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Dit de Cythèle (Le), tome 4 : Le Souffle du Dragon
Nicolas Cluzeau
Black Book, à dé couvert, roman (France), dark fantasy, 709 pages, octobre 2011, 9,90€

Sur Thorion Weir, les Sorciers d’Argile sont sur le point de renaître, grâce à l’aide des mages de Vilanöé. Car leur rêve démocratique a des partisans. Mais aussi des ennemis : en plus de Cythèle et ses compagnons, d’autres forces complotent pour les empêcher de restaurer le réseau d’Azur...



Pour le quatrième et dernier volet de son Dit de Cythèle, Nicolas Cluzeau semblait décidé à mettre la barre encore plus haut. Le souffle épique est toujours là, la noirceur également, de même que toutes les ambiguïtés découlant de l’absence de manichéisme. Si vous lisez ce 4e tome sans avoir dévoré les précédents (c’est faisable, mais pourquoi se priver ?), il vous sera difficile de comprendre qui est dans quel camp. En effet, tous semblent vouloir empêcher les Sorciers d’Argile de refonder leur démocratie, gage de paix et de prospérité.

« Le Souffle du Dragon » commence non pas avec Cythèle, que nous avions laissée plus déterminée que jamais après les évènements d’Asgard (voir « La Citadelle du Titan »), mais avec deux autres héroïnes de Nicolas Cluzeau : Harmelinde et Deirdre (voir le recueil éponyme), magiciennes de Vilanöé, mère et fille, aussi bonnes magiciennes que fines détectives, spécialistes des énigmes où la magie n’est qu’un rideau de fumée (mais pas toujours, aussi leur science est-elle souvent la bienvenue). Elles escortent un mage du feu, mandaté par le conseil de Vilanöé pour aider à la restauration du Réseau d’Azur.
Très rapidement, les tentatives d’attentats se font de plus en plus violentes, et la magie parle plus fort que la poudre. Car les Sorciers semblent avoir au moins trois ennemis : Cythèle, des démons, et un traître dans leur rangs.

Et là où Nicolas Cluzeau met la cerise sur le gâteau, c’est que celle que Cythèle cherche à sauver (tout en arrêtant les Sorciers d’Argile), la réincarnation de sa fille Irgolène, n’est autre que Chiriliyé, la daemoni nihilia, maîtresse assassin, qui dirige le commando devant ruiner par tous les moyens la recréation d’une Citadelle d’Azur. Elles seront de plus en plus proches à mesure que la tension monte, que l’instant fatidique où tout va se jouer, et où tout peut échouer, dans un flop pitoyable ou une explosion dantesque...

L’auteur joue avec nos nerfs : à mesure que les festivités se préparent, chaque camp avance ses pions, sans savoir ce que préparent les autres, parfois sans soupçonner leur présence, et nous, lecteur, anticipons le cataclysme à venir. Car la fin comme les moyens diffèrent, tous ne pensent pas qu’un simple échec suffira à faire taire les Sorciers d’Argile, et visent une méthode plus définitive : la destruction pure et simple de tout ce qui fait leur grandeur en ce jour de renaissance, dans une éruption meurtrière des Crocs du Dragon.

Je ne vous cache pas que la bataille finale atteint des sommets épiques : tous les protagonistes (enfin, ceux encore vivants à ce stade) sont réunis, les alliances changent brusquement, certaines traîtrises se révèlent, des liens du sang ressurgissent. Si les 600 pages précédentes nous scotchaient au livre par leur densité, leur profondeur et la touche de mystère entourant certains préparatifs, les 100 dernières vous prennent aux tripes. Et comme tout le monde n’en sortira pas indemne, on ne peut s’arrêter, à peine reprendre son souffle, avant l’épilogue. Épilogue qui vous achève comme un bon coup sur la nuque alors que vous étiez à terre, en changeant la perspective des quelques 2500 pages que vous venez de terminer.

On sort épuisé du Dit de Cythèle, comme si on avait bataillé avec ses héros. Épuisé et triste. Parce que c’est une histoire triste d’un bout à l’autre. Mais aussi tellement merveilleuse.
Parce que Cythèle suit la prophétie qui trace sa vie, assume son destin, ne se fait aucune illusion. Et en même temps, parce qu’elle est persuadée, parce qu’il est écrit qu’il en est et en sera ainsi, elle avance, sans envisager l’échec. Surmontant toutes les épreuves, pires à chaque fois.

J’aurais pu finir sur ces mots, mais je m’aperçois que je ne vous ai pas parlé, ou si peu, de Chiriliyé. La fille de Cythèle, réincarnée en démone, occupe un tiers de ce quatrième volume, et nous fait le récit horrifiant de sa nouvelle vie, de ce qu’elle a subi comme de ce qu’elle a commis pour devenir la première tueuse du Maître des Isles. Sans cela, on pourrait considérer « Le Souffle du Dragon » comme un excellent roman de fantasy, s’affranchissant des clichés politiques et religieux inhérents à l’habituelle production d’inspiration rôliste (voir la dernière trilogie Lancedragon que j’ai lue, par exemple). Avec le journal de la démone, ses souffrances et surtout le déchirement entre son âme d’Irgolène et son corps de Chiriliyé, Cluzeau nous hisse dans de la dark fantasy âpre, adulte, avec des passages à la limite du dérangeant, qui nous poussent plus encore que l’aspect politique ou religieux du livre à nous interroger sur notre humanité.

Finalement, ne lisez pas Nicolas Cluzeau. Pas tout de suite. Laissez une chance aux autres. Après les 4 tomes du Dit de Cythèle, ou seulement la moindre de ses nouvelles (comme “Dragon des Mers”, dans « Dimensions de Capes et d’Esprit »), le reste de la fantasy risque de vous sembler bien plat.


Titre : Le Souffle du Dragon
Série : Le Dit de Cythèle, tome 4/4
Auteur : Nicolas Cluzeau
Couverture : Sylvain Sarrailh
Éditeur : Black Book (édition originale : Nestiveqnen, 2004)
Collection : à couvert
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 709
Format (en cm) : 10,8 x 17 x 3,9
Dépôt légal : octobre 2011
ISBN : 978-2-363280961
Prix : 9,90 €



Également sur la Yozone :
- l’entretien avec Nicolas Cluzeau

et les chroniques de :
- Dit de Cythèle (Le), tome 1 : La Ronde des Vies Éternelles
- Dit de Cythèle (Le), tome 3 : La Citadelle du Titan
- Harmelinde et Deirdre
- Chasses Olympiques
- Rouges Ténèbres
- Les Cavaliers du Taurus


Nicolas Soffray
1er décembre 2011


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