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Douane Volante (La)
François Place
Gallimard Jeunesse, Hors Série Littérature, roman (France), apprentissage et autre monde, 333 pages, janvier 2010, 13,50€

Le jeune Gwen, avec sa toux à fendre l’âme, n’est pas fait pour être pêcheur. Sa mère le confie donc au vieux rebouteux, Braz, qui l’a soigné de sa pneumonie récoltée en mer. Gwen devient son apprenti dans l’art de soigner les corps par le fluide. Le vieux Braz est cependant emporté par l’Ankou, et le jeune Gwen, qu’on surnomme déjà le Tousseux, ne tarde pas à le suivre, passé à tabac tandis qu’on pille ce que le vieux lui a légué. Le petit Breton ne partira pas pour les champs de bataille de la guerre de 14, non, il se réveille sur une étrange plage, dans un autre monde (l’Autre Monde ?) où l’on parle une langue qu’il peine un peu à comprendre. Tandis qu’il erre, un soldat débonnaire, Jorn, le prend sous son aile et le met en garde contre la douane volante, milice judiciaire et administrative qui a tôt fait d’envoyer les Égarés dans son genre aux jardins de Fer, de monstrueuses fonderies de canons, comme Gwen le découvrira par la suite.



Mais sa première découverte, peu après avoir été “adopté” par Jorn, sera l’esprit machiavélique qui se cache sous la mine sympathique du soldat. Terriblement ambitieux, Jorn se sert en effet de Gwen, et de sa méconnaissance du monde dans lequel il a échoué, pour gagner en pouvoir et en influence, grâce au don de l’adolescent. Vite parvenu au sommet de la hiérarchie de la douane, Jorn tente un coup de trop et Gwen parvient à lui échapper, devenant l’apprenti du médecin des jardins de Fer. Commence alors un apprentissage de la médecine “moderne”, dans des livres tout en latin illustrés d’écorchés. Et quand une nouvelle occasion de fuir (et pourquoi pas de retrouver sa Bretagne) se présente, Gwen bondit dessus. Mais c’est oublier l’opiniâtreté de Jorn...

L’exil de Gwen durera toute sa jeunesse, et son caractère d’homme se forgera dans cet autre monde. François Place, en merveilleux conteur, puise légèrement dans le folklore breton avant de nous expédier dans un ailleurs flou. Plutôt que de chercher à tout décrire, il préfère laisser la parole à son héros. Il va à l’essentiel, esquissant un univers de fantasy light, d’uchronie historique, dans lequel le petit rebouteux, accompagné de son oiseau compagnon (un personnage qui apporte une bonne dose d’humour au récit, mais aussi certaines scènes terribles) tente de survivre, d’échapper à un Jorn toujours manipulateur sous ses airs hâbleurs, et de rentrer chez lui. Même si parfois on sent chez cet adolescent le renoncement (notamment lorsqu’il rencontre une fort jolie fille), ces revirements ne durent guère, et la nostalgie de son pays reprend le dessus. La Bretagne, c’est la liberté. Car c’est son monde, sans Jorn.

J’ai parlé de fantasy. François Place, s’il n’use pas de magie, fait appel à quelques éléments fantastiques dans ce qui pourrait, sinon, ressembler à l’Europe des XVIIe-XVIIIe siècles. L’oiseau pibil, notamment, qui se révèle capable de parler, et seconde le rebouteux à condition d’avoir été drogué au genièvre à en perdre la vue. Mais la plus impressionnante “magie” est à mon sens le parallèle entre les sous-marins allemands de la Première Guerre mondiale et les krakens qui hantent les eaux de l’autre monde. Chaque ère a ses monstres des profondeurs...

Roman ado car héros ado, « La Douane Volante » m’a empli de rêves et d’images de marais brumeux, de landes battues par les vents et de villes bruyantes de vie et d’animation. On se mord les lèvres en même temps que Gwen à chaque fois qu’en se croyant sauvé, il retombe dans la nasse de Jorn. On en vient à croire que le mal est au cœur du bien, et vice versa, tant le douanier peut se montrer haïssable puis presque paternel (et vice versa aussi). À ce titre, Jorn vole la vedette à Gwen, et s’impose comme l’anti-héros de ce roman. La fin relativement positive tend à le réhabiliter à nos yeux, mais il faudrait avoir la mémoire courte, ou le pardon facile, pour effacer toutes ses manigances passées et leurs conséquences.

Déjà connu pour ses albums, François Place pose une nouvelle pièce à son œuvre littéraire. On regrette un peu qu’il ne l’ait pas illustrée, lui qui avait égayé bien agréablement le « Tobie Lolness » de Timothée de Fombelle. Las, on se contentera de la couverture.

Je vais en rester là, avant de vous révéler la fin et ses ultimes rebondissements, et vous conseiller une dernière fois, les yeux fermés, ce voyage dans un ailleurs sans magie ni guerre, mais qui sait être cruel, violent. Un ailleurs où vivent des hommes.

Quelques remarques, histoire de.

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La Douane Volante - coquilles

Titre : La Douane Volante
Auteur : François Place
Couverture : François Place
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Collection : Hors Série Littérature
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 333
Format (en cm) : 15,5 x 22,5 x 2,3
Dépôt légal : janvier 2010
ISBN : 978-2-07-062815-5
Prix : 13,50 €



Nicolas Soffray
14 janvier 2011


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