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Yoko Tsuno 7 Sombres Complots
Roger Leloup
Dupuis - Les intégrales

La série de Roger Leloup consacrée à l’héroïne électronicienne d’origine japonaise Yoko Tsuno n’est pas seulement constituée de récits de science fiction ou d’anticipation (même si).
Dans les trois albums regroupés pour l’occasion et qui composent ce Sombres Complots, l’Asie, la culture japonaise et des ambiances policières particulièrement travaillées s’agrègent dans une folle sarabande qui entraînera les lecteurs au bout de nombreux suspenses.

Pour le meilleur, évidemment !



Quasiment quarante ans d’existence et Yoko Tsuno figure toujours au panthéon des aventures graphiques de la bande dessinée.
Ce tour de force créatif n’est pas le résultat d’un hasard, d’une mode ou d’un buzz quelconque, mais bien la juste rançon recueillie par Roger Leloup pour quatre décennies consacrées à développer méticuleusement (et avec un amour constant et évident) des intrigues parfaitement construites.

Yoko Tsuno est bien japonaise

Pour ceux qui en auraient douté, le personnage de Yoko Tsuno n’est pas qu’une vision créatrice sans racine, tout juste destinée à coller des scénarios lambdas mettant au premier plan une jeune femme d’origine asiatique.
Ce que porte et supporte le personnage central se nourrit de ses origines familiales, génétiques et culturelles.
Contrairement à l’hôtesse de l’air Natacha ou à la très libérée Franka qui pourraient être originaires d’une multitude de pays occidentaux sans que l’on parvienne à en choisir un plutôt qu’un autre, les décisions du personnage Yoko Tsuno ont toujours germé sur un terrain consciencieusement préparé par Roger Leloup.
En opposition avec les deux autres héroïnes de la BD tendance « ligne claire » précédemment citées et d’égales importances, rien ne serait possible dans les trois histoires qui composent ce “Sombres Complots” sans l’anticipation culturelle et sociologique de l’auteur qui charpente chacun de ces récits.
Certes, deux d’entre eux (“La Fille du Vent” et “L’Or du Rhin) hissent fièrement le drapeau du Japon, soit par la localisation géographique du récit, soit par la nationalité du méchant (le même dans les deux cas), mais on ne peut s’empêcher de penser que la résolution du problème que Yoko Tsuno croise en Écosse (in “La Proie et l’Ombre”) n’aurait pas été possible sans cet art consommé de s’attacher aux moindres détails.
L’énigme étant, au final, résolue sans que Yoko n’ait jamais donné l’impression d’en savoir plus que le lecteur moyen. Mais voilà, la petite Japonaise sait observer les choses et les gens, ce qui lui permet d’éclairer subtilement le théâtre des ombres qui lui est régulièrement opposé.

Mystères, enquêtes, suspenses et solutions !

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La Fille du Vent”, Passé et présent pour un voyage à la rencontre du père (Yoko Tsuno tome 9, extrait Intégrale tome 7).

La Fille du Vent”, neuvième opus de la série publié en 1979, transporte Yoko Tsuno en Asie. Étrange contrepoint du titre, plus que dans les airs c’est dans les eaux profondes, au large du Japon, que se situe une bonne partie de l’action. De même, alors que le problème (ainsi que sa solution) sont dans les turbulences aériennes, c’est bien sur une île ainsi que dans une base sous-marine que les principaux axes du scénario nous entraînent.
Au commencement, Ito Kazuki et le père de Yoko Tsuno se livrent une guerre météorologique sans pitié. Si l’un sait créer des typhons, l’autre s’évertue à les détruire. Quant aux magnats japonais et aux lobbies militaires du Pays du Soleil Levant, ils financent équitablement les deux parties et attendent tout simplement de savoir qui va dominer l’autre, comptant bien profiter des inventions enfantées par ce combat de titans pour acquérir fortune et puissance.
Rêves de gloires éphémères, échos d’un passé orgueilleux détruit sur l’autel de la Seconde Guerre Mondiale, c’est sur l’épave du plus puissant cuirassé japonais, le fameux Yamato, cimetière marin de milliers de matelots, que le méchant Ito Kazuki et Yoko Tsuno vont régler leurs comptes.
Auparavant, Yoko aura revu son père, mais aussi Aoki, son précepteur, dont la vie a été bouleversée par l’échec de son destin de kamikaze - il a survécu à sa dernière mission contre la marine US.
Roger Leloup qui déploie dans cette aventure des trésors de finesse et d’intelligence, réussit à s’imprégner du passé du Japon pour construire une aventure située dans le registre de l’anticipation. En effet, l’intrigue est basée sur des inventions technologiques qui n’existent toujours pas en 2010.
À l’image du scénario, Yoko Tsuno devra aussi composer avec son passé pour comprendre les actes de chacun (bons et méchants). Un dénouement apocalyptique et dramatique guette le lecteur et vient conclure une aventure aux graphismes souvent superbes. Un découpage quasi parfait, modèle de mise en pages, installe “La Fille du Vent” parmi les nombreux sommets d’une série qui n’en manque pas.

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La Proie et l’Ombre”, Première image et déjà l’ambiance est là ! (Yoko Tsuno tome 12, extrait Intégrale tome 7).

La Proie et l’Ombre” (tome 12 édité en 1982) est un opus plus délicat. Yoko voyage en Écosse et croise par hasard le destin tragique de Cécilia. Cette jeune châtelaine dont la mère est décédée depuis de trop nombreuses années, dispose d’une santé mentale qui oscille entre raison et folie. L’inconscient de la jeune femme se nourrissant du fantôme maternel qu’elle aperçoit très clairement et très souvent.
Les apparitions de ce fantôme sont-elles crédibles ? Sa présence dans un château écossais suffit-elle à justifier cette possible existence ectoplasmique ? Autant de questions que Yoko et ses lecteurs vont se poser.
Évidemment, Yoko est intéressée par ce mystère, mais la question « fantastique » n’est pas la seule raison de son obstination. Dès les premières pages, on comprend que le destin de la jeune Cécilia est bien l’élément central du récit.
Dans des décors d’une rare beauté (paysages, architectures et ruines), un scénario digne de l’écrivain Sir Conan Doyle et de ses meilleurs Sherlock Holmes va maintenir une tension dramatique permanente. Le romantisme des lieux n’étant pas innocent dans l’affaire.
Même si l’exercice de style scénaristique n’est pas loin, le doigté de Roger Leloup et sa retenue instinctive, permettent à “La Proie et l’Ombre” de viser juste et de toucher le cœur de la cible.

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L’Or du Rhin”, notez le soin apporté aux deux premières cases de cet album (Yoko Tsuno tome 19, extrait Intégrale tome 7).

L’Or du Rhin” (tome 19 et crû 1993) est un bel exemple des rares défauts de la cuirasse de Roger Leloup. L’intrigue est complexe, les dialogues importants et nombreux, les personnages secondaires vitaux à la compréhension du scénario et le sens des détails graphiques du maître des cérémonies est omniprésent (dans presque chaque case). Tout est un peu « trop », en fait.
Accords commerciaux et boursiers, de nouvelles inventions fantastiques (un robot humanoïde, une mystérieuse « Chambre du Néant »), des espions américains et soviétiques, on se perd parfois dans les très nombreuses informations à absorber.
Il n’en reste pas moins que le plaisir des yeux est prégnant. La cathédrale de Cologne, de nombreux châteaux, un train mythique, des intérieurs et des extérieurs multiples, des cadrages sans cesse renouvelés et repensés, tout est présenté à la perfection. Et en fait, c’est bien le graphisme qui finit par emporter l’adhésion.
Certes, le retour du méchant Ito Kazuki est une bonne surprise qui promet de belles secousses, mais à trop vouloir bien faire, Roger Leloup finit par donner la sensation d’imposer des péripéties pas toujours utiles à l’intrigue.
Il n’en reste pas moins que l’attention nécessaire à la compréhension de cet album est récompensée par deux faits importants : la clôture du chapitre Ito Kazuki et la naissance d’une amitié -que l’on pressent importante- avec le personnage de la comtesse Olga (scènes révélatrices concernant le parfum Cuir de Russie).
Finalement, n’a-t-on pas tout simplement perdu l’habitude de lire des BD à fortes densités scénaristiques et graphiques pour pleinement apprécier “L’Or du Rhin” ?

Une ligne directrice

Dotée d’un portfolio proposant de nombreuses illustrations pleine page, de dessins au crayon (pépites de douceur), de planches où les indications de couleurs sont déjà des versions quasi définitives du résultat à obtenir, cette septième intégrale Yoko Tsuno intitulée “Sombres Complots” offre donc trois beaux récits à forts suspenses.
Autre constante de la collection, les vingt-quatre pages du dossier de présentation de l’album sont une mine d’informations et un régal pour les yeux. On ne félicitera jamais assez Roger Leloup et les éditions Dupuis pour la qualité assez inégalée de ces volumes.

On perçoit aussi que le rassemblement de ce trio d’aventures sur l’unique principe -avoué par l’auteur- de leurs similitudes narratives est un alibi trop évident.
Même inconsciente, la vraie raison de ce choix se cache subtilement dans la présentation d’une ligne directrice et créatrice fondamentale dans cette série.
En effet, il émerge de l’ensemble, une véritable démarche artistique, toute en recherche de l’équilibre idéal entre images, textes et cadrages.

Comme une envie de démontrer que la perfection peut être de ce monde.

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L’Or du Rhin”, page 2, détails graphiques et foisonnement du texte (Yoko Tsuno tome 19, extrait Intégrale tome 7).


Yoko Tsuno Intégrale 7 Sombres Complots
- Série : Intégrale Yoko Tsuno
- Auteur (dessin et scénario) : Roger Leloup
- Couleurs : Studio Leonardo
- Maquette (et composition graphique) : Françoise Michaux
- Éditeur : Dupuis
- Collection : Les Intégrales Dupuis
- Sites Internet : fiche album (T9), fiche album (T12), fiche album (T19), fiche album Int. 8, le Blog de Yoko Tsuno, site officiel, fiche collection (site éditeur), un site de fan
- Pages : 174
- Format (en cm) : 22 x 2 X 30 (cartonné)
- Dépôt légal : Mai 2009
- Code prix : DU10
- ISBN : 978-2-8001-4367-5
- Prix : 19€



© Images et illustrations : Roger Leloup - Dupuis (2009)


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Stéphane Pons
9 janvier 2010




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