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Nietzsche
Michel Onfray et Maximilien Le Roy
Le Lombard

Surprise dans le catalogue des éditions Le Lombard, lesquelles nous avaient habitué à des albums plus directement divertissants et consensuels : la publication de ce fort volume où Michel Onfray - philosophe en vogue - et Maximilien Le Roy - dessinateur rare - se sont associés à la réalisation d’un projet aux allures de gageure : restituer en images le parcours essentiellement mental d’un géant de la pensée moderne : soit Friedrich Nietzsche en personne, en paroles et en mutismes...



Au commencement était un scénario de film conçu par Michel Onfray. Un projet dont le philosophe impute peut-être un peu vite l’inaboutissement au mercantilisme du monde cinématographique. Un découpage en tout cas suffisamment convaincant pour que Maximilien Le Roy (dessinateur voyageur avec trois albums au compteur) s’en entiche et en ose la transposition en bande dessinée.

D’où cet album, comme un pavé dans la mare du tout-venant éditorial. D’où ces quelques 120 planches à la fois appliquées et habitées, qui entendent restituer de A à Z le passage sur terre de celui qui aura à jamais marqué l’histoire de la pensée en décrétant la mort de Dieu : de quoi faire de la philosophie une discipline vraiment adulte et affranchie de tout tabou, quitte à aller dans le mur ou à plonger dans la démence. Ce dont Friedrich Nietzsche semble bien être un exemple vivant, jusqu’à ses fins dernières.

Bien sûr, on pourra chipoter Maximilien Le Roy sur le statisme de sa mise en images, avec cette manie qu’il a de décalquer un rien maladroitement - maladresse voulue pour y réinvestir le tremblé de la vie ? - des photographies qu’il colorie en à-plats dérivés de la peinture, qu’elle soit celle des fauvistes ou des impressionnistes. Oui, il y a chez lui une façon de pictorialisme qui n’est pas sans évoquer certaines tics graphiques des années 70, avec ce que ça comporte de superficialité.

Pourtant, au fil des pages, une présence s’impose, qui est celle de ce Nietzsche que l’on observe grandir et se construire, prendre des poses et palabrer, et disserter, et faire autant d’arrêts sur sa pensée en mouvement qu’il y a d’images fixes. Un homme qui, se pensant, se crée et se défait. Un homme de conviction, de désamour aussi, qui adule Schopenhauer autant que Richard Wagner, avant de les vomir. Un homme qui réussit le tour de force d’exprimer l’indicible en des formules toutes simples et puissantes, avant de se déliter dans la nuit de ses fantasmes, et de s’aventurer dans une folie qui pourrait bien être le must de la lucidité...

Et c’est là, dans ces moments forts où le fantasme et l’obsessionnel prennent le pas sur le documentaire, que Maximilien Le Roy livre le meilleur de lui-même, délaissant le pinceau pour la plume, la couleur pour le noir et blanc, blanc de blanc où il trace, tels des constats cliniques, les déchirements d’un être en constante remise en question. En même temps que s’établit un subtil équilibre entre biographie et introspection, d’où est bannie toute hagiographie.


Nietzsche
- Textes : Michel Onfray
- Dessins : Maximilien Le Roy
- Editeur : Le Lombard
- Dépôt légal : mars 2010
- Pagination : 124 pages couleurs
- Format : 22,7 x 32,8 cm
- ISBN : 978-2-8036-2650-2
- Prix public : 19 €


Illustrations : © Maximilien Le Roy et Le Lombard (2010)



Alain Dartevelle
27 mai 2010




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