Genre : thriller, film social
Durée : 1h36
Avec Edgar Flores (Casper / Willy), Paulina Gaitan (Sayra), Kristian Ferrer (Smiley), Tenoch Huerta (Lil Mago), Gerardo Taracena (le père de Sayra), Guillermo Villegas (Orlando), Diane Garcia (Martha Marlene), Catalina Lopez (Tante Tona), …
Au Mexique, Casper (alias Willy) est un marero, à savoir un membre de la très influente Mara, un des nombreux gangs d’Amérique Centrale. De plus en plus réticent face aux méthodes ultra-violentes du gang, Casper commet un jour l’impensable : assassiner son chef. Commence alors pour lui une fuite désespérée sur le toit d’un train en route pour le nord, en compagnie de centaines d’autres candidats à l’émigration. Parmi eux, Sayra, partie du Honduras avec son père et son oncle, espère atteindre les Etats-Unis pour commencer une nouvelle vie. Sa rencontre avec Casper va bouleverser ses plans.
En voyant « Sin Nombre », on pense évidemment, de par le sujet traité (la Mara, même s’il est croisé chez Cary Fukunaga avec le thème de l’émigration) et les dates de sortie des deux films, au documentaire terrifiant de Christian Poveda, « La Vida Loca », le réalisateur ayant été assassiné le 2 septembre 2009 au Salvador.
Mais c’est bien une fiction que Cary Fukunaga nous offre ici, même si le réalisateur s’est bel et bien confronté à la réalité qu’il voulait aborder. En 2005, il se rend au Chiapas et à Tapachula, accompagné de quelques-uns de ses amis qui l’avaient aidé sur « Victoria para Chino », son court-métrage. Ensemble, ils visitent des prisons, rencontrent des membres de gangs et des candidats à l’émigration.
Une nuit, Fukunaga décide de suivre deux Honduriens rencontrés la veille, et saute avec eux dans un train de marchandises : Fukunaga va les filmer pendant 27 heures,sur ce train qui traverse le Chiapas, obtenant ainsi ce qui servira de base à son film, « Sin Nombre ». Le réalisateur fera ainsi trois voyages consécutifs, victime lui aussi, entre autres déconvenues, d’attaques de pillards. Il sait d’ores et déjà que c’est la vie des passagers clandestins de ce train qu’il racontera : « Sin Nombre » sera tourné en espagnol, avec des acteurs latino-américains, quasiment exclusivement dans la région de Mexico.
Au final, « Sin Nombre » se situe quelque part à la croisée du road-movie, du thriller, du western et du film social. Rythmé par une bande-son particulièrement bien choisie, le film de Fukanaga nous plonge dès les premières minutes dans une réalité sans fard et sans concession, quelque peu adoucie par l’histoire d’amour naissante entre Casper et Sayra, sans jamais nous faire perdre de vue la quête désespérée des personnages : foutre le camp.
Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit, partir, s’extraire d’un milieu donné, déconstruire un ici et se battre envers et contre tout pour construire un ailleurs : c’est ce que tente de faire Casper en assassinant un chef de la Mara et en prenant la fuite ; c’est ce qu’on aimerait que Smiley fasse, lui aussi (l’influence des gangs sur des gamins hauts comme trois pommes est très bien illustrée dans une scène remarquablement réussie), et c’est enfin ce en quoi croit Sayra, perchée sur le toit de son train, portée par la même volonté que des centaines d’autres compagnons d’exil.
« Sin Nombre » est un film âpre, rêche, tendu, tourné sèchement et sans superflu, mais également traversé par des respirations aussi bienvenues qu’inattendues, au détour d’une lumière rasante sur un visage ou un paysage, d’un geste de tendresse, d’une ébauche de sourire. On en ressort un peu sonné, mais étrangement touché par cette insistante poésie du désespoir…
FICHE TECHNIQUE
Réalisation et scénario : Cary Fukunaga
Producteur : Amy Kaufman
Producteur exécutif : Pablo Cruz, Gerardo Barrera, Amy Kaufman
Directeur de la photographie : Adriano Goldman
Directeur artistique : Carlos Benassini
Musique : Marcelo Zarvos
Costumes : Claudio Contreras, Leticia Palacios
Maquillage : Alfredo Garcia, Carla Tinoco
Production : Creando Films, Canana Films
Distribution : Diaphana Films
