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Oscar Pill T.1 : La Révélation des Médicus
Eli Anderson
Albin Michel, roman, apprentissage magique Potteresque, 571 pages, novembre 2009, 19€

Un méchant Prince Noir s’échappe de sa prison sibérienne où il a été retenu 13 ans.
Un ado de 12 ans, Oscar Pill, orphelin de père, prend la défense d’un camarade contre la brute de l’école. Rossé, il guérit ses plaies en passant la main dessus.
Enfin, dans une grande demeure, un conseil secret de mages, les Médicus, s’interroge : avec l’évasion du chef de leurs ennemis les Pathologus, faut-il former toute la jeune génération, y compris le fils de Vitali Pill, leur plus grand espoir disparu ?



Voilà de quoi vendre du papier. « Oscar Pill : la Révélation des Médicus » est une bête et pâle copie d’Harry Potter.
Après les 50 premières pages (soit les trois chapitres résumés ci-dessus), on réalise combien le reste risque d’être convenu. Oui, on a la sensation d’avoir déjà lu cette histoire, et la suite vire à l’accumulation de clichés : le majordome sournois qui s’avère pourtant loyal, la gentille maman qui protège son fils et refuse de le “donner” aux Médicus qui lui ont déjà pris son mari, la brute scolaire qui terrorise tout le monde, les bons copains toujours sur le coup... Ai-je besoin d’en rajouter ? On retrouve à peu près toutes les figures présentées par J.K. Rowling dans sa saga, et l’auteur n’en démord pour ainsi dire pas.

Parlons-en, de l’auteur. En dépit d’un nom à la consonance étrangère, Eli Anderson écrit en français (Il s’agit en fait de Thierry Serfaty, auteur de thriller pour adultes, NDLR). Médecin, il développe un univers basé sur le corps. Son blog a l’air complet, mais la déception provoquée par la lecture de sa prose ne m’a guère motivé pour en apprendre plus sur le bonhomme.

Car voilà : en guise d’innovation, les aventures de notre apprenti sorcier vont être « intérieures ». Mais rien à voir avec ce vieux film de SF, « l’Aventure Intérieure » (fortement conseillé, même si les effets spéciaux sembleront archaïques aux plus jeunes), où les héros étaient miniaturisés avec leur vaisseau et injectés dans les veines d’un malade pour aller combattre de l’intérieur un vilain caillot.
Là, on y croit quelques pages avant de déchanter : si les Médicus (et leurs ennemis les Pathologus) jouent bien sur la santé, ils se contentent (pour l’instant) d’entrer dans les corps pour réparer (ou causer) les dégâts.
Mais un Médicus néophyte ne peut pas aller partout dans le corps, divisé en 5 Univers (le système digestif, les réseaux respiratoire et sanguin, la partie embryonnaire, les gènes et le cerveau) : il doit récupérer un Trophée dans le premier monde avant d’entrer dans le second, etc. D’où un découpage éditorial fortement vendeur : 5 Univers, 5 tomes probables. Le second, qui vient juste de paraître, s’intitule d’ailleurs « Les Deux Royaumes », nom du 2e Univers. Le 3e est annoncé comme « Le Secret des Éternels » et tendrait à infirmer mon hypothèse, mais j’en doute...

Passée cette première déception, on sera également sidéré par la description du premier Univers : celui de la digestion. Loin de toute représentation réaliste (pas de cavernes de chair ou de tunnel de tripes, non), tout prend l’apparence d’un monde industriel, où la nourriture est coupée (par les dents mécaniques), conduite sur des tapis roulants vers de grands mixers, puis arrosée d’acide... tout ça grâce à des petits bonshommes qui vivent à l’intérieur ! Affligeant, d’autant que l’auteur les dote d’une personnalité, et on s’interrogera, lorsqu’Oscar ramènera dans le monde réel deux de ces êtres, sur la source des connaissances de Lawrence, un jeune producteur d’acide gastrique.

Oubliez tout espoir de science, voire même de vulgarisation : le discours s’adresse à des enfants de 10-12 ans, ceux qui dévorent les pavés sans se soucier des détails.
Si vous avez connu l’excellente série animée « Il était une fois la vie » créée par Albert Barillé il y a plus de vingt ans, c’est dix, vingt, cent fois mieux ! De l’action, de l’humour, de la pédagogie... Oui, on peut se divertir et apprendre en même temps. Une leçon que devrait réviser l’auteur d’« Oscar Pill ».

Malgré un premier chapitre prometteur, le style d’Eli Anderson devient vite plat, à la mesure de l’histoire qu’il raconte, sans la moindre originalité.
Côté style, des tics font bondir : répétitions d’une page à l’autre, façons saugrenues (si le narrateur est omniscient, il est généralement centré sur Oscar, et lire les prénoms des parents plutôt que “papa” et “maman”, voire “son père” et “sa mère”, est assez malvenu dans un récit jeunesse)... La plume est banale, et guère captivante.
Côté fond, tout n’est qu’une suite de clichés, des personnages secondaires (la cuisinière délurée, le sombre bras droit du Grand Maître qu’on espère à la mesure de Severus Rogue) aux situations : après avoir hésité, Oscar part finalement sur les traces de son père qu’il admire sans l’avoir connu, l’apprentissage est difficile, les réponses ne viennent pas assez vite, ou trop, on furète dans les coins de la grande maison, et lorsque survient un problème, au lieu de demander à sa professeure, on brise les règles élémentaires qu’on avait juré à son défunt papa de suivre. Et tout cela pour finalement réussir l’épreuve fatidique, grâce à ses amis mais aussi dans un moment de grand stress, et en dézinguant deux Pathologus. Je suis désolé, mais pour l’été d’un gamin de 12 ans, ça fait beaucoup ! Et pour le jeune héros d’une fiction, ça fait beaucoup trop... commun.
N’oublions pas la révélation finale...

Bon, il y a quelques bonnes idées : les livres qui parlent, notamment, même si le concept est proprement pillé du journal de Tom Jedusor dans « Harry Potter et la Chambre des Secrets ». Et... ah, pardon, je n’ai trouvé qu’un seul truc vraiment sympa.

Il y a par contre des trucs “tout pourris”, par exemple le chêne gardien, pompé sur le Saule Cogneur de Poudlard, aime le football, et lui doit son surnom de Zizou ! Après tout le mal que l’auteur se donne pour localiser son histoire dans un pays anglophone indéterminé (à Pleasantville, donc logiquement aux États-Unis), cette référence française sonne bien mal ! On s’interrogera aussi sur cette idée d’un univers non-français, qui se limite au final à rendre exotique la Twingo de la mère et à coller des noms anglais aux lieux et aux gens. L’effet Rowling, sans doute, qui empêche qu’un petit sorcier soit français (pire, issu des banlieues ! Ah, rendez-nous Pierre Bottero !).

Même avec la meilleure bonne volonté, j’ai du mal à trouver à ce pavé de 550 et quelques pages un autre intérêt que de combler la boulimie des lecteurs ados et jeunes ados en mal d’« Harry Potter ». C’est la même recette, vaguement réarrangée, mais sans idée, sans vraie nouveauté. Donc forcément moins bien.

Bon, j’admets qu’un premier tome sert aussi de mise en place, et je réserve mon jugement définitif à la lecture du second tome, à peine entamé. Mais je dois dire que j’y ai déjà trouvé de quoi hausser le sourcil.
À ce propos, signalons qu’après des débuts impeccables (ou bien est-ce moi qui lisais trop vite ?), les coquilles fleurissent.

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Oscar Pill - La révélation des médicus - coquilles, commentaires et relecture


Albin Michel est habituellement pourvoyeur de bijoux de l’imaginaire, via sa collection Wiz. Mais voilà : « Oscar Pill : La révélation des Médicus » n’en fait pas partie. L’un explique peut-être l’autre...
Étrangeté : s’il n’en est fait mention nulle part sur le livre, « Oscar Pill » est pourtant présent dans le catalogue de la collection. Volonté d’élargir le lectorat aux adultes ? « La révélation des Médicus » a reçu le coup de cœur RTL jeunesse (le chroniqueur ne doit pas lire grand-chose pour trouver ça bon) et les acclamations de grands journaux s’amoncellent sur la couverture du tome 2...

Plutôt donc que cette bouille industrielle, plongez-vous dans cette bonne collection qu’est Wiz (on vous en dit souvent du bien), et ses auteurs français comme étrangers ; ou pour rester dans le rayon magie, découvrez les énergisants « Skully Fourbery » de Derek Landy (3 volumes parus), ou le génial « Abarat » de Clive Barker (2 tomes, richement illustrés par l’auteur).


Titre : Oscar Pill : La Révélation des Médicus
Série : Oscar Pill, tome 1
Auteur : Eli Anderson
Couverture : Miguel Coimbra
Éditeur : Albin Michel
Site internet : page roman (site éditeur), site de la série
Pages : 571
Format (en cm) : 14,8 x 23 x 4
Dépôt légal : novembre 2009
ISBN : 978222619357
Prix : 19 €



Nicolas Soffray
27 mai 2010


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