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Obéissance (L’)
Franck Bourgeron
Futuropolis

Tout commence en 1918 avec une histoire aussi abracadabrante que peut en charrier la réalité : alors que la Belgique n’a plus procédé à une exécution capitale depuis 1963, voilà qu’un assassin pas plus méchant qu’un autre devrait se faire envoyer ad patres dans les formes légales. Le hic : le bourreau belge n’a aucune expérience de la décollation. C’est donc son homologue français, Anatole Deibler, flanqué de son aide, qui est invité à se transporter avec les bois de justice et sous escorte militaire jusqu’à Furnes - soit en zone allemande, et du côté d’un front en passe de se démantibuler...



Sur la base de cette anecdote fantasque qui sert de trame au roman éponyme de François Sureau (Gallimard, 2007), Franck Bourgeron construit un album qui concilie réalisme et ironie glacée : il est en effet réjouissant autant qu’effrayant de voir avec quelle méticulosité et quel aveuglement un quarteron de militaires se fait un point d’honneur de mener leur mission à bien, fût-elle profondément absurde. Une obstination à se soumettre d’autant plus surprenante qu’en l’occurrence, il s’agit de baroudeurs marqués dans leur chair, qui savent ce que la guerre réserve de bêtise et d’absurdité et qu’on pourrait croire revenus de tout. Or, ni le lieutenant Verbrugge, à qui le conflit en cours a déjà coûté un bras, ni le capitaine Loth, un ex-aviateur défiguré au terme d’une descente en flammes, n’envisagent un seul instant d’en rester là. Puisque les ordres sont les ordres...

Les voici donc, tels des apparitions spectrales sur un corbillard, qui cheminent sous les canonnades avec leur guillotine dressée à l’arrière d’un véhicule cahotant, à la fois surveillants et protecteurs d’un bourreau effaré et de son aide du genre foireux, entre les coups et jusqu’à Furnes, où le condamné est là, fidèle au rendez-vous mais où le cours des choses, suivant en cela celui de la guerre, va subtilement modifier le scénario tout tracé que leur avaient mitonné état-major et Garde des sceaux. Oui, les officiers en prennent pour leur grade... Sans que les poilus de base échappent à cette peinture au vitriol, ramenés qu’ils sont à la double fonction sans gloire d’exécutant-exécuteur.

Dans le matériel de presse, Franck Bourgeron laisse entendre que son sujet ne serait pas la Grande Guerre, mais bien le mécanisme de l’obéissance aveugle. Force est pourtant de constater - et la véracité historique de l’argument le confirme - qu’une telle absence d’esprit critique s’explique vraisemblablement par le travail de sape mentale qu’ont pu exercer les atrocités du front, prédisposant ceux qui ont vu le pire à accepter le pire. Et, quoi qu’en dise l’auteur, son approche biaise des coulisses de la guerre (relativement proche du récent Notre Mère la Guerre de Maël et Kris, chez Futuro aussi) illustre on ne peut mieux l’extraordinaire non-sens de la boucherie de 14-18.


L’Obéissance
- Scénario et dessins : Franck Bourgeron
- D’après le roman de : François Sureau
- Couleurs : Claire Champion
- Editeur : Futuropolis
- Dépôt légal : 5 novembre 2009
- Pagination : 72 pages couleurs
- Format : 22 x 30 cm
- ISBN : 978-2-7548-0279-6
- Prix public : 17 €


© Franck Bourgeron et Futuropolis (2009)




Alain Dartevelle
22 janvier 2010




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