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Djeeb l’Encourseur
Laurent Gidon
Mnémos, Dédales, roman (France), fantasy surprenante, 236 pages, mai 2010, 19€

Djeeb Scoriolis poursuit ses tribulations dans l’Arc Côtier, cherchant la beauté dans chaque geste, poursuivant la gloire et les honneurs, tentant d’éviter la disgrâce et les gargotes pouilleuses.
Comme souvent dans son chemin mêlant hasard et destin, Djeeb se retrouve à un tournant de sa vie. Frisant joliment la quarantaine, venant de se faire jeter du lit de sa maîtresse d’un soir peu avant le retour du mari, il est à deux doigts de se foutre à la flotte, sur la jetée de Port Rubia. Mais voilà, un colosse en pleurs lui tombe presque dans les bras : Sarmon, le mari trompé, jeté dehors par sa moitié au terme d’une dispute titanesque.
Sympathisant avec Sarmon, il va le suivre, jusqu’à, comme ses camarades débardeurs et lui, se porter volontaire pour partir à la recherche de la caravane d’Embrune, mystérieusement disparue.
Très vite, les évènements, poussés par Djeeb ou pas, s’enchaînent, s’accélèrent, frôlent la catastrophe ; tout cela tournant autour d’un artefact des confins aux pouvoirs dévastateurs...



« Djeeb l’Encourseur » suit chronologiquement « Djeeb le Chanceur », même si la lecture de ce dernier, bien que fortement recommandée, n’est pas indispensable à la compréhension de l’intrigue. Quelques éléments des derniers chapitres font appel aux évènements survenus à Ambeliane, mais Djeeb nous rafraîchit la mémoire en même temps que la sienne.

Disons tout de suite les choses : si « Djeeb l’Encourseur » est plus sombre, et son héros un peu plus triste et enclin au pessimisme, il se hisse sans mal à la hauteur de « Djeeb le Chanceur ». Aussi, ne répétons pas les envolées lyriques d’enthousiasme de la précédente chronique sur la forme, chaque ligne poussant à dévorer la suivante, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, et concentrons-nous sur le fond, loin d’être en reste.

Port Rubia, dans la même veine qu’Ambeliane, est une cité moderne, industrialisée, où cohabitent l’archaïsme d’une société post-moyenâgeuse typique de la fantasy, et un modernisme hérité de sciences et de savoirs disparus. C’est d’ailleurs là la spécificité de l’Arc Côtier, l’univers dans lequel évolue Djeeb, et que Laurent Gidon nous dévoile peu à peu via les tribulations de son héros.
Au-delà de l’Arc, dans les terres, sont les confins, inexplorés, apparemment invivables, mais d’où vient une technologie inconnue et futuriste. Le précédent volume faisait état de plastique, ici c’est une pile à fusion qui cristallise les tensions et les ambitions des différents groupes. “Artefact magique” pour tous ou presque, il exacerbe les passions de ceux qui n’ont même pas idée de ce qu’il renferme. Seul Djeeb, ayant rencontré un “homme brillant” originaire des confins, sait ce dont l’engin est capable. Et sa conscience ne lui dicte qu’une chose : le détruire, ou au moins le mettre hors de portée de qui pourrait l’employer, de toute façon à mauvais escient. Le tout de manière élégante, pour forger un peu plus sa légende dorée. Et en faisant le moins de mal possible, ce qui ne sera pas sans mal.

Une nouvelle fois, Laurent Gidon nous sert une fabuleuse aventure, dans la lignée de Jack Vance. Il a aussi le mérite de nous livrer un univers complexe, original et mystérieux, avec suffisamment d’indices en 250 pages pour que le lecteur comprenne à quoi les personnages ont affaire. Une prouesse, là où des auteurs comme Robin Hobb allongent la sauce sur 2000 pages en nous laissant perpétuellement sur notre faim ! Déroulant son récit du point de vue de son personnage, il fait merveille en décrivant ce qui nous semblerait anachronique dans une banale histoire de fantasy (ce que « Djeeb l’Encourseur » n’est pas), des néons aux armes à feu...

Il fait également œuvre d’ethnologue. Port Rubia comme la Calderia de la jungle (que je vous laisse découvrir) proposent des sociétés civilisées, mais radicalement différentes, excepté quelques détails : dans l’une et l’autre, les femmes sont en haut, physiquement sinon politiquement. Mais surtout, il nous montre des modèles qui fonctionnent, certes pas dépourvus pour autant de cette violence qu’il semble fuir autant que son héros, mais qui méritent qu’on s’y intéresse avant de les rejeter, comme le fait Djeeb avec les hommes lianes.

Enfin, Djeeb comme son auteur persistent, malgré des péripéties toujours plus nombreuses, dans leur voie de la beauté, ne négligeant jamais la réflexion sur nos actes, le remords engendré, la paix et son prix. Tout cela avec poésie, dans la plume de Laurent Gidon ou dans les mots, les gestes et les numéros de Djeeb.

Las ! trois fois hélas ! L’ouvrage est émaillé d’une soixantaine de coquilles, entachant la perfection du moment. Le chemin de la beauté est parfois raviné...

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Djeeb l’Encourseur - corrections


Vivement le prochain, annoncé comme un prequel, qui devrait sortir, si le rythme actuel est maintenu, à l’été 2011. C’est toujours un enchantement d’être ainsi “encharmé” par Laurent Gidon et son Djeeb.

Ajoutons qu’Aurélien Police succède avec brio à Marc Simonetti pour la couverture.


Titre : Djeeb l’Encourseur
Auteur : Laurent Gidon
Couverture : Aurélien Police
Éditeur : Mnémos
Collection : Dédales
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 236
Format (en cm) : 15,5 x 23,6 x 1,7
Dépôt légal : mai 2010
ISBN : 978-2354080853
Prix : 19 €



À lire également sur la Yozone :
- « Djeeb le Chanceur »
- “Djeeb l’Encharmeur”, dans l’anthologie « Magiciennes et Sorciers »


Nicolas Soffray
20 août 2010


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