Lors de la chronique du premier tome, on relevait un scénario intéressant, riche en rebondissements, qui atténuait le (trop) lourd discours anticlérical de Jodorowsky. On ne pouvait qu’espérer que le second continuerait dans cette veine, faisant des conspirations machiavéliques et des jeux de pouvoir le cœur de l’histoire. Malheureusement non, c’est l’inverse qui se produit.
Les travers et les perversions sexuelles du pape et de ses sous-fifres sont tellement présents dans cette suite qu’on en oublie le reste, d’autant qu’ils sont narrés sans aucune finesse et même parfois avec ridicule. L’ouverture sur Adolsi consultant une sorcière qui l’envoûte en est un exemple assez parlant. Quid de la fiction pseudo-historique ? Comment peut-on accorder une once de crédit à un récit qui ne se veut clairement pas fantastique mais où une potion à base de sperme de chien suffit à faire sacrer une nouvelle papesse ?
Le scénario semble bâclé. Y contribuent les répliques pas toujours très soignées et certains faits incohérents. Je pense par exemple à la condamnation des assassins par le témoignage de l’enfant qui dit les avoir vus. Huit nobles n’ont-ils aucune petite main pour commettre un crime ou ont-ils peur de se séparer ? Bref, il y avait mieux à trouver comme justification... De plus, les agissements politiques du pape passent en arrière plan et sont en grande partie rapportés par un personnage secondaire (depuis un bordel, cela va sans dire).

On a l’impression que Jodorowsky a lâché son récit pour se concentrer sur les frasques du nouveau pape. Ses relations sexuelles avec Michel-Ange prennent plus de pages que son rôle réel dans la trame principale, la garde suisse est une armée de tatas maniérées et vicieuses, la mort d’Adolsi est un pretexte pour lui faire brandir un pénis tranché... Bref, l’auteur s’en donne à cœur joie et en fait trop. Si l’irrévérence peut être superbe, c’est ici tellement lourd que cela en devient fatiguant.
C’est vraiment dommage, car les ingrédients étaient là pour un récit intéressant, et le dessinateur est très talentueux. Ses illustrations sont vraiment réussies, particulièrement ses personnages. Leurs expressions sont variées, leurs traits caractéristiques et esthétiques. Le dessin de Théo est vraiment le point fort de l’ouvrage.
Il pourra sans doute donner l’envie de voir la suite, en espérant que Jodorowsky en revienne au scénario et fasse davantage dans la légèreté.
A lire sur la Yozone :
Le pape terrible (T1) Della Rovere
(T2) Jules II
Série : Le Pape Terrible
Scénario : Alejandro Jodorowsky
Dessin : Theo
Couleur : Florent Bossard
Éditeur : Delcourt
Collection : Histoire & histoires
Dépôt légal : 6 avril 2011
Format : 230 x 320 cm
Pagination : 56 pages couleurs
ISBN : 978-2-7560-1963-5
Prix public : 13,95 €
Illustrations © Theo et Guy Delcourt Productions (2011)