Le souhait d’Armand Guérin était de transmettre au travers d’un one-shot les difficultés qu’ont pu éprouver ces constructeurs de l’extrême à bâtir ce qui de nos jours est le symbole de Paris. En cette période de mal être social qui gronde, les obstacles à un tel projet étaient nombreux.

D’abord, les problèmes purement techniques et cela Armand Guérin en tant qu’ingénieur des bâtiments de France était la personne tout indiquée pour nous les dévoiler avec un réel intérêt. Ensuite, les embûches sociopolitiques, là l’excellent travail de recherche a porté ses fruits. Mais la plus grande difficulté restait d’être suffisamment léger et précis pour que ce récit soit abordable par tous.

Plusieurs options s’offraient à lui.
Soit choisir un traitement purement technique à la manière de l’émission “C’est pas sorcier”, mais le risque était de lasser une partie du lectorat.
Soit s’orienter vers un texte plus politico-historique qui aurait assurément exclu les plus jeunes d’entre nous.
Finalement, la meilleure option choisie fut celle de faire vivre ce formidable périple au travers des yeux incrédules d’un jeune paysan provincial devenu métallurgiste.

A partir de là, facile pour nous de découvrir la vie parisienne de l’époque et de comprendre la difficulté d’existence du peuple. Alors, certes, l’intrigue y perd un peu en profondeur, mais l’essentiel est là. On pourra reprocher la légèreté de certains points, mais la compréhension d’un grand nombre passe par ce survol (si j’ose dire) de passages plus complexes.

Notre héros, le jeune Tonin, va donc se retrouver au beau milieu d’un complot anarchiste, visant à détruire la Tour Eiffel à la fin même de sa construction. Il découvre (et nous aussi) toutes les facettes de la vie parisienne et ces illustres protagonistes en clin d’œil ou plus profondément : Gustave Eiffel et ses célèbres collaborateurs, Vincent Van Gogh, Toulouse Lautrec, etc. Cette imprégnation passe évidemment par l’apparition de ces célébrités, mais aussi par l’attachement de l’auteur à retranscrire les expressions argotiques des Parisiens de l’époque. Ses dialogues nous permettent notamment de découvrir que Paris était une ville cosmopolite de « français » : chaque région représentée ayant son propre langage (le patois).

Ce one shot nous dévoile donc toutes les étapes qui furent nécessaires pour que cet édifice voit le jour. De l’appel d’offre à la finalisation des travaux, et cela au travers d’un visuel signé Fabien Lacaf que l’on peut qualifier de magistral. D’abord, le choix des couleurs relativement neutres qui ont un rendu réaliste sans équivoque. Ensuite, grâce à un trait fin et précis qui fait merveille sur la transcription du Paris et des banlieues de l’époque. Le quartier de Montmartre, les berges de la Seine, le moulin Rouge (etc.) sont d’une réalité photographique surprenante. L’animation des arrières plans délivre une sensation de fourmilière correspondant parfaitement à l’idée de l’atmosphère que l’on peut se faire de l’époque. On ressent aisément au travers de son travail l’application et les recherches qui y ont été apportées. Et si l’on s’attache de plus près à la progression même du chantier on découvre de superbes planches toutes droites sorties de ce qu’aurait pu être l’album photo de Mr Eiffel.

Les maîtres mots de cette œuvre pourraient être : simplicité de compréhension, rigueur historique, beauté graphique et document éducatif.
A lire et à partager sans hésiter pour faire un voyage culturel dans notre histoire.
Le mystère Tour Eiffel
Scénario : Armand Guérin
Dessin : Fabien Lacaf
Couleur : Fabien Lacaf
Éditeur : Glénat BD
Collection : Vécu
Dépôt légal : 6 octobre 2010
Pagination : 96 pages couleur
ISBN : 978-2-7234-7256-2
Prix public : 15€
© Illustrations : Fabien Lacaf - Glénat BD.