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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Daniel Walther : du Fleuve Noir à la Rivière Blanche
Une interview exclusive de la Yozone
Novembre 2010


Daniel Walther est né le 10 mars 1940 à Munster en Alsace. En 1963 paraît sa première nouvelle “Le Corps déballé” dans Le Manifeste de la jeune littérature n°1, puis en 1965, “Les Étrangers” sort dans les pages du numéro 145 de Fiction.
C’est le début d’une longue collaboration entre l’auteur et Fiction (près d’une quarantaine de nouvelles publiées et Daniel Walther en signera même un temps les éditoriaux), ainsi qu’avec les éditions Opta. En 1980, il se voit confier Galaxies-Bis et le prestigieux Club du Livre d’Anticipation (CLA), dont il sera une dizaine d’années directeur de collection.
Il parvient à concilier son métier de journaliste aux Dernières Nouvelles d’Alsace et son implication dans le milieu de l’imaginaire, tout en continuant d’écrire.
De nombreuses maisons d’édition lui ont ouvert leurs portes, comme le Fleuve Noir ou encore les Nouvelles Éditions Oswald pour de nombreux ouvrages.
Daniel Walther ne se cantonne pas à un seul genre, il écrit aussi bien de la science-fiction que du fantastique. Et alors que la Fantasy n’était pas un phénomène de mode comme de nos jours, on lui devait déjà « Le Cycle de Swa », ainsi que les textes composant « Nocturne sur Fond d’Épées ».
En plus des nouvelles, peut-être sa longueur idéale, et des romans, son inspiration le pousse aussi vers la poésie.
À ce jour, Daniel Walther a publié une quarantaine d’ouvrages, sans compter tous ses textes parus dans différents supports.

Pour la sortie de « La Musique de la Chair » chez Rivière Blanche, c’est avec la plus grande gentillesse que cet écrivain majeur de l’imaginaire français a répondu à nos quelques questions.


À lire sur la Yozone, les chroniques de :
- « Morbidezza Inc. »
- « Si Pâle, si Mince, si Morte »
- « La Musique de la Chair »
- « Îles Mécaniques »
- « La mort à Boboli »
- « Mais l’Espace... Mais le Temps... »
- « Gottesburg et Autres Lieux »


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Question : Si votre impressionnant parcours littéraire nous est connu, ces dernières années sont plus mystérieuses. Que devenez-vous depuis que vous êtes à la retraite du journalisme et que vous avez finalement plus le temps d’écrire ?

Daniel Walther : Je n’ai guère ralenti ma production en prenant ma retraite, en 2005. Mais un an plus tard, j’ai subi un AVC qui n’a pas, Dieu merci ! touché mon cerveau, mais les examens neurologiques successifs ont révélé un début de Parkinson, maladie qui m’a bien gâché la vie par la suite. Et m’a beaucoup freiné dans mes rapports à autrui. Le monde s’est dépeuplé autour de moi, et j’ai glissé dans la dépression nerveuse. J’ai pourtant réussi à publier quelques livres entre 2007 et 2010 : un roman « Îles Mécaniques » (Éditions Melis, 2007), une sf très noire, un recueil, « Si Pâle, si Mince, si Morte » (Les petites vagues, 2009) et tout récemment « La Musique de la Chair » (Rivière blanche, 2010). Sans oublier « Morbidezza Inc. », un bref roman rescapé du Fleuve Noir et publié par Philippe Ward... chez Rivière Blanche, l’année dernière. Quelques nouvelles aussi, le plus souvent grâce à Richard Comballot. Mais à présent j’écris avec davantage de lenteur, avec bien des doutes et des hésitations.

Q : En avant-propos de « La Musique de la Chair », Richard Comballot avoue vous avoir poussé à continuer les aventures de Betali Svön et de Grant Wyrs. Sans lui, pensez-vous que vous les auriez achevées ? D’ailleurs, ne pensez-vous pas revenir un jour à Betali Svön et rajouter un pan à sa vie ?

DW : Sans Richard, Betali Svön & Grant Wyrs seraient encore dans mes tiroirs, et il lui a fallu bien de la constance et de la détermination pour me pousser à aller au bout de mes efforts. Si j’ai bien écrit ces textes, c’est Richard qui les a suscités ! Je lui en suis redevable et reconnaissant. Présentement d’autres épisodes ne sont pas envisagés, mais je sais qu’il ne faut pas dire jamais ! Betali Svön est issu de ma passion pour la musique en général et pour la musique dite contemporaine en particulier. En bien des écrivains, il y a un compositeur qui sommeille. Alors, peut-être, un jour... qui sait ?

Q : Dans le Brèves 62, vous parliez justement du roman parcellaire que vous envisagiez d’écrire sur ce compositeur et chirurgien de génie. Est-ce que FINITO correspond à l’idée que vous en aviez il y a dix ans ?

DW : Cette version en huit parties de FINITO correspond à mon projet initial, avec quelques divergences stylistiques et quelques variations sur le caractère du personnage et sa double vocation (musique et chirurgie !), pas si antinomique que cela !

Q : Si de l’érotisme se dégage de FINITO et du “Roman de la Rose des Temps”, il devient presque le sujet principal de Autres Vies et Petites Morts de Grant Wyrs. Y avez-vous laissé courir votre imagination sur ce qu’une figure géométrique peut évoquer ?

DW : L’érotisme, pour ce qui est des vignettes consacrées à Grant Wyrs, EST effectivement LE sujet de ces tableautins explicites. Géométrie et fantasmes sexuels ! Une exploration quasi mathématique de la logique (?) amoureuse. Cela me rappelle le type qui subit un test : on lui demande quand je trace un cercle au tableau, cela vous fait penser à quoi ? Au sexe ? et de tracer un triangle, un losange, etc. et de reposer la question : à quoi cela vous fait-il penser ? AU SEXE ! Mais mon pauvre ami, vous êtes totalement obsédé ! Moi ?! Et qui n’arrête pas de dessiner des obscénités au tableau ? Tout est une question de point de vue ...

Q : “Les Chasseurs du Temps” nous offre une autre facette de votre talent et constitue un parfait contrepoint aux récits précédents. Comment avez-vous accueilli l’idée de Richard Comballot de rajouter ce supplément si différent du reste du recueil ?

DW : “Les chasseurs du temps”... On m’a quelquefois défini comme le poète de la SF française. Un beau compliment. J’ai été surpris par le choix de Richard, mais également ravi, cet aspect de mon « œuvre » n’ayant pas souvent été retenu par les critiques et/ou les anthologues. Ces pages représentent effectivement un contrepoint musical au reste du livre ... Une sorte de traversée de mon miroir mental !

Q : Je me demande toujours quelle part de vous-même se retrouve dans vos personnages. Dans le récent « Si Pâle, si Mince, si Morte », elle me semble plutôt importante pour le détective David Holland. Est-ce que je me trompe ? Et qu’en est-il pour Betali Svön ?

DW : Éternelle question : quel est le rôle de l’écrivain dans la conception du personnage central ? Un texte de fiction n’est que la projection de la réalité de l’auteur, un jeu de masques. Svön est la convocation de mon amour de la Musique et la manifestation de mon impuissance à composer une œuvre musicale. Il est plus facile de jouer les détectives comme dans « Si Pâle, si Mince, si Morte »... Les mystères de la musique demeurent autrement complexes ...

Q : Les femmes vous fascinent-elles autant que vos récits le laissent deviner ?

DW : Oui, les femmes, LA FEMME, me fascinent, m’obsèdent. Et c’est légitime. Il n’existe pas énormément de sujets d’étonnement dans la littérature, et la femme/les femmes en fait/font évidemment partie, l’érotisme étant une piste sur le chemin de la connaissance du corps et de l’esprit... Même si l’accumulation des images crues peut parfois lasser le lecteur.

Q : Je me suis demandé ce qu’elles pourraient penser à la lecture de « La Musique de la Chair ». En avez-vous une idée ?

DW : Ce que les femmes peuvent penser en lisant « La Musique de la Chair » ? J’ai reçu souvent des lettres de lectrices, bien moins bégueules que bien des lecteurs qui ont fait la moue devant la crudité de mes propos. Les femmes sont bien plus « réceptives » que nous aux choses de la sensualité et se cachent moins vite sous les draps de la susceptibilité.

Q : D’ailleurs, votre lectorat n’est-il pas plutôt masculin ?

DW : Je ne crois pas que mon lectorat soit forcément plutôt masculin, mais il est vrai que l’on connaît mal ceux ou celles qui nous lisent. Dommage... Cela nous apprendrait bien des choses sur nous-mêmes (.)

Q : Avec les années, vous autorisez-vous à plus de liberté dans ce que vous écrivez ?

DW : Je ne me suis jamais senti privé de liberté(s), et j’ai pris ce dont j’avais besoin, chaque fois que j’en ressentais l’envie. S’il fallait s’encager les sens quand on écrit, ce serait un comble.

Q : Avez-vous d’autres projets avec Rivière Blanche ou d’autres éditeurs ?

DW : Des projets ? Quelques-uns, notamment trouver un éditeur pour un recueil de nouvelles fantastiques prêt depuis plus d’un an et pour un texte ballardien commandé par Richard, texte intitulé “Grenades de cristal dégoupillées”. Et une nouvelle mastertonienne pour une anthologie de Marc Bailly chez Rivière Blanche (2011 ?). On verra ...

Q : Quelles sont vos habitudes lorsque vous écrivez (un objet fétiche, un rituel spécial, un lieu précis…) ?

DW : Je n’ai pas/plus de fétiches, pas de rites/rituels d’écriture ... mais je suis du matin, où les idées viennent plus aisément.

Q : Comme mot de la fin, auriez-vous quelques conseils à donner à un aspirant-écrivain ?

DW : Je dirais à un aspirant-écrivain qu’il faut être opiniâtre, ne surtout pas se laisser décourager par les échecs et croire en soi, envers et contre tous/tout, et puis, bien sûr, travailler, travailler, travailler. Au bout d’une vingtaine d’années d’efforts, on peut espérer devenir un de ces êtres étranges appelés ÉCRIVAINS !

Yozone : Merci beaucoup, Daniel Walther.

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Du Fleuve Noir :

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à la Rivière Blanche :

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Pour les curieux désirant connaître plus avant cet écrivain incomparable, voilà quelques pistes :
- Bifrost 48 (novembre 2007), avec la nouvelle “Huertas, les Terrasses du Crépuscules” et un entretien-fleuve de plus de 40 pages !
- Brèves 62 (décembre 2000) avec la nouvelle “Compagnons de l’ombre” et un entretien
- le fanzine Le Météore 5 (juillet 2009) avec la nouvelle “L’autre train” et un interview
- et bien sûr le Lunatique spécial qui lui est consacré



François Schnebelen
4 décembre 2010


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La Musique de la Chair (Rivière Blanche, 2010)



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Si Pâle, si Mince, si Morte (L’Esprit des Vagues, 2009)



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Morbidezza Inc. (Rivière Blanche, 2008)



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Lunatique Spécial Daniel Walther (Eons, 2008)



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Îles Mécaniques (Melis, 2007)



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Baba Yaga et autres amours cruelles (Nestiveqnen, 2005)



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La Mort à Boboli (Phébus, 2000)



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Gottesburg et autres lieux (Le Cri, 1995)



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Mais l’Espace... Mais le Temps... (Bodson, 1972), son premier roman



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Requiem pour Demain (Marabout, 1976), son premier recueil de nouvelles



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L’Hôpital et autres Fables Cliniques (Néo, 1982), un des six recueils parus chez les Nouvelles Éditions Oswald



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L’Épouvante (J’Ai Lu, 1979), Grand Prix de la science-fiction française



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Le Livre de Swa (Fleuve Noir Anticipation, 1982), un des 12 ouvrages sortis chez le Fleuve Noir



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Sept femmes de mes autres Vies (Présence du Futur, 1985), une des trois collaborations avec Denoël



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