Ernest et Antoine Durand, toujours sur la piste de Ha Tu, décident de planquer devant la propriété d’Arnaud De Frontessac, pensant y trouver l’ex-maîtresse de Calec père, cachée parmi les ouvriers. De son côté, Yann a pu avoir les autorisations militaires nécessaires pour se rendre à Biên Hoà, malgré le Viêt-minh. Après une visite de son exploitation de caoutchouc, De Frontessac l’emmène dans sa demeure pour prendre un rafraîchissement et lui présenter sa famille. Et là, surprise, Mme De Frontessac, n’est autre qu’Ha Tu et Yann découvre aussi qu’il a un demi-frère, prénommé Yves. Au cours du dîner qui suit, Arnaud de Frontessac commence à raconter à Yann l’histoire de son père et de l’or du chinois. Mais c’est sans compter sur les deux Durand, toujours en embuscade pour récupérer, eux aussi, le précieux butin.
Kraehn sait toujours écrire ses scénarios de manière à tenir en haleine son lecteur jusqu’au dénouement. En calquant son triptyque sur des événements historiques, son histoire prend du relief, de la consistance. La toile de fond qu’est la guerre d’Indochine est bien rendue par ses petits trafics, ses compromissions et les intérêts de chacun quelque soit le bord. Il aborde dans ce cycle la quête d’identité, la recherche des ses origines, comme Yann qui recherche son père et trouve un (demi) frère. En écho à celle-ci, Marchand recherche son fils, comme pour signaler que si l’ascendance est primordiale pour la construction d’un individu, la descendance est aussi importante comme finalité d’une vie. Dans les deux cas, il y a un passage de témoin, une continuité. Le personnage de Fabien, ex légionnaire, est intéressant par son choix de vie. Il a trouvé son équilibre au sein du peuple Méos (appelé aussi les Hmong), qui ne le juge pas (notamment en ce qui concerne son homosexualité).
Jean-Charles Kraehn pose aussi le problème de l’éthique de la guerre et celui de la torture.
Kraehn glisse dans son récit des clins d’œil pour les bédéphiles qui sont autant d’hommages (Les Durand pour Les Dupont/d, Tanguy « La vie dure » pour Tanguy Laverdure) et qui apportent une pointe d’humour dans cet album assez dur.
Patrick Jusseaume nous livre un dessin classique et efficace, marquant les flash-back en sépia. Il est aussi à l’aise pour dessiner un vieux Junker qu’une maison coloniale. La couverture de ce tome renvoie à celle du tome 7. En les juxtaposant, on peut comparer la situation du personnage, à gauche, assis sur une caisse d’explosifs avec un regard perdu et songeur pour le tome 7, et debout accoudé à une (même) caisse sur le tome 9, dans une position plus détendue, plus sûr de lui avec un regard tourné vers le lecteur, comme pour l’interroger, recueillir son avis.
Sur les deux couvertures, Yann tient une photographie, mais sur le tome 9, une lettre et une enveloppe viennent compléter la photo, comme une réponse à ses questions.
Le marin Calec va rentrer à bon port, en espérant que ses armateurs ne le laissent pas trop longtemps en cale sèche.
Le site de Patrick Jusseaume : Embarquement avec Patrick Jusseaume
(T9) Le trésor du Tonkin
Série : Tramp
Scénario : Jean-Charles Kraehn
Dessin : Patrick Jusseaume
Couleur : Patrick Jusseaume
Éditeur : Dargaud
Dépôt légal : novembre 2009
Format : 18x23.5 cm
Pagination : 60 pages couleurs
ISBN : 978-2205-06117-8
Illustrations © Kraehn, Jusseaume et Dargaud (2009)