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Sexe ! Le Trouble du Héros
Alexandre Mare
Les Moutons Électriques, Bibliothèque des Miroirs, essai, 230 pages, janvier 2010, 19€

Les Schtroumpfs ont fait le choix de vivre dans une communauté sans sexualité à but reproducteur...
Batman, en s’imposant un masque, s’est lui-même contraint à une impossible vie intime, et se rabat sur une fausse paternité avec Robin...
Comment Tarzan a-t-il vécu sa sexualité avant Jane ? Et comment l’a-t-elle rendu civilisé ?
Wonder Woman est-elle homosexuelle ou dominatrice ?
Conan, à grands coups d’épée, ne fait qu’accomplir son œdipe.
L’homme invisible est à la fois voyeur et exhibitionniste. Pratique.
King Kong ou la violence virile domptée par la beauté et la pureté.
Les Marx Brothers ne sont pas mufles ni misogynes, mais chantres de l’égalité.
Superman est trop super, ça pourrait être fatal à sa partenaire humaine.
Les sauveteurs de Baywatch, exhibant leurs muscles et leurs formes, sont au contraire prisonniers de cette plage fatale de Malibu.

Vous ne regarderez plus vos héros de la même façon. Sauf si vous les croisez dans la salle d’attente du psy...



Le super-héros est un être sexué aussi imparfait que les autres


Le livre d’Alexandre Mare se présente comme une analyse fine et psychologique, au sens clinique du terme, de la sexualité de certains héros de fiction du XXe siècle.
S’appuyant sur une bibliographie très fournie et des connaissances personnelles très vastes, l’auteur fouille au plus intime de ces personnages pour mettre au jour tout ce qui fait, ou plutôt fait qu’ils n’ont peu ou pas une sexualité évidente, pas autant qu’on le croirait d’un premier abord.
Personnages de fiction, ils semblent échapper à leurs auteurs. Car derrière les symboles forts dont on a voulu les parer, se cachent les failles de la nature humaine, doublées des barrières imposées par le masque, la vie sauvage ou isolée, une culture différente. Ces êtres, que le lecteur (ou spectateur) prend en exemple (car ils lui sont livrés avant tout comme tels), s’avèrent finalement aussi imparfaits que chacun de nous, pris au piège de leurs propres démons, qu’ils ont parfois eux-mêmes créés.

Néanmoins, « Sexe ! Le Trouble du Héros » m’a fortement déçu. Malgré une couverture accrocheuse et le sérieux qu’on est en droit d’attendre des Moutons Électriques, l’ouvrage est très, très imparfait.

Une approche du sujet et une méthode plus que discutables


Imparfait dans son fond. Si les thèses de l’auteur sont crédibles, de nombreux reproches légitimes n’ont cessé de m’assaillir.
Le ton adopté est très, très scientifique. La plupart des articles sont compréhensibles, mais il vous faudra quelques connaissances classiques pour vous y retrouver. Si le héros grec Persée est souvent invoqué comme modèle des héros dont la force est le principal attribut, Alexandre Mare établit des parallèles avec des grands noms de l’histoire, de la psychologie et d’autres domaines encore. On est très vite dérouté, d’autant que le parallèle avec quelque chose d’inconnu (ou mal connu) nous éloigne du héros dont il est question.

Vient ensuite le choix des héros. Le terme même de héros est d’ailleurs vague, et l’auteur se contraint parfois, au cours de l’article, à argumenter son choix. Quand il ne s’en dispense pas purement et simplement.
Le premier article concerne les Schtroumpfs, petits personnages de BD créés par Peyo. Mare consacre davantage de pages à expliquer leur vie en communauté (de manière intéressante, pour qui a, comme moi, fait un cursus en Histoire) qu’à expliquer leur absence de sexualité, même si les deux sont liés. Le cas de la Schtoumpfette est presque anecdotique, bien qu’à mon goût très bien analysé. Mais voilà, les Schtroumpfs sont-ils des héros ? Quitte à piocher dans la BD franco-belge, Tintin n’aurait-il pas été plus parlant ? Ce jeune reporter, plutôt bien fait de sa personne, n’a qu’une femme dans sa vie, la Castafiore…
Les Marx Brothers poseront ce même problème de la question du héros, et là encore Mare se sent obligé de s’expliquer : ils sont des héros populaires, dénonçant les inégalités sociales et la société contemporaine. Mouais !
On regrettera également que James Bond, icône sensuelle de premier plan, soit bradé en 4 pages à peine. Ou plutôt que les autres articles ne soient finalement pas aussi concis et semblent souvent se tirer en longueur.

Le choix des héros pose également problème de leur connaissance par le public visé. Le marché du comic-book en France étant radicalement plus restreint qu’aux USA, en tant que lecteur français mes connaissances, sinon mon intérêt, pour des héros comme Captain America ou Wonder Woman sont forcément plus réduites que celles concernant Batman ou Superman. D’où une compréhension et un plaisir sans commune mesure pour ces deux articles. Quoique…
Là encore, Alexandre Mare prêche contre sa paroisse. Bien qu’il se soit défendu en introduction de sombrer dans le détail savant de la vie de ses héros, force est d’admettre que j’en ai découvert pas mal sur Batman, notamment sur ses enfants (vous saviez qu’il en avait ?) et les Robin successifs (au nombre de 4). Le propos est un peu moins docte sur Superman, mais là c’est un parallèle (procédé évoqué plus haut) qui plombe un peu la lecture.
Ce problème des connaissances requises est flagrant dans l’article sur Conan. Mare dit dès le début qu’il se limitera au film de John Milius (1981, avec Arnold Schwartznegger). Troublant alors que ces dernières années, Patrice Louinet a fait un formidable travail de recherche et de reprise des manuscrits de Robert Howard. Et cette restriction à une seule œuvre, figée, définitive (bien que l’article soit illustré de l’affiche du remake prévu pour cette année), est d’autant plus bizarre que l’auteur ne dit rien de ses choix de sources pour Batman, Superman, Captain America ou Wonder Woman. Je ne suis pas grand clerc en disant que ces personnages ont changé de mains : Superman est né dans les années 1930, et il y a un monde entre le Batman original de Bob Kane et celui de Frank Miller. Tout comme, au rayon cinéma, il y a un fossé (artistique et générationnel) entre les adaptations de Tim Burton, Joël Schumacher et Christopher Nolan. Sans parler des nombreux scénaristes et dessinateurs qui depuis des années, chez Marvel ou DC, impriment leur marque sur les personnages qu’ils reprennent.

Bref, si l’analyse est poussée, les bases sont fragiles. Il semblerait qu’Alexandre Mare considère le héros comme un personnage réel, sans faire grand cas des choix de son auteur/créateur, du contexte politique (à l’exception de Captain America, héros justement politique). Sans chercher loin, on sait que Peyo a volontairement banni le sexe de ses Schtroumpfs, d’abord parce que le public visé était très jeune, et pour justement aborder d’autres sujets sans qu’on puisse coller derrière la justification que tout est, finalement, sexuel. Certes, il y a toujours des procédés plus ou moins inconscients (qui produisent des anecdotes amusantes, comme l’épisode de “pinçons-nous la queue pour trouver le faux Schtroumpf”, qu’un adulte trouvera savoureuses), mais on n’analyse pas une fiction comme un être humain !

Donc, malgré tout, d’excellentes choses sur les héros connus en France (Batman, Superman…) et des sujets réellement captivants. L’article sur Alerte à Malibu est bluffant, même si au final il pose l’inévitable question : à force de tout psychanalyser, ne va-t-on pas bien plus loin que l’inconscient des créateurs ? Peut-on psychanalyser un bête procédé scénaristique, une pirouette peu inspirée ? Faut-il étiqueter “procédé inconscient de génie” une certaine vacuité artistique (à l’image du décès rapide des fiancées successives du héros de Alerte à Malibu) ?

Voilà donc pour le fond. Jusque-là, mon avis est mitigé, et si on s’en tenait là, je vous conseillerais la lecture de ce livre, peut-être pas dans son intégralité. Mais voilà, côté forme, c’est l’apocalypse.
Alexandre Mare ne sait pas écrire.
Alexandre Mare ne s’est pas fait relire.

150 fautes en 200 pages !

Je vous invite à jeter un œil à ce fichier qui m’a pris une bonne heure et demie à retaper. C’est affligeant ! Des fautes de conjugaison élémentaires (je vous ai passé les subjectifs douteux), des traits d’union quand on y pense, un usage vague du singulier et du pluriel. C’est simple, pas une seule page sans faute, ou presque. Alexandre Mare arrive même à faire des fautes dans ses citations (page 216) et les légendes de ses images (page 80), c’est dire !

Texte - 6.6 ko
Sexe ! - 150 et quelques fautes

J’avoue ne pas avoir compris. Venant d’une maison d’édition sérieuse, faisant des bouquins magnifiques, cela ne peut être, j’espère, qu’un couac, un oubli dans la chaîne…

Mais ce n’est pas le pire. Que personne n’ait relu le livre avant son impression, cela peut arriver (même si là…). Mais Alexandre Mare ne sait pas écrire. Il nous livre une thèse universitaire, dans un style un peu brouillon, certains articles manquant clairement d’un plan. Il semble sinon incapable de s’y tenir,obligé de (se) signaler parfois qu’il revient au sujet principal.
Et il ne sait pas placer les virgules. J’ai eu un flash-back du récent « Farence, la légende », roman auto-édité dans lequel je déplorais l’absence de plusieurs milliers de virgules. Alexandre Mare, lui, en met trop, et surtout, n’importe où. Il en colle derrière le sujet, le séparant du verbe. Il ne sait pas encadrer une subordonnée, une incise, faire les accords convenablement derrière. Quelques exemples édifiants :
- page 36 : Il va au nom d’un sentiment de justice, exacerbé, mener…
- page 44 : Par ailleurs, si pour notre héros, endosser un costume de chauve-souris est un moyen de vivre de toute-puissance ainsi qu’un moyen de manifester son agressivité, on peut supposer…
- page 56 : Tarzan lui, fait régner la justice, nu ou en slip.
- page 62 : Jane, dans un premier temps est associée aux aventures…
- page 69 : C’est semble-t-il, la révolte…
- page 70 : Leurs charmes naturels, les ont cependant…
- page 77 : Elle s’éprend avant tout, de l’image du père.
- page 79 : … que Wonder Woman serait malgré tout, homosexuelle.
J’ai arrêté, à cette 80e page, de les relever, et le nombre de ces erreurs, qui rendent mal lisibles et peu compréhensibles certains phrases, va crescendo jusqu’à plusieurs par page. Réellement consternant. Et inexplicable. On ne peut même pas accuser un logiciel de dictée, car la ponctuation, et c’est ce qui aurait dû alerter l’auteur (s’il s’est relu), ne correspond en aucun cas à la prononciation naturelle des phrases.

Donc mon constat est sans appel. Une faute bête par page (indigne d’une édition d’aujourd’hui), des phrases déstructurées par un emploi abscons des virgules, le tout dans un texte mal maîtrisé, un propos pas toujours organisé, un sujet traité avec trop de sérieux (à peine l’auteur s’autorise-t-il quelques traits d’humour dans ses notes) sur des sources imprécises (et non précisées)…, je dis non.

L’ouvrage avait des qualités. Mais bien trop de défauts. Trop long, trop compliqué, trop clinique. Très loin, en fait, du public intéressé par le sujet qu’il traite. On peut parler de super-héros avec du recul, de l’analyse et de la science. Mais il faut savoir à qui on parle. Et de quoi on parle. Là, je croyais qu’on allait parler de sexualité, surtout de son absence ou de son impossibilité. Même si cela demandait certains rappels, explications, mises en perspective, c’était à mon avis faisable de manière plus claire, plus simple, moins universitaire... donc en moitié moins de pages.

Contrairement à « Steampunk ! », issu de la même Bibliothèque des Miroirs, « Sexe ! Le Trouble du Héros » est une énorme déception.


Titre : Sexe !
Sous-titre : Le Trouble du Héros
Auteur : Alexandre Mare
Couverture : Sébastien Hayez
Éditeur : Les Moutons Électriques
Collection : Bibliothèque des Miroirs
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 230
Format (en cm) : 16 x 21 x 2,2
Dépôt légal : janvier 2010
ISBN : 978-2-915793-91-8
Prix : 19 €



Nicolas Soffray
26 mai 2010


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