Eoin Colfer s’attaque à un morceau dangereux. Le concept du paradoxe temporel est à manier avec précaution, pour ne tomber ni dans la simplification extrême (souvent au mépris de toute logique), ni à l’inverse dans une explication technique pénible à lire autant qu’à digérer. Enfin, univers féérique ou pas, il a le talent de ne pas abuser du facile « on efface la mémoire de tout le monde à la fin et c’est bon ».
On peut donc dire que d’un point de vue logique, ce sixième tome des aventures d’Artemis Fowl est excellent, restant compréhensible à tout moment malgré des rebondissements et quelques flash-backs fort à propos.
Pour ceux qui comme moi sauteraient du tome 1 à ce sixième, les 100 premières pages font habilement le point sur les évènements survenus entre-temps (le retour d’Artemis Senior, la naissance des jumeaux, la libération des démons et le voyage temporel précédent) sans les expliciter. Suffisant pour comprendre la situation, et ne gâchant pas le plaisir futur de lire les volumes précédents.
Mais le véritable tour de force d’Eoin Colfer est de faire se dérouler son histoire avant la première aventure d’Artemis, et donc de mélanger les déclencheurs de l’intérêt d’Artemis (version 10 ans) pour les fées et les efforts d’Artemis (version 14 ans) pour ne pas modifier son passé.
Le tout, comme d’habitude, avec une intrigue solidement ficelée. Artemis a toujours un coup d’avance sur son adversaire. Mais que se passe-t-il quand son adversaire est un autre lui-même ? Bien heureusement, comme on s’en doute, les autres méchants, petits ou grands, sont de la partie, et certains, pour leur malheur, vont devoir affronter les assauts conjugués (mais pas forcément coordonnés) de deux Artemis ! Ainsi le vilain extinctionniste (qui cherche à éradiquer totalement les espèces en voie d’extinction) en prendra-t-il deux fois pour son grade...
En une fois encore, Artemis ne dira pas tout au lecteur, lui réservant, comme à ses adversaires, la surprise d’un coup-fourré préparé à l’avance, sur la base d’une déduction logique, et manigancé avec toute sa roublardise.
On appréciera (même en ayant sauté des volumes) la réflexion de l’Artemis du présent sur ce qu’il était quelques années auparavant. La preuve que tout le monde peut changer, en bien ou pas, et que l’expérience peut vous servir comme vous nuire, c’est selon. Plus âgé, plus sage, plus humble, voire, osons le mot, plus gentil, Artemis sera-t-il assez fort pour tenir tête à l’enfant de 10 ans sans pitié qu’il a été ?
Bref, un livre bien écrit, bien pensé, pour une lecture qu’on ne peut arrêter bien longtemps.
Notons que la traduction de Jean Esch diffère quelque peu de celle de Jean-François Ménard (tome 1). Des expressions comme “petit Peuple” ont disparu, au profit de “fées”. Quelques coquilles, et comme dans le tome 1 une étrange disparition de points en fin de phrases...
- Artemis Fowl T.6 Le paradoxe du temps - corrections
D’un point de vue matériel, l’ouvrage est plutôt souple, s’ouvrant sans forcer ni casser à 180°. Un plus pour les jeunes lecteurs.
Enfin, le pied de page du roman est occupé par une frise de symboles, dont certains sont soulignés. Si quelqu’un veut s’amuser à décoder le langage féérique...
Titre : Artemis Fowl : Le Paradoxe du Temps
Série : Artemis Fowl, tome 6
Auteur : Eoin Colfer
Traduction de l’anglais (Irlande) : Jean Esch
Couverture : Kev Walker
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Collection : Folio Junior
Numéro : 1539
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 470
Format (en cm) : 12,4 x 17,8 x 2,2
Dépôt légal : mai 2010
ISBN : 978-2-07-062303-7
Prix : 8 €
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