Décidément, Laurent Galandon aime la difficulté et les sujets polémiques. Après la Shoah dans “L’Envolée Sauvage”, les fils de collabo dans “L’Enfant Maudit”, le scénariste avait déjà commencé à s’intéresser au monde arabe avec la guerre d’Algérie dans “Tahya El-Djazaïr”. Mais il était resté dans des époques passées et assez proches de la Seconde Guerre Mondiale.
Dans “Shahidas”, Laurent Galandon s’attaque cette fois à un thème très, voire trop, contemporain : les femmes martyrs qui se font exploser pour le Jihad. Shahidas signifie « martyrs » et c’est en 2002 qu’apparaissent les premières femmes kamikaze, avec cette jeune palestinienne qui se fit sauter dans un centre commercial de Jérusalem le 27 janvier. Difficile de savoir les raisons profondes de ces actes, que certains qualifient comme un désespoir. Laurent Galandon va donc avancer une théorie à travers sa mini-série. Nous allons suivre Saraj, un policier peu banal, issu d’une famille palestinienne qui a fui la bande de Gaza pour l’Égypte. Il va être partagé entre un père qui fera tout pour s’intégrer en tant que bon égyptien et sa mère, une fanatique du Jihad. La mort de sa femme lors d’un attentat suicide va définitivement le faire haïr la religion islamique. Ses réflexions sur la prière en mosquée et sur les écoles coraniques montrent bien toute la haine qu’il peut éprouver.

Galandon va nous exposer, à travers l’enquête du policier, les méthodes d’endoctrinements de ces femmes et comment elles peuvent être tentées par le fanatisme. Le scénariste, comme à son habitude, ne prend pas position mais expose des faits et des convictions sans prendre parti. Sans justifier leurs actes, il retrace le chemin qui a pu amené ces femmes à ces extrémités et quels arguments les islamiques peuvent utiliser pour les convaincre. Encore une fois, c’est quasiment un travail d’historien, gardant le plus possible un regard objectif sur un sujet réellement sensible et qui continue de faire des ravages de nos jours.
Au crayon, Frédéric Volante va mettre son style très réaliste au service de ce scénario. De nouveau, Galandon change de dessinateur mais encore une fois, c’est un duo gagnant. Évitant le sensationnel et le sanguinolent, Volante réussit à aller à l’essentiel, jouant sur les gros plans pour laisser s’exprimer ses personnages, il détaille à minima certaines cases qui pourront paraitre un peu fades comparées à celles qui les entourent. Mais rien de rédhibitoire car on sent bien que le dessinateur a largement sous le crayon le talent pour aller un peu plus dans la perfection.
Encore une fois, Laurent Galandon surprend, pousse son lecteur à s’interroger sur des sujets loin d’être évidents mais qui sont exposés très intelligemment. Encore une réussite !
(T1) Le Fruit du Mensonge
Série : Shahidas
Scénario : Laurent Galandon
Dessin : Frédéric Volante
Couleurs : Scarlett Smulkowski
Éditeur : Grand Angle
Dépôt légal : 18 novembre 2009
Format : 215x290 mm
Pagination : 48 pages couleurs
Prix public : 12,90 €
Numéro ISBN : 2-35078-725-1
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