Et pour débuter la série, Delcourt n’a pas choisi n’importe qui, puisque l’anglais David Tench McKean (1963) est à juste titre considéré comme un des dessinateurs les plus inventifs du moment. Un moment qui, pour tout dire, dure depuis la fin des années 80, sa rencontre avec ce scénariste-né qui a nom Neil Gaiman nous ayant valu une floppée de titres majeurs, dont deux tomes d’« Orchidée noire » chez Zenda et pas mal de publications chez Delcourt : « Cages » (1998), « Le Jour où j’ai échangé mon père contre deux poissons rouges » (2000) ou encore « Des loups dans les murs » (2003). Sans oublier que notre homme avait entre-temps réalisé les couvertures pour « Sandman » du même Gaiman.

Mais dans ce cas de figure, c’est en solo et à corps perdu, dirions-nous, que Dave McKean se lance dans une construction où la recherche graphique va de pair avec exaltation et exploration des fantasmes... Féminins en l’occurrence, ou du moins supposés tels puisque c’est bien un homme qui donne chair et vie à une héroïne en proie à elle-même...

En l’occurrence, « Celluloid » est l’histoire toute en images et sans aucune parole des songeries sexuelles d’une femme en attente d’un amant qui ne vient pas, dans un appartement dont la blancheur ripolinée est comme une page blanche où elle inscrit son corps. Avant que la couleur, les couleurs apparaissent, en même temps que la femme met la main sur un vieux projecteur de cinéma et sur ce vieux film érotique qu’elle se projette alors, pour tuer le temps et faire de ces images anciennes autant de stimulants à des extases neuves.

Alors s’enchaînent irrésistiblement différentes séquences dont chacune, en même temps qu’elle illustre un plaisir et un désir singuliers, subit des traitements graphiques dont les particularités démontrent la capacité de McKean à tout montrer, dans tous les styles, du pictural au croquis et de l’allusif au très crûment photographique.

Ainsi s’installe un trouble délicieux, insinuant, dangereux aussi, né d’une indécision entre le vrai et le faux : entre les évolutions d’une femme dessinée et pourtant supposée être la seule réelle, dans toute cette histoire, et les images d’un film qui n’est qu’une fiction, oui mais d’un réalisme à ce point confondant... A charge pour le lecteur de s’inventer une bande-son de nature à parfaire l’illusion des sens.

NOTE : Les originaux de cet ouvrage seront exposés à la galerie parisienne BdArtiste à la fin 2011.

Celluloid
 Scénario et Dessins : Dave McKean
 Editeur : Delcourt
 Collection : Erotix
 Parution : 2 février 2011
 Pagination : 240 planches couleurs
 Format : 18 x 24 cm
 Numéro ISBN : 978-2-7560-2325-0
 Prix public : 25 €

Illustrations © Delcourt et l’auteur (2011)