous gâcher le plaisir de la découverte, ou alors un service à vous rendre...

Car je ne vais pas y aller par quatre chemins : si « Été mutant », le tome 1, se défendait (sans satisfaire comme le devrait un livre recevant le Grand Prix de l’Imaginaire), ce tome 2 est une accumulation du meilleur de l’action façon cinéma hollywoodien, et du pire question littérature... On ne s’ennuie pas, mais on peine à trouver de l’intérêt !

Car Victor Dixen, si je ne lui dénie pas une imagination débordante qu’il a su canaliser dans un univers plutôt logique et admissible, sans grosses bourdes (comme celles d’Eli Anderson dans sa saga « Oscar Pill », par exemple), ne sait pas construire un récit, créer de la tension dramatique, tisser une atmosphère, ni donner de l’épaisseur à ses personnages.

Les 100 premières pages de cet « Automne traqué » sont pour ainsi dire la conclusion du tome précédent. Fin brutale oblige, on raccorde immédiatement, et du coup, la coupure n’en paraît que plus arbitraire.

Suit alors le voyage de Jack à Dublin, à la recherche de cette espèce d’utopie fée créée par sa mère aussi vite retrouvée que perdue. Face à des Fés très puissants, on a droit à la plus belle brochette de clichés depuis longtemps : les vilains se déchirent entre eux, et Jack accorde sa confiance au seul qui, cela crève les yeux du lecteur, le caresse dans le sens du poil pour mieux l’endormir et le trahir dans son dos.
La trahison révélée, le clash est l’occasion d’une petite baston de laquelle les méchants réchapperont, histoire de pouvoir continuer à comploter. Ils réapparaîtront comme de juste très inopinément quelques centaines de pages plus tard.
Débarrassé des traîtres, Jack va pouvoir aller à l’ONU négocier une alliance avec les USA, la nation la plus puissante sur Terre (ben voyons, et l’auteur est à moitié français...). Un détour par la caverne aux merveilles de maman, histoire de rafler quelques gadgets mythiques, avant de tout faire capoter au dernier moment à cause d’un chagrin d’amour.

C’est en effet aux alentours de la 350e page, alors que tout s’enchaînait avec l’originalité d’une série américaine bien calibrée tout public, que se passe un truc bizarre sur le moment, car les causes en seront expliquées juste après (ou le choix du flash-back bêtement explicatif plutôt qu’une narration misant sur l’anticipation par le lecteur) : Sinead brise le cœur de son Fé adoré, un truc du genre « le monde ou moi ». Et notre ado féérique envoie tout valdinguer au pire moment au lieu de se retenir cinq minutes (ou mieux, de PARLER avec la fille qu’il aime... Mais bon, c’est un ado, ça explique... tout, hélas...).

Entretemps, les amis de Redrock ont été séparés, mais grâce à leurs talents cachés (voire inconnus au bataillon), leurs tares envolées (la phobie des microbes de Ti-Jean, notamment), et leur indéfectible amitié, ils se retrouvent sans que l’Univers ne leur mette de bâtons dans les roues, ou si peu. Mais cette séparation morcelle un récit qui était déjà loin d’être palpitant, à force de factuel entrecoupé, comme dans le tome 1, de quelques rares et intéressantes confessions de la vie entière de fugitifs personnages secondaires.

Je noircis le tableau : il y a quelques éléments de fond qui entretiennent l’intérêt : Josh et Sinead se découvrent le Trouble Don, un pouvoir vital face aux Fés, et Ti-Jean et Mary-Ashley vont se rapprocher (pas comme vous le pensez) pour mener le combat. Quant aux autres, exit : Doug n’a les honneurs que d’une scène (mais certes pas mauvaise) après son coming-out face au père de Josh. L’auteur se perd néanmoins en sautant d’un personnage et d’un lieu à un autre, passant sous silence des aventures qui promettaient beaucoup, au profit d’un résumé raconté lors des retrouvailles. Le tout laisse un goût amer d’économie de moyens.

Les 250 dernières pages laissaient espérer le meilleur, elles enchaînent les scènes d’action à grands effets spéciaux (on passe de « X-Men 3 » à « Pirates des Caraïbes 2 »), frôlent très (trop) souvent le grand-guignol, avant une fin réellement cataclysmique, succession de tous les excès.

Et le pire, c’est qu’il reste un 3e tome, « Hiver Nucléaire », aussi épais. Autant vous dire que j’y vais à reculons : nos héros vont mettre 3 autres mois, puisque c’est le concept, à vaincre les Entités venues ravager la Terre ! (alors que leur seule arrivée, en pluie météoritique et tsunamis, a déjà de quoi éradiquer la moitié de la population...)

Je ne peux même pas dire que cet « Autome traqué » se dévore : le morcellement du récit selon les différents personnages casse un rythme que les scènes d’action à l’impact visuel certain s’efforcent de faire paraître haletant.
Jack n’a à peu près aucune psychologie, malgré le point de vue interne du récit dans les chapitres le concernant, et les seconds rôles sont toujours aussi stéréotypés. Tous les défauts qui les avaient « conduits » à Redrock sont balayés ou relégués au simple décorum.
Quelques scènes sont vibrantes d’émotion (principalement grâce à Josh, me semble-t-il, car il est le seul à allier culture et humanité), mais noyées dans la masse de l’action pour l’action, des passages obligés surchargés de clichés indignes de la littérature ado. « Harry Potter » est passé par là, que diable ! Il faut éteindre la télé et ouvrir un peu des livres, bon sang !, avant de se piquer d’écrire.

Et puis il faut apprendre à écrire.
Visiblement, Victor Dixen manque de bases. Construction du récit, des personnages... Il ne faut pas tout miser sur le fond (qui je le redis a le mérite d’être enfin original, et pas une énième saga de fantasy ou une pâle copie du petit sorcier cité plus haut), mais aussi soigner la forme : j’ai l’impression d’avoir lu un script de série fantastique. Si c’était là l’objectif, vendre le projet d’adaptation, c’est réussi. Mais pour faire lire de la bonne littérature aux ados, le compte n’y est pas.

Enfin, je chipotais sur les quelques coquilles de la réédition poche d’« Été mutant », je m’en excuse sincèrement ici. « Automne traqué » fourmille d’une quarantaine de fautes, points manquants, mauvaises corrections, symboles sortis d’on ne sait où (p. 242, 513), erreurs de mise en page (des phrases n’ont pas d’alinéa, le bas de la page 484 est formaté en colonne).
Terminons sur les perles de l’auteur, « graine de potence » ou la compression de mauvaise graine et gibier de potence, « du sang de navet dans les veines » là où du jus aurait suffi (ou bien des navets vampires ?), et à plusieurs reprises (et même déjà dans le tome 1) « exploser comme une Cocotte-minute » (p. 84, 534) alors qu’il me semble que le principe de l’appareil étant justement de ne pas exploser... Enfin je crois...

Pour conclure, ne voyez donc cette seconde partie du « Cas Jack Spark » que comme du pur divertissement, à l’image d’une série télé américaine.
Que vous ayez 8, 10, 12, 14 ans ou plus, VISUALISEZ le récit, oubliez la pauvreté du texte, les faiblesses de l’intrigue, des personnages, les mauvais raccords et les ellipses décevantes, VOYEZ seulement les décors majestueux, les effets spéciaux du tonnerre, et l’histoire d’amour trop triste entre qui vous voulez.

Ou alors, allez prendre un vrai livre, écrit par un vrai auteur (on vous en conseille plein de bons sur la Yozone). En attendant que Victor Dixen nous serve l’originalité de son univers au bout d’une plume digne de ce nom.

Je désespère, mais peut-être « Hiver nucléaire » satisfera-t-il mes attentes. Croisons les doigts.


Titre : Automne traqué
Série : Le cas Jack Spark, tome 2
Auteur : Victor Dixen
Couverture : Tristan Meudic & Aurélie Bertram
Éditeur : Jean-Claude Gawsewitch
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 573
Format (en cm) : 24 x 15,5 x 4,5
Dépôt légal : mai 2010
ISBN : 978-2-35013-218-1
Prix : 21 €


Également sur la Yozone
Saison 1 : « Été mutant »


Nicolas Soffray
30 septembre 2011


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