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Chromozone
Stéphane Beauverger
La Volte, mars 2005

Nous avions déjà signalé et porté à votre attention la qualité hors norme dans le paysage de la SF française du premier ouvrage publié par les éditions de La Volte avec « La Horde du contrevent » d’Alain Damasio. Dire que l’on attendait de pied ferme la suite des opérations de cet éditeur prometteur, alliant textes, iconographies, musique et site internet, est un doux euphémisme.
Avec la parution de ce « Chromozone », texte futuriste, noir et urbain de grande qualité, le passionné de SF n’est pas déçu.



« Chromozone », premier opus d’une trilogie annoncée qui trouvera sa conclusion au cours du premier semestre 2006, est l’histoire d’une civilisation décomposée en phase de transition et de reconstruction. Le hic, c’est qu’il s’agit de la nôtre !
Alors qu’un virus militaire, le chromozone, a fait exploser les infrastructures informatiques et technologiques dont nous dépendons, la civilisation occidentale européenne est retournée à l’état de communautés locales plus ou moins structurées. Notons cependant que comme le “cauchemarde” si bien Stéphane Beauverger, à l’heure de la survie, les sociétés et les individus qui étaient déjà au fond du caniveau, entendez les habitants du Tiers Monde et nos pauvres, possédaient une bonne longueur d’avance sur nos petites bourgeoisies fatiguées. Les exclus d’hier ont donc logiquement pris les rênes des destinées de la planète -les derniers seront les premiers et toutes ses sortes de choses comme eût dit l’autre !
Bref, alors que des bandes de Rastas Jamaïcains ont envahi les côtes bretonnes afin d’y cultiver quasi industriellement la Ganja, des organisations religieuses plus ou moins modérées contrôlent les quartiers protégés des grandes villes européennes. Les citadins survivent dans des “conforteresses” -des HLM sécurisés d’après chaos- sous la garde de milices confessionnelles et le petit blanc, “le blancar”, se terre, tout en bas de l’échelle, dans sa zone... En résumé, plus dure sera la chute.

Point de retours à la terre ici. Stéphane Beauverger n’est pas le René Barjavel de « Ravage » (anciennement écrivain réac et finalement visionnaire précurseur de l’écologie d’aujourd’hui -les humeurs de l’histoire sont parfois d’un humour décapant pour certaines bonnes âmes de gauche) dans ce qui fut pendant longtemps un des rares romans de SF post-cataclysmique français à tenir la route. L’écrivain a bien compris que l’effondrement technologique de notre société, s’il modifiait la donne socio-culturelle, n’en changerait pas radicalement les principes économiques. Les sociétés transnationales de la Silicon Valley n’existeront plus, et alors ! D’autres structures prendront la relève. Foin d’informatique, la science du futur sera basée sur l’exploitation des phéronomes et autres sécrétions intimes. Là où un virus informatique mutant a tué les machines, le langage du corps survivant redeviendra le cri primal et l’espéranto du futur.

C’est donc entre une Marseille en pleine effervescence révolutionnaire et une Bretagne torturée que l’écrivain inspiré a décidé de planter son scénario. Tout comme dans « La Zone du Dehors » d’Alain Damasio, des visions déjantées mais structurées de ce futur qui décape évoquent le Thomas Dish de « 334 », le Silverberg des « Nomades Urbaines » ou l’acidité d’un Norman Spinrad passés au grand robot mixeur de la révolte. D’une structure narrative comparable à celle utilisée dans la tétralogie noire de John Brunner (« Tous à Zanzibar », « L’Orbite Déchiquetée », « Le Troupeau Aveugle » et « Sur l’Onde de Choc », ouvrages immanquables d’un des très grands de la SF), on retient l’enchaînement des chapitres présentant l’évolution de quelques personnages emblématiques, dont la fusion des destins apportera une conclusion temporaire à ce « Chromozone » . Si la technique d’écriture n’est pas en soit nouvelle et avait même sur la planète SF une bonne soixantaine d’années de retard sur les inventions stylistiques encore plus aventureuses d’un Dos Passos ou d’un James Joyce dans la littérature dite classique, on retiendra surtout la réussite du procédé.
Or pour accomplir ce petit prodige, il faut savoir écrire, raconter une histoire et posséder un style. Toutes choses dont Stéphane Beauverger, soyez-en persuadés, n’est pas démuni. C’est bien simple, on en vient presque à se demander s’il ne s’agit pas d’une traduction d’un auteur anglo-saxon tant les écrivains hexagonaux ne nous avaient point habitué à tant de maîtrise et d’invention.

Chaque chapitre du roman s’ouvre sur une illustration originale de Corinne Billon (très belle couverture également) et sur une expression symbolique du texte, « Il n’y a plus de place en ce monde pour la bêtise » étant la phrase motrice du récit. Le site internet de « Chromozone » vous réservant quelques surprises et un texte inédit .
Bref, si vous voulez rencontrer l’Ogre, ce tueur aux préoccupations métaphysiques ou Teitomo, le milicien métis trop humain, Justine, l’ancienne révolutionnaire devenue femme d’affaire, Gemini le petit rebelle blanc “goulagisé” sur une île prison de la côte bretonne, si vous souhaitez croiser le destin messianique de Khaleel, mutant génétiquement créé par des expériences de savants fous et véritable “centrale phéronomique” capable de décrypter toutes les informations du monde et d’en “suer” les réponses, « Chromozone » est pour vous et sera un sacré choc frontal.

Décidément, 2005 commence bien grâce à La Volte, une maison d’édition qui tient ses promesses, confirme une politique éditoriale basée sur la découverte d’auteurs talentueux et publie une SF française de grande qualité dont on attendait l’avènement depuis fort longtemps.


Chromozone (T1)
Stéphane Beauverger
Conception Graphique : Stéphanie Aparicio
Illustrations intérieures et couverture : Corinne Billon
283 pages
Dépôt légal : mars 2005
Format : 17 x 23 cm
Éditions La Volte : site internet
Site Internet du livre : http://www.lavolte.net/chromozone/
ISBN : 2-9522217-1-5
EAN : 9 782952 221719
Diffusion : Seuil/Volumen
Prix : 18,00 €

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Stéphane Beauverger sur la Yozone

Critiques
Alors là pardon, moi j’dis chapeau ! Ça c’est champion ! (La Volte - Délices et Daubes n°151 (Henri Bademoude)

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Infos
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Stéphane Pons
4 mai 2005


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