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Kingdom of Heaven, Ridley Scott s’explique en zone YO
Conférence de Presse - Hôtel Georges V - Paris
22 avril 2005


Cinq ans après avoir relancé le genre oublié du Peplum, avec son « Gladiator » vainqueur de 7 Oscars, Ridley Scott revient à la fiction historique par le biais des croisades. « Kingdom of Heaven », une fresque épique qui retrace le parcours de Balian d’Ibelin (le gouverneur chrétien de Jéusalem) pour illustrer la reprise de la Ville Sainte par les armées de Saladin. De passage à Paris pour présenter son film, le réalisateur s’explique sur les choix de cette réussite formelle et thématique qui allie, sans manichéisme, divertissement grand spectacle et reconstitution historique.

Un récit entre Réalité et Fiction

Tous les personnages du film sont historiques. Baudouin IV le Lépreux et sa soeur Sybille sont authentiques. Par contre, l’histoire de Balian d’Ibelin est fictive jusqu’à la troisième partie du film. A partir de là, le récit rejoint l’Histoire. Il devient gouverneur de Jérusalem et organise la défense de la ville. En fait, le seul changement est Tiberias, qui, en réalité était le Comte Raymond. Mais, avec Renaud de Chatillon, qui était lui aussi bien réel, nous avons voulu éviter les similitudes phonétiques entre Raymond et Renaud (Reynald en anglais).

Une partition semi-originale

C’est la première fois que je travaillais avec Harry Gregson-Williams et si je suis pleinement satisfait de cette collaboration, je trouvais que certains thèmes existants se prêtaient mieux à l’illustration sonore de quelques scènes. Vous savez, Kubrick essayait toujours de faire écrire de la musique originale. Finalement, toutes les BO de ses films sont des compilations de morceaux déjà existants.

Tolérance, humanisme et sens de l’honneur

Je pense que la chevalerie, le sens de l’honneur et la tolérance ont tendance à disparaître à notre époque. Même dans le sport, c’est la guerre. Et je ne trouve pas que cela soit un mieux. Quand j’étais adolescent, comme probablement la plupart des gens dans cette pièce, je voyais principalement des films venus d’Hollywood. Sans vouloir en parler de façon cynique, il faut reconnaître que dans ce type de cinéma, le héros, le cow-boy, le chevalier, le flic sont toujours des icônes, ils peuvent être extrêmement agressifs mais sont, de toute façon, toujours sympathiques. Ce n’est qu’à mon arrivée à Londres, pour suivre mes études, que j’ai été confronté à d’autres formes de cinéma. J’ai vu, par exemple, tous les films de Kurosawa qui ont eu une très forte influence sur moi, en particulier ses films de samourais. Et, il faut également considérer que c’est la période la plus productive d’Ingmar Bergman. C’est à cette éoque que j’ai décidé que je deviendrais réalisateur, pour mettre en scène des histoires de pirates, de chevaliers, de cow-boys ou de flics.

Résonnance actuelle

On peut aussi s’interroger sur le choix de la période pour réaliser un tel film. On peut penser que cela présente un intérêt aujourd’hui, que cela a un sens contemporain de se pencher sur ce passé. Mais, on peut aussi se dire le contraire. Que tout cela s’est déroulé il y a presque 1000 ans et refuser qu’on puisse souffrir encore aujourd’hui de la blessure infligée à cette époque là. Au début, les 25 pages du premier traitement ouvraient d’ailleurs sur un hélicoptère au-dessus d’une petite chapelle de Jérusalem. Là où se trouve la crypte dans laquelle repose Godefroy d’Ibelin avec l’épée copiée dans le film signalant sa tombe. Ce qui avait été prévu c’est que deux correspondants de guerre s’y trouvent coincés pendant la bataille de Jérusalem. L’idée était évidemment de montrer la persistance du conflit à travers le temps et que, malgré leurs différences, les choses n’ont guère évolué. Puis, finalement, nous nous sommes dit que ce n’était pas utile. Qu’il suffisait de présenter le film et de laisser chacun libre d’en tirer ses propres conclusions.

Orlando Bloom

Je l’ai rencontré sur « La Chute du Faucon Noir » où il y avait toute une équipe de jeunes acteurs. Il jouait le soldat qui tombe de l’hélicoptère en ratant la corde sensée lui permettre de descendre et fait une chute de vingt mètres. Par sa maladresse, il met hors-jeu toute son escadre car il faut au minimum trois hommes pour le récupérer. Deux, pour descendre le chercher et un troisième pour les couvrir. Résultat, la mission est foutue. En tout cas, s’il ne faisait qu’une courte apparition, il a fait tellement de recherche pour jouer juste qu’il a fini par me rendre fou. En même temps, cela m’a permis de le remarquer. Son désir, son sérieux, son application, son intérêt pour la vérité me sont restés à l’esprit.... même si, quand je lui ai fait raser la tête, il avait l’air d’avoir douze ans. Maintenant, il a 27 ans et s’il a gardé une espèce d’innocence authentique, il n’en est pas moins un acteur intelligent et très loin d’être naïf. C’est dans cet état d’esprit que je l’ai présenté au studio, et à ma grande surprise - je n’ai pas l’habitude que l’on remette mes choix en cause - il a fallu en passer par des essais pour qu’il obtienne le rôle.

Direction d’acteur

Je crois que je m’en sors pas mal en général. J’ai découvert Sigourney Weaver, qui n’avait interprété que des petits rôles, Brad Pitt, Russell Crowe que j’ai eu pour pas cher. D’autre part, je pense que chacun découvre sa propre méhode pour diriger les comédiens. Personnellement je m’en tire pas mal, mon point de vue, c’est qu’à la fin du film, le comédien ne doit plus du tout savoir ce qui s’est passé. Il doit avoir oublié. Le truc, c’est aussi je crois savoir dire non... non et Non ! Mais, en dehors de ça, je crois surtout que le casting est fondamental. Une fois qu’on a dégotté de bons comédiens et réuni une bonne équipe, il n’est plus nécessaire de parler beaucoup. D’ailleurs je parle très peu. Quand un comédien est bon, il joue correctement la comédie et du moment que ce que j’ai sous les yeux me satisfait, je n’ai rien à dire. J’ai été comédien moi-même et j’aurai trouvé très irritant qu’un type me parle tout le temps pour m’expliquer ce que je dois faire.

Conditions de Tournage

Pas de difficultés particulières de ce côté là. Il faut dire que c’est la 3ème fois en 5 ans que je viens tourner au Maroc, pour « Gladiator », « La Chute du Faucon Noir » et « Kingdom of Heaven ». J’ai eu 20 hélicoptères Black Hawk pour tourner au-dessus de Marrakech, avec des rangers américains pour assurer la protection des hélicoptères. Tout s’est également très bien passé à Saleh, un petit village de pêcheurs au bord de l’Atlantique, malgré la présence de militants de la lutte contre les Américains impliqués, entre autres, à Mogadiscio. On traversait pourtant tous les jours le village à pieds sans que cela pose le moindre problème. Puis, lorsque le projet « Kingdom of Heaven » a commencé à prendre forme, Mohamed VI, le roi a demandé à me parler. Je suis donc allé le voir, j’ai été décoré et suis désormais chevalier du Maroc. Séduit, par notre projet, il nous a immédiatement demandé comment il pouvait nous aider. Loin d’être une promesse en l’air, il nous a obtenu toutes les autorisations en express et nous a prêté 900 de ses hommes de troupe que j’ai utilisés tous les jours du tournage.

L’accueil musulman

Du fait de l’importance de Saladin dans le monde musulman et la promesse que les protagonistes musulmans seraient interprétés par des musulmans, nous n’avions pas trop à nous inquiéter sur ce point. Surtout que trois des personnages principaux sont musulmans. Saladin, dont l’attitude tolérante est connue, le Mollah, que j’ai voulu jeune et qui représente la position des autorités religieuses, souvent en contradiction avec les décisions de Saladin, sans oublier le prince Nasir, qui est tiraillé entre ces deux attitudes. Evidemment, on ne peut pas faire un film de sept heures, donc dans un film qui dure deux heures et demie, on doit distiller de la pensée, c’est pourquoi j’ai concentré la problématique des musulmans sur ces trois personnages. Ghassan Massoud qui joue Saladin est un très grand acteur originaire de Damas, le Mollah est Egyptien et Alexander Siddig qui joue l’Imam Nazir vit maintenant dans le Sussex mais est originaire du Soudan. Je me suis beaucoup appuyé sur eux. Je les ai beaucoup interrogés pour avoir le ton qui convenait sur leur attitude en général, celle vis-à-vis de Saladin et celle de Saladin par rapport aux autres. Il faut savoir que Saladin était révéré de tous, même encore à l’heure actuelle. Il y avait une scène, qui n’a pas été conservée, où le Mollah remettait en question la miséricorde de Saladin. Ce dernier, qui était doté d’un grand sens de l’humour, lui répondait en lui disant « Sais-tu que les Francs pensent que c’est moi qui ait inventé la chevalerie.... Par ce que justement, l’idéal de la chevalerie c’est pouvoir être miséricordieux et bienveillant. Mais, si tu continues à t’opposer à mes décisions, j’ai bien peur que tu ne m’obliges à changer d’attitude à ton égard ». C’est d’ailleurs la dernière fois que le Mollah se permit de remettre en question les choix de Saladin.

Le doublage

C’est toujours difficile de choisir la voix d’un personnage dans une autre langue. Pour ma part, je préfère les versions originales sous-titrées, même si, grâce au langage du corps, on arrive à saisir l’intention première de l’action ou des émotions à l’écran. Mais, de nos jours, de plus en plus de spectateurs préfèrent les films doublés dans leur propre langue. Dans cette optique, il faut que le choix des mots reste minimaliste, direct, pour éviter toute réinterprétation du texte. De toute façon, concernant « Kingdom of Heaven », je pense que d’une certaine façon, chaque individu forge sa propre religion, son propre point de vue, et sur l’idée de Dieu et sur lui-même. Ensuite, tout repose sur l’habileté du scénario. Au début, par exemple, on voit dans le film un prêtre corrompu. Ce qui peut sembler cohérent dans le contexte de l’époque. Mais, plus tard, on rétablit l’équilibre avec le personnage de l’Abbé incarné par David Thewlis, le chevalier hospitalier, qui est probablement le personnage le plus positif du film. Il fait la balance avec le mauvais prêtre de l’introduction et l’affreux patriarche de Jérusalem. De toute façon, il faut un minimum d’honnêteté pour ne pas sombrer dans les poncifs et le manichéisme primaire. Ce n’est pas tout le monde qui meurt de la peste où personne ne se lavait au Moyen-Age. il faut être plus subtil et attentif que ça quand on se lance dans un récit historique. Il faut regarder les choses de beaucoup plus près.

A propos du DVD

Je pense que le DVD constitue une deuxième chance remarquable pour le réalisateur et le public. Grâce au DVD, c’est vraiment un confort d’être chez soi, de pouvoir sortir un bon film comme un bon livre, et de projeter chez soi les techniques les plus sophistiquées avec la même satisfaction qu’un lecteur de roman. Chez soi, par exemple, on peut faire une pause pour aller boire une bière, remettre en route le programme et repartir pour 4 heures. Alors, qu’en salle, on est soumis au syndrome MAC, autrement dit, le Mal Au Cul.

A propos d’Eva Green

Eva Green est une jeune comédienne de grand talent. Ce que je recherche, ce sont des âmes soeurs, développer des affinités avec les comédiens. Parce qu’à partir du moment où je les engage, je sais que je suis en phase avec eux. Au lieu de les diriger, je peux au contraire les libérer, leur permettre de se relâcher pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Eva Green est très intuitive et je pense qu’elle deviendra une très grande comédienne. C’est comme d’emmener un petit enfant de deux ans dans un champ et de lui dire « maintenant cours ! ».....


Bruno Paul
Stéphane Pons
Valérie Hoppenot
3 mai 2005



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