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Ordre Noir
Johan Heliot
Fleuve Noir, Rendez-vous ailleurs, roman (France), science-fiction uchronique, 456 pages, mai 2010, 19,50€

Patricia est une jeune professeur pas très heureuse dans la vie, victime d’hallucinations qu’elle nomme « les rêves fous ». Un jour, par pur désœuvrement, elle se rend au centre commercial de sa ville. Elle assiste impuissante à un attentat meurtrier.

Matthew Weinbaum est un avocat raté qui s’est réfugié dans l’alcool pour tenter d’oublier qu’il n’est pas à la hauteur des ambitions que son grand-père, Meyer Weinbaum, avaient fondées en lui. Un soir, il se fait aborder par un flic, Bradley, qui lui fait découvrir une mystérieuse organisation ayant pour but de relever les États-Unis du marasme dans lequel ses dirigeants l’ont plongé.

Deux vies assez différentes pour un destin visiblement lié...



L’entame de ce roman est assez déconcertante. Malgré un style très fluide, je dois avouer avoir eu quelque peu de mal à entrer dedans. La multiplication des scènes d’exposition, les diverses lignes narratives suivies, dans le présent comme dans le passé, ainsi que des personnages assez passifs face à ce qui leur arrive, plombent pas mal le récit. Heureusement, l’écriture de Johan Heliot est assez maîtrisée pour nous donner envie de continuer. Et c’est tant mieux !

Si l’intrigue se met doucement en place, flirtant entre les deux personnages qui découvrent au fur et à mesure toute l’ampleur de ce que leur existence même signifie, on nage un peu entre deux eaux au début. D’autant que s’insèrent dans le récit des épisodes de vie se déroulant, pour les plus anciennes, dans la Palestine de l’Antiquité. Bien sûr, on comprend vite que ces faits du passé ont un lien avec le présent. Seulement, s’ajoutent à cela des histoires de mondes et de réalités parallèles qui donnent encore un peu de complexité à un ensemble qui n’en manquait pas.
Cet hermétisme dure pratiquement toute la première moitié du roman.

Et puis, vers le milieu du livre, l’Histoire s’emballe !
Grâce à une insertion dans le passé, tout à fait éclairante celle-ci, le début de compréhension tant attendue arrive enfin. Les lignes narratives tendent à se rejoindre, le lien entre les différents personnages s’établit et on saisit enfin où l’auteur veut nous mener. Et là, il faut bien dire qu’il se lâche, nous servant une uchronie magnifique, très bien construite et pleine de sens. On sait que Johan Heliot, avant de devenir romancier professionnel, fut un temps professeur d’Histoire-Géographie (entre autres). On sent bien qu’il aime tordre la réalité historique qui est la nôtre pour nous en servir une à sa sauce. L’univers qu’il créé se tient parfaitement, et c’est splendide.

Oh, certes on pourrait lui reprocher d’être un poil trop didactique parfois. On est bien loin de « La Séparation », livre dans lequel l’auteur anglais Christopher Priest nous offrait aussi une Histoire alternative comparable à celle d’Heliot, mais révélée de façon beaucoup plus subtile, plus diffuse, plus floue aussi... Alors qu’ici, étant donné qu’on suit les protagonistes qui déforment la réalité historique connue, on se trouve au plus près de l’action, assistant même à l’événement qui forge le point de divergence. Car toute bonne uchronie a son point de divergence à partir duquel l’Histoire officielle se trouve bouleversée.
Ce sous-genre de la science-fiction n’est vraiment pas évident à rendre crédible, et Heliot s’en sort de façon remarquable. Pourtant, il manque un petit je-ne-sais-quoi qui aurait pu faire de ce livre excellent un chef-d’œuvre. Peut-être une ampleur d’écriture à la Dan Simmons pourrait nous apporter un début de réponse ?

Ayant eu maintes fois l’occasion de constater l’immense potentiel de l’auteur, par la lecture de certaines de ses nouvelles, j’avais hâte de découvrir ce que son talent de raconteur d’histoires pouvait donner sur une plus longue distance. Avec « Ordre Noir », je ne peux pas dire que je suis déçu. Non, ce que je ressens est plutôt de la frustration. Une immense frustration de ne pas avoir lu là le grand Heliot que j’attendais. Mais à présent que j’y ai pris goût, je guette le prochain avec impatience (NDLR : et nous encourageons vivement la lecture de ces précédents ouvrages !), et encore beaucoup d’espérance...

Juste un dernier mot pour vous signaler l’illustration de couverture, que personnellement je trouve splendide. Elle est signée par un mystérieux B.


Titre : Ordre Noir (roman, France, 2010)
Auteur : Johan Heliot
Couverture : B.
Éditeur : Fleuve Noir
Collection : Rendez-vous ailleurs
Site Internet : fiche roman (site éditeur)
Pages : 456
Format (en cm) : 15,5 x 24
Dépôt légal : mai 2010
ISBN : 978-2-265-08862-7
Prix : 19,50 €


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Liste non exhaustive

- L’uchronie, renouveau de la SF ? (Maître Sinh)
- Interview exclusive de Johan Heliot (Stéphane Pons & Hervé Thiellement).
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- « La Lune n’est pas Pour Nous (T2) » (Mnémos) (Hervé Thiellement)
- « La Lune Seule le Sait » (Mnémos et Folio SF) (Hervé Thiellement)
- Bloodsilver (critique)

Bonne(s) lecture(s) !


Antoine Chalet
9 octobre 2010


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couverture illustrée par B.



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