Didier Eberoni n’est ni le premier ni le dernier venu : il fait de la BD en artisan passionné depuis les temps mythiques de Métal Hurlant, alignant au fil des ans, à son rythme plutôt lent et réfléchi, quelques albums qui sont autant d’hymnes aux pulsations de la vie des villes et aux vibrations magiques d’images en couleur directe. Et pour ce grand retour aux sources d’une époque où la BD avait tous les pouvoirs, dont celui de décrypter le monde, ce quadra-quinqua qui ne fait pas son âge se met en scène sous les traits d’un séduisant tueur qui traverse Paris à la rencontre de son destin, comme le faisait Delon dans le film de Melville.
Paris, toujours Paris... A cette différence que nous ne sommes plus dans les années 60 du siècle dernier, mais bien dans le Paris de 2080 que les effets pervers du réchauffement climatique inondent en partie. Une ville qui a de beaux restes, certes, mais que l’ultra-modernité peuple d’une cohue d’engins volants et meuble d’une multitude de placards visuels consacrant l’omniprésence du sexe sous les espèces de la pornographie : des images que le commerce de la chair impose à ses contemporains, ou celles que notre homme projette sur toute chose, faisant de la ville le réceptacle de ses propres obsessions ?
Traversant du 15è arrondissement à la zone immergée de la gare Saint-Lazare cette jungle d’icônes qui n’est pas sans rappeler ce que certaines villes nippones sont déjà devenues, le Samouraï marche sans mot dire, le décor parle pour lui... Le décor et aussi cette voix off qui l’accompagne sur le mode lyrique, scandant son avancée de questionnements et mises en garde qui évoquent celles d’un chœur antique : puisque, par-delà les siècles, c’est bien de tragédie qu’il s’agit, avec cette inexorable marche vers son destin d’un combattant des causes perdues.
La mort est mon métier, a-t-on pu dire. C’est aussi sa maîtresse, ajouterions-nous : une mort dont ces femmes nues qui s’offrent pourraient bien être les préfigurations. Jusqu’à ce qu’il se fasse cueillir pour l’extase finale, alors même qu’un orage menace de crever sur la Ville-lumière...
Samouraï
Scénario et dessins : Eberoni
Editeur : Futuropolis
Dépôt légal : 11/02/2010
Pagination : 64 pages couleur
Format : 24 x 30 cm
ISBN : 978-2-75480-2345
Prix public : 16 €
Didier Eberoni a signé son retour à la bande dessinée en 2008 avec « Deux vies », une histoire écrite sur mesure pour lui par Tiburce Oger et publiée par les Éditions Daniel Maghen.
Illustrations © Eberoni et Futuropolis (2010)
