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Livre du Nouveau Soleil (le), tome 2 : La Griffe du Demi-Dieu
Gene Wolfe
Gallimard, Folio SF, n°355, roman traduit de l’anglais (USA), juste de la fantasy ?, 445 pages, octobre 2009, 7,80€

Séparé de ses amie et de sa douce Dorcas aux portes de Nessus, Sévérian poursuit son chemin avec Jonas, l’homme à la main de métal.
Embauché dans le village de Saltus pour une double exécution, il recroise la route de la traîtresse Aghia, qui réveille en lui un espoir mort depuis son départ de la tour Matachine : Et si Thècle était vivante ?
Après un détour dans des cavernes peu hospitalières, dans lesquelles il aura dû employer tant son épée que la gemme magique appelée « la Griffe du Conciliateur », Sévérian retrouve la trace de Vodalus, le chef des rebelles à l’Autarque, qu’il a sauvé dans son enfance (voir début du tome 1). L’homme, après un étrange rituel, lui confie une mission : rencontrer son agent au Manoir Absolu, le palais de l’Autarque...



Après « L’Ombre du Bourreau », l’ouverture de ce second volume déroute. Lancé directement dans l’affaire de Saltus, il faudra quelques pages de lecture pour relier les faits et estimer le temps écoulé depuis le passage de la porte de Nessus. Le narrateur, Sévérian lui-même, met cela sur le compte de ses choix, puisqu’il rédige ses mémoires. Et ainsi qu’on s’en souvient, si sa mémoire est absolue, il y a certaines choses qu’il tait, car les jugeant de peu d’importance.
Bien heureusement, l’ensemble du récit de « La Griffe du demi-dieu » se tient, les évènements s’enchaînent et si Sévérian ne digressait pas quelques fois, on en oublierait presque qu’il s’agit d’un récit écrit longtemps après les faits. Là encore, effet de mémoire absolue.

Il n’empêche qu’on peine à être captivé par les « aventures » du bourreau. Lui-même se laisse tellement porté par les aléas du chemin. Sa volonté d’atteindre Thrax, le lieu de son exil, ne lui revient que de temps à autres, sinon, il se laisse faire par le destin.

On a la sensation d’un enchaînement de saynètes, plus ou moins importantes, et utiles de même. Le choix étant fait par le principal intéressé, on se doute que chaque souvenir aura son rôle à jouer dans la compréhension de l’ascension du bourreau au titre d’Autarque.

Le texte sait tout de même être plus qu’intrigant. Le mélange entre un univers relativement fantasy et des éléments clairement futuristes fait merveille. Le personnage de Jonas, avec son membre métallique et sa connaissance d’un passé tellement lointain qu’on le suppose immortel (ou peu s’en faut), est une pièce maîtresse de cette toile de fond. Et la révélation de sa nature réelle, un grand moment.

De même, le Manoir Absolu, via ses geôles tout d’abord, puis ses jardins, nous malmène entre deux idées : est-ce un ancien croiseur interstellaire ? Un espace magico-physique ? Le vocabulaire déployé par Gene Wolfe pour le décrire et le faire décrire par ses personnages mêle habilement termes scientifiques, concepts quantiques paraissant anachroniques, et descriptions approximatives par les non-initiés. Je refais ici un parallèle avec la série BD « Thorgal » : « l’épée-foudre » éponyme d’un album est, pour nous, un « simple » pistolaser. Il en va de même ici : comment décrire quelque chose qu’on ne comprend pas, sinon qu’avec ses propres mots forcément impropres ?

On appréciera, parmi les digressions, un passage du livre des mythes de Sévérian, qui reprend l’histoire de Thésée et le Minotaure. On sera plus sceptique face à la pièce du Dr Talos sur la naissance du monde, très métaphorique et au style ampoulé. Il n’empêche qu’on saluera la capacité de l’auteur à varier les styles avec un incontestable brio.

Comme précédemment, après une rupture brutale et un peu artificielle (la faute au destin, sans doute), les compagnons à peine retrouvés se re-séparent, et Sévérian poursuit son chemin avec Dorcas. Mais la route vers Thrax n’est pas facile, et les voilà contraints de s’arrêter dans une ville morte, où ils font une étrange rencontre... Fin, c’est là que Sévérian pose momentanément la plume. Rageant, aussi faudra-t-il se hâter de lire le tome suivant.

Pour résumer, la lecture de ce chef-d’œuvre de la SF, couvert de récompenses, est âpre. L’ouvrage a sans doute vieilli en trente années, et nos exigences ont évolué.
Certes, le texte est riche. Trop, peut-être. J’ai eu la sensation que tout l’intérêt de « La Griffe du demi-dieu » (griffe au passage assez accessoire) tenait en un seul paragraphe : celui qui révèle l’identité de l’Autarque. Mais il est si ambigu, et le point de vue interne si restrictif, qu’après l’avoir relu 5 fois je ne suis toujours pas sûr d’avoir compris. Assez ennuyeux, non ?
Si l’action est épisodiquement au rendez-vous, le laissez-faire permanent du héros ne le rend guère agréable à suivre : la seule idée qu’il parvient à mener jusqu’au bout est de retrouver son épée lorsqu’il s’évade de l’Antichambre du Manoir. Une fois son précieux cadeau sur l’épaule, le reste peut attendre. Voire venir de lui-même au personnage. Cette espèce de dilettantisme finit par décourager, tant on se dit que le bourreau pourrait être un peu plus acteur des évènements.

Bref, si le texte recèle de nombreuses choses dignes d’intérêt, la forme narrative réclame un effort de la part du lecteur, et les évolutions du récit a contrario de nos attentes peuvent souvent décourager.

Texte - 692 octets
La Griffe du demi-dieu - corrections

Signalons pour finir la poignée de coquilles, et la couverture d’Anthony Wolff toujours aussi attractive mais sans rapport avec le personnage. Si vous avez acheté la saga de Gene Wolfe pour les couvertures, vous risquez de rester sur votre faim question action...


Titre : La Griffe du Demi-Dieu (The Claw of the Conciliator, 1981)
Série : Le Livre du Nouveau Soleil, tome 2/6
Auteur : Gene Wolfe
Traduction : William Desmond
Révision pour l’édition définitive : Patrick Marcel
Couverture : Anthony Wolff
Éditeur : Gallimard (édition originale : Denoël, Présence du Futur, 1982, réédition intégrale en Lunes d’encre, 2006)
Collection : Folio SF
Site Internet : fiche du roman (site éditeur)
Numéro : 355
Pages : 445
Format (en cm) : 10,8 x 17,8 x 2,2
Dépôt légal : octobre 2009
ISBN : 978-2-07-039885-0
Prix : 7,80 €



Nicolas Soffray
6 mars 2011


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