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Volonté du Dragon (La)
Lionel Davoust
Critic, roman (France), steam-fantasy intelligente, 171 pages, mars 2010, 13€

L’empire du Dragon s’étend au Sud. Son premier pas sera Qhmarr, un petit royaume soi-disant imprenable, arriéré selon les critères de l’Empire, dépourvu d’autres forces que celles de légendes et de rumeurs, et où le peuple vit sous la coupe d’un enfant-roi et de son conseiller ventru.
Qhmarr s’obstine à vouloir l’affrontement. Une fourmi peut-elle vaincre un titan ? Un arc fait-il le poids contre les canons draniques ?
Et pourtant...



Lionel Davoust commence à se faire plus que remarquer. Quelques nouvelles par-ci par-là, dont une, “L’Île Close”, qui remporte le prix Imaginales 2009, en devançant une autre, “Bataille pour un Souvenir”, qui ne sera “que” finaliste aux Imaginales 2009 et au Grand Prix de l’Imaginaire 2010. Ce qui explique aussi sa présence dans l’anthologie « Rois et Capitaines » des Imaginales 2009.
“Bataille pour un Souvenir”, parue dans l’anthologie « Identités » des éditions Glyphes, est d’ailleurs une excellente entrée en matière pour découvrir l’Empire d’Asreth, dans lequel se déroule « La Volonté du Dragon ».

Tout commence par un constat : le petit royaume de Qhmarr refuse de se soumettre à l’Empire d’Asreth, alors que la Septième Légion est à ses portes, son commandant venant en personne recevoir la reddition du roi. Pire encore, le conseiller se comporte comme si c’était l’Empire qui avait à craindre un affrontement entre les deux forces. Qhmarr n’a que des voiliers de bois et des armes dérisoires à opposer aux croiseurs blindés de l’Empire et ses canons soniques. Les Asriens maîtrisent les cristaux-vapeur, et grâce à cette technologie, l’Empire est en train d’unir le monde sous sa bannière, et ce petit royaume non seulement refuse, mais en plus semble certain de sa victoire.
Car tout va se jouer dans une étrange pièce hors du temps, où le commandant Vasteth va affronter l’enfant-roi dans une tout aussi étrange partie d’échecs, où la seule règle qui prévaut est celle du “lâh”, cette foi des Qhmarri, la vie même. Une règle qui varie, change, bascule...
Et pour la flotte asrienne, c’est l’heure du doute...

« La Volonté du Dragon » est comme un cristal-vapeur : magnifique, explosif, regorgeant de puissance, et finement ciselé là où on le croirait brut.

L’intrigue est fort simple : un empire, civilisé, technologique, vient envahir un petit royaume, encore un peu barbare, arriéré et superstitieux. Et le petit refuse de s’incliner devant le grand.
Là où cela commence à être original, c’est que le petit royaume, dans tout son archaïsme, et malgré de lourdes pertes, a une force suffisante pour infliger une cuisante défaite au grand. J’ai le souvenir d’une nouvelle de Clifford D. Simak (je crois) où le mastodonte technologique est vaincu par les piqûres de guêpes de minuscules chasseurs spatiaux. Sans parler bien sûr de l’assaut sur l’Étoile Noire à la fin de « Star Wars IV - Un Nouvel Espoir »...

Mais voilà, Lionel Davoust vient se placer un, deux, trois bons crans au-dessus.

Parce que d’emblée, on hésite à prendre le parti d’un camp ou de l’autre. Dès le début, on en veut au conseiller bouffi de fierté qui ne sait pas voir l’offre généreuse de l’Empire (l’agrégation sans violence) et les promesses qui vont avec : écoles, sécurité, etc. Bref ce que l’Empire romain promettait aux peuples conquis.
Oui mais voilà, le terme est lâché : conquête. Sous le couvert d’une unification pacifique du continent, l’Empire asrien conquiert, au mépris des cultures locales (même s’il prétend les préserver).
Au fil de la partie d’échecs (ou plutôt de lâh) et de la bataille, Vasteth et le gouverneur Mherran vont opposer deux visions du monde. Vaut-il mieux appartenir à l’Empire, qui prône la liberté mais broie les peuples qui lui résistent, ou bien à Qhmarr et sa société dévouée au lâh, où certains naissent et meurent dans la boue lorsque d’autres mangeront plus qu’à leur faim en se tournant les pouces ? Les pages défilent, la partie se retourne sans qu’on parvienne vraiment à choisir, et pour cause.

Le second point fort de ce court roman est de nous immerger au cœur même de la bataille navale, aux côtés de quelques personnages profondément humains sinon héroïques, auxquels on s’attache et qu’on voit disparaître avec un pincement de tristesse. Le tout dans un style très maîtrisé, exigeant mais tout à fait lisible.

Enfin, on a vraiment un univers original, que je qualifierai de “steam-fantasy”. Déjà découvert dans “Bataille pour un Souvenir”, l’Empire asrien bénéficie d’une technologie fantastique, les cristaux-vapeur, dont ils tirent armes et énergie pour leurs navires blindés, leurs canons soniques dévastateurs et leurs armures de combat. Face à eux et leur volonté d’hégémonie, de petits royaumes souvent moins évolués, prisonniers (ou pas, c’est une question de point de vue) de leurs traditions, de leurs coutumes, des castes et de leurs croyances.
Le clash entre deux civilisations, presque deux époques différentes, est donc saisissant, et permet une agréable réflexion sur le progrès et la différence, en plus de morceaux de bravoure sous une plume talentueuse.

« La Volonté du Dragon » est une réussite absolue. Une écriture exigeante, une histoire à la fois simple et tellement complexe, des personnages fouillés, des retournements aussi redoutés qu’inévitables, une conclusion en véritable point d’orgue d’une symphonie de canons et de coups d’échecs. On le dévore, on regrette (presque) qu’il soit si court, on est sidéré par sa densité totalement maîtrisée de quelques brèves heures de bataille...

La couverture, très complexe sous une apparente simplicité (et avec un effet d’ombre très réussi), est à la mesure de l’histoire proposée, et sait en résumer les aspects sans rien en dévoiler, touche finale vers la quasi-perfection.

Après le premier tome du « Sabre de Sang » de Thomas Géha, c’est donc un second succès pour les jeunes éditions Critic, à qui on ne peut que souhaiter, pour eux et pour nous, que cela continue.

Malgré quelques petites coquilles, je ne peux que vous encourager à vous jeter sur « La Volonté du Dragon » !
Et vous annoncer qu’un recueil des nouvelles de l’auteur, dont “L’Île Close” et “Bataille pour un Souvenir”, paraît ce mois-ci chez Rivière Blanche sous le titre « L’importance de ton Regard ».
Votre serviteur ayant eu la tâche de le relire, retrouvez déjà la critique sur la Yozone !
Mais suite à ces lignes, vous devez déjà vous douter de tout le bien que j’en ai pensé...

Texte - 934 octets
La Volonté du Dragon - 11 corrections

Titre : La Volonté du Dragon
Auteur : Lionel Davoust
Couverture : Cyrielle Alaphilippe
Illustrations intérieures : Frédéric Navez
Éditeur : Critic
Site internet : site de l’éditeur, site de l’auteur (très riche ! fréquentez-le assidûment !)
Pages : 171
Format (en cm) : 13 x 20,1 x 1,4
Dépôt légal : mars 2010
ISBN : 978-2-9534998-0-3
Prix : 13 €



Nicolas Soffray
12 mai 2010


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