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Insidious : Entretien avec Leigh Whannell
Table ronde avec le scénariste d’Insidious
31 Mai 2011

La seconde table ronde INSIDIOUS se tenait autour de Leigh Whannel, l’auteur acteur responsable de tous les scénarii des films de James Wan.
Egalement acteur dans le film, il nous invite à lui poser toutes nos questions. Drôle et sincère, il va aussi raconter ses débuts et sa vision des studios.



Comment avez-vous rencontré James Wan ?

On a commencé à traîner ensemble à l’université, on s’entraidait. Et après avoir eu notre diplôme, on a continué à trainer ensemble. Je crois qu’on faisait une bonne équipe. J’étais le scénariste et lui le réalisateur et personne ne marchait sur le boulot de l’autre.

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Est-ce vrai que les dialogues de James étaient mauvais ?

Oui, je crois qu’on savait tout les deux qu’on pouvait apprendre de l’autre. Vous savez un film est extrêmement dur à concevoir. Le faire à deux, c’est beaucoup plus facile. Et avec James, je me suis dit qu’on pouvait aller loin ensemble.

Et quand avez-vous commencé à aborder le thème de la maison hantée de « Insidious » ?

Lors de l’écriture du premier « Saw », on avait commencé à en parler. L’idée a été délaissée car on croyait plus en « Saw ».

En Australie ?

Oui, Après nos études on cherchait à l’époque un film pas cher à produire. « Saw » nous paraissait plus excitant et moins cher. Quelques années plus tard, lorsque les producteurs de « Paranormal Activity » sont venus nous voir en nous disant voilà on a tant d’argent, avez-vous un script qu’on puisse faire avec ce budget ? On s’est regardé avec James, et on est revenus avec « Insidious ». Cela semblait logique de reprendre notre idée vu qu’on y avait pensé à l’époque pour un film à petit budget.

Comment était la collaboration avec les producteurs de « Paranormal Activity » ?

C’était génial, ils sont des producteurs parfaits. Ils nous laissaient beaucoup de champ libre dans la création tout en aidant, ils nous filaient quelques idées. Vraiment très enrichissant. Tout le process du début à la fin était très fun. C’est ainsi que ca devrait toujours se passer, mais sur un tournage on a l’habitude des engueulades et maux de crânes, heureusement celui-ci était très plaisant.

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Beaucoup de personnes et critiques se demandent quelle est votre marque personnelle...

Je dirais que j’aime le bizarre et l’étrange. Dans « Saw », on a ce tueur en série qui parle à travers une poupée qui fait du vélo. J’adore ce genre d’idée. Dans « Insidious », nous avons une scène où les protagonistes vont essayer d’invoquer le petit avec le médium. Je me suis dit mince, il manque quelque chose, et en retravaillant j’ai trouvé l’idée que le médium porterait un énorme et terrifiant masque à gaz. C’est ce genre là qui me caractérise.

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L’avez-vous écrit rapidement ou pas ?

Normalement, je prends mon temps. Néanmoins, pour ce film j’ai dû me presser car il avait déjà une date de tournage avant même que le film soit écrit. On m’a dit tu veux faire le scénario, j’ai dit oui, ils m’ont dit ok on tourne en avril. On était en décembre. Je suis rentré en Australie et suis revenu fin Janvier avec le script fini.

La première partie du film est plus classique et soudainement on entre dans le surnaturel total, comparable à « Poltergeist ».

En effet, « Poltergeist » était une inspiration dans nos vies à James et moi car c’est un film qu’on adore. Mais, avec « Insidious », on essayait de mêler de vraies histoires de témoignages personnels, dans la première partie, et de notre envie de visiter cet autre monde dans la seconde. On pouvait faire tout ce qu’on voulait. C’est aussi un film montrant également notre passion des films d’horreurs. On a ainsi pas mal d’ambiances différentes, des références qui fonctionnent au final. Si le film gardait l’intensité de la première partie, on s’ennuierait. On avait besoin avec James de passer à une étape plus élevée en émotions et intensité narrative. Plus je voulais jouer un rôle sympa dans le film.

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Vous jouez effectivement Specs, l’un des deux personnages comiques ?

C’est évident que je jouerai dans le film. J’ai fait chanter James avec le scénario, le choix a été rapide. J’ai eu mon rôle (rires).

L’humour, c’est une façon de faire redescendre la pression ?

Tout à fait, je crois que le spectateur a besoin de rire. L’humour donne une pause au film. Plus je voulais que les deux inspecteurs soient le tandem comique, plus je voulais être drôle.

Avez-vous d’autres propositions sans James, de studios ?

Oui j’en ai reçu pas mal. Mais je n’ai pas accepté, je n’aime pas écrire sur demande. J’aime écrire mes histoires à mon rythme sans pression, ainsi j’ai le temps que je veux pour créer mon univers propre. Mais j’ai quelques scénarii écrits avec James pour d’autres réalisateurs également.

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Aviez-vous des connaissances quelconques sur la projection astrale ?

Pas plus que les connaissances basiques, j’ai dû faire mes recherches. Je me suis retrouvé avec des médiums à Los Angeles, avec des chasseurs d’esprits dans un hôpital psychiatrique désaffecté. On était en pleine nuit. Le lieu n’avait pas été touché depuis qu’il avait fermé, il y avait encore tout les dossiers des patients. Je voulais vraiment voir un fantôme. Dans la nuit, on a entendu des bruits près des ventilations. Ils ont commencé à sortir les équipements, puis au talkie « Mitch, on a des perturbations sur le B-4-6 à minuit quatre ». Il s’est avéré que le fantôme n’était qu’un écureuil. J’ai alors lancé « c’est peut-être le fantôme d’un écureuil ? ». Ils n’ont pas du tout aimé ma blague. Ils ne supportaient pas les moqueries sur leur boulot. Mais c’était très sympa de faire ce genre de choses.

Avez-vous subi des changements scénaristiques au cours du tournage ?

Pas tant que ca. C’est l’avantage des films à petit budget, on suit presque à la lettre le scénario. Dans les blockbusters, on va trouver 6 scénaristes sur le même film dont l’un s’occupe des dialogues et l’autre des scènes d’action, etc. On retrouve vraiment le scénario de base dans le film sorti en salle.

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Avez-vous écrit le scénario pour Patrick Wilson et Rose Byrne ?

Non, je ne pensais pas à eux en écrivant. Mais ils ont incarné les rôles à la perfection. Ils ont été exactement comme je voyais le film. Avec ce genre de films, on a besoin d’acteurs qui puissent vraiment faire ressentir les émotions. On devait avoir des acteurs de cette envergure pour pouvoir faire vivre et exister le personnage, ce rendu réaliste et qui nous touche. C’est une des raisons je pense pour lesquelles les « exorcistes » ont bien marché. On prenait des personnes lambda qui vivent leur propre vie. Au moment ou ça commence à faire peur, on y croit encore plus. De plus, j’étais très heureux de savoir que nos acteurs avaient de l’expérience dans le jeu dramatique.

Vous parliez tout à l’heure du fait qu’on vous ait proposé de faire du recyclage de films en suites et remakes. Est-ce difficile pour un jeune scénariste de proposer un scénario original ?

Oui. Hollywood a l’habitude de faire des remakes. Si vous vous pointez avec un script de science-fiction remplit de robots et de vaisseaux spatiaux, les studios vont vous demander pourquoi ne pas faire autre chose. Mais c’est également difficile de faire produire un script basé sur une idée originale. On vous proposera plus d’écrire des suites de saga, des remakes voire des adaptations. L’adaptation de livres ou bandes dessinées est un travail très complexe. J’ai besoin d’écrire le scénario et d’avoir mes propres secrets, et de poser mes propres limites. Adapter, c’est prendre le monde d’un autre et le traduire. Alors que lorsque vous écrivez votre scénario, vous inventez vos propres mondes. Personne ne peut me dire que j’ai tort : vu que je l’ai créé, comment puis-je avoir faux ? En adaptant, vous allez avoir des personnes sur le net qui vont toujours râler et vous prouver que vous avez eu tort. C’est pour cela que j’admire le film blockbuster d’auteur comme « Inception », « Matrix ». J’admire le fait que le film marche de façon mondiale tout en restant un film d’auteur. J’aimerais faire ça plus tard.

Êtes-vous intéressé par la science-fiction et quels sont vos futurs projets avec James Wan ?

J’adore les films de science fiction comme, je le disais, « Matrix », « Inception » et Blade Runner.
Le film de science-fiction est un genre où il y a d’énormes possibilités. Comme le spectateur est confronté à un monde irréel que l’on crée, on est ceux qui fixent les règles. Avec James, on a en beaucoup parlé, mais on n’a pas encore trouvé d’idée potentielle et concrète. Je n’arrête pas d’essayer de trouver des idées, rien que depuis que je suis à Paris. On trouve de l’inspiration partout.
’aimerais faire de la science-fiction mais c’est difficile comme le film d’horreur. Tout a été épuisé, Les idées ont été essoufflées. Francis Ford Coppola a cette expression : « les gens ne font pas des films sur la propre vie, ils font des films basés sur d’autres films ». Je trouve qu’il a tout à fait raison. Quand vous faîtes un brainstorming, vous essayez d’avoir une idée et puis vous avez une idée tirée d’un film, de fil en aiguille, on se retrouve à écrire « Star Wars ». On essaie d’écarter les idées d’autres films mais c’est très dur. J’aimerais voir un film d’horreur complètement nouveau et différent. Un film qui ne rend pas un hommage à quoi que ce soit, quelque chose de neuf.

Avez-vous vu « The Descent » ?

Oui, c’est vrai que ce film a quelque chose d’extrêmement particulier et différent. Mais je pense que le film d’horreur dont je parle devrait être très avant-gardiste que seul un européen ou un vrai artiste pourrait faire. Comme Matthew Barney qui a fait la saga des « Cremaster », ce sont des films horrifiques et complètement étranges.

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En tant que fan des films d’horreur, quels sont vos principales influences ?

Dans le cas de « Insidious », j’étais sur les films de fantômes et maisons hantées. Mon film d’horreur préféré doit être « Shining » qui fait tellement peur, « L’Exorciste », « Les autres » et « The Ring » (la version originale). C’est ce genre de film que j’affectionne. De plus, c’est assez difficile de nous, James et moi, faire peur dans un film. On a découvert que très peu de films nous ont vraiment fait peur. Si tu racontes que tu n’as vu que cinq films dans ta vie qui t’ont fait rire, les gens vont penser que tu as un mauvais sens d’humour. Quand tu dis que tu n’as vu que cinq films qui t’ont fait peur, les gens te croient. Notre travail avec James était de contribuer « Insidious » à cette sélection. Cela dépend également de ce qu’on voit en tant que fan d’horreur. Ces temps-ci, je suis sur les films d’horreur gore français comme « A l’intérieur » (d’Alexandre Bustillo), « Frontières » (de Xavier Gens), « Martyrs » (de Pascal Laugier). C’est très extrême et cool et en même temps c’est une leçon de cinéma grandiose.

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Tiré du film « Shining »

La structure de « Martyrs » est intéressante, les protagonistes meurent tous au début du film et on se demande en tant que téléspectateur que va-t-il se passer ?

Oui. Cette approche du film est intéressante. Les films d’horreur américains ne sont pas inventifs et originaux. Je pense que les bons films d’horreur viennent d’Europe et d’Asie, que ce soit « L’orphelinat » ou REC des espagnols. Les films du Japon et coréen.

Votre film a ce parfum européen avec la lumière, les couleurs et la musique. Comment l’expliquez-vous ?

Nous sommes influencés par Mario Bava et Dario Argento. On veut être dans cette sensibilité. C’est là ou les meilleures choses sont faites. Ce sont les seuls vrais films qui prennent des risques. Prenez l’exemple de « J’ai rencontré le diable », c’est hardcore mais osé. C’est intéressant de voir comment les films se nourrissent des autres films. Prenez le western américain, les italiens reprennent le genre à leur sauce, le western spaghetti est né, un nouveau genre. Les USA vont faire de bons scénarios comme « Seven ». Puis on a un pays comme la Corée va vous prendre « Seven » et vous le transformer en « J’ai rencontré le diable ». J’aime le fait que les européens et asiatiques reprennent nos films pour les transformer dans quelque chose qui ne ressemble à rien au film américain.

Un mot sur les films Australiens ?

J’aime Animal Kingdom. Le film est une vision australienne des films de crime, gangster. Chaque pays a une emprise sur un genre. J’aime le film de genre en général mais je n’ai pas envie de les voir sortir d’Hollywood. J’aimerai voir L’Islande faire un film d’horreur.

Pourquoi ne venez-vous pas vivre en Europe écrire des films d’horreurs si la machine américaine ne vous plaît pas ?

Plus le budget est bas, plus on est libre de faire des choses. Dans « Insidious », si on est arrivé à mettre pas de moments stressants et bizarres, c’est grâce au petit budget du film. Je suis content de vos critiques dans le sens que notre film ressemble à un film européen. Cela veut dire qu’on a réussit à faire quelque chose de différent de ce qui se passe aux Etats-Unies. Même pour « Saw », on nous a beaucoup dit que le film était inspiré d’Argento, De ses « Frissons de l’angoisse ».

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Tiré du film « Saw »

Un des acteurs de « Scream » me disait que « Saw » est le nouveau film d’une génération, qu’en pensez-vous ?

C’est extraordinaire. Nous sommes très contents de savoir que notre film ne vieillira jamais et qu’il est devenu culte. C’est comme un nouveau « Freddy ». Cependant, maintenant, il faut prouver au gens qu’on n’est juste pas les mecs qui ont fait « Saw ». Ce n’est pas aussi simple que l’on croît. Imagine que Steven Spielberg n’ait fait que « Les dents de la mer », les gens le considéreraient comme le mec des dents de la mer. Mais il a continué à venir avec d’autres films originaux. Il ne s’est pas arrêté de se réinventer. Quand vous pensez à Spielberg, Les gens ne pensent à un seul de ses films, on pense à un propre genre.

Comment se passe votre travail avec James Wan ?

On travaille main dans la main. On se fait une partie de ping-pong et on parle de nos idées. C’est un très bon partenariat. Je m’enferme ensuite dans ma pièce pour écrire au calme, puis je vais le voir en salle de montage pour lui montrer ce que j’ai fait. On en discute, on cherche ensemble, j’écoute ses suggestions.

Sur le plateau de tournage, vous pouvez lui demander des suggestions ?

Oui bien sûr je vais souvent le voir pour lui demander si on ne devrait pas faire ainsi ou changer une idée. James comprend tout à fait, il m’a même donné envie de faire de la réalisation. Peut-être un jour on inversera nos places avec James scénariste.

Que pensez-vous des remakes, suites américains ? Croyez-vous qu’ils font ça par besoin social des américains qui veulent voir ça ?

Je crois que c’est surtout pour l’argent. Les studios veulent des produits sûrs. Ils n’ont pas tellement d’idée non plus, les producteurs qui travaillent à Hollywood ne sont pas créatifs mais des businessmen. Le businessman est celui qui limite les risques. A Hollywood, c’est ce qu’ils font. Ils vont dire, si on prend ce film et ce réalisateur et on écrit une suite avec ce scénariste. Ils font des connections illogiques mais qui font juste parti de leur calcul. Je suis plus créatif que calculateur, c’est pour ça également que je ne peux pas adapter, j’ai le besoin de créer. Je dis ça dans le sens où je ne vais pas voir un concert d’U2 mais chanté par un autre groupe. Ce n’est pas très logique, autant aller voir un concert d’U2 avec Bono. Mais attention, les remakes ne sont pas tous mauvais. Je crois que le meilleur cas pour faire un bon remake, c’est de partir d’un film assez vieux, en noir et blanc. On peut vraiment moderniser le concept et lui donner un nouveau souffle. David Cronenberg, pour « La mouche », a fait à partir d’un film grinçant traitant de mouches un film qui parabole le Sida et ses mutations génétiques.

J’ai lu que vous alliez faire un « Insidious 2 » ?

J’apprends des choses tout les jours ! Je n’en ai même pas encore parlé avec James. Pouvez me dire de quoi ça va parler ?

Est-ce que vous assistez également James sur son métier, par exemple sur le casting ou l’ambiance du film ?

Tout à fait, j’écoutais beaucoup de musiques pendant que j’écrivais. Quand j’avais fini d’écrire, je lui donnai le script avec les CD des musiques que j’écoutais. Un style assez avant-gardiste et classique avec beaucoup de violons stridents. Il a dit « ok, ça sera l’ambiance sonore ». On donne tout le temps des idées à l’autre.

Le compositeur, Joseph Bishara, joue un rôle dans le film, n’est-ce pas ?

Si, effectivement, il joue le démon. C’est drôle et unique, imaginez John Williams jouer Dark Vador dans « Star Wars ».

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Êtes-vous surpris que votre film marche aussi bien ?

Oui, car faire un film ne veut absolument pas dire un film qui rapporte. Dès que le film est fini, on ne peut plus avoir main prise dessus, c’est les spectateurs qui seront les juges. Avec « Insidious », nous avions un budget de 1.5millions de $ et il en est à près de 50 millions aux Etats-Unis.

Avez-vous d’autres projets en cours ?

Oui j’ai écrit un film d’animation mais qui n’est pas encore sorti, un drame situé en Australie et un autre projet avec James.

Etes–vous caractérisé en tant que scénariste de films d’horreur à Hollywood ?

Non. C’est à moi aussi de ne pas donner cette image. A Hollywood, en général, on vous stéréotype sur ce que vous avez fait. Si j’avais fait un film d’enfants, je serai caractérisé comme tel.

Merci Leigh...

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Remerciement à Michel Burstein, Yukie Izuka et toute l’équipe de Bossa-Nova pour l’organisation et l’invitation à ce press-junkett dans le délicieux hôtel particulier Montmartre

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LIEN(S) YOZONE

=> Insidious, le retour de James Wan
=> Le film annonce (vost)
=> Deux extraits du film (vost)
=> Insidious, la fiche
=> La critique

=> Entretien avec James Wan (réalisateur)

INTERNET

Site officiel : http://www.insidious-lefilm.com


© Photos : Wild Bunch Distribution - Tous droits réservés



Bruno Paul
Bassel Mamoun
9 juin 2011



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