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Secrets de Gaïa (les)
Ménéas Marphil
Au Diable Vauvert, Jeunesse, roman (France), fantasy gnangnan, 436 pages, septembre 2009, 18€

Après l’affrontement d’Itampool, le conflit s’intensifie. Piphan’ doit retrouver Salomon, capturé par les Dahals, et empêcher Lilith et Sarpédon de s’unir lors du rituel de Korê. Plus que jamais, Epiphane est décider à sauver tout le monde, son frère y compris, malgré la guerre qui ravage le monde des moazis.

Un troisième tome peut atteindre des sommets. Ou s’écraser. C’est le cas ici, où on en vient à douter que l’auteur vive dans le même monde que nous tant il cumule les messages contradictoires et les maladresses stylistiques et scénaristiques. Revue de détail, ça vaut le détour...



Ce troisième volume de « la fabuleuse histoire des lunes de Pandor » reprend exactement la où s’achevait Le Sceau de Cyané. Le découpage de l’histoire est donc purement physique, et on appréciera d’enchaîner rapidement sur la suite de l’histoire.
Las ! Si j’avais lu les deux premiers tomes à la suite en gardant quelque espoir d’amélioration, ce troisième tome est à la hauteur des pires attentes.

Le scénario tient encore moins debout qu’auparavant. Piphan et Kimyan se retrouvent sur leur îlot natal. Kim est devenu un vrai méchant, superpuissant au point d’invoquer le géant Typhon, mais Piphan s’en débarrasse à coups de boules d’énergies, sort appris quelques jours plus tôt. L’auteur rappelle à cette occasion que les jumeaux ne sont séparés que depuis un mois, et qu’il s’en est passé des choses entretemps ! Effectivement deux innocents ados de quinze ans, jamais sortis de leur île, sont devenus méga-magiciens. Amis du réalisme, ou seulement de la cohérence…

Après cette terrible bataille, Piphan et Ashitaka sont convoqués par Athéna en personne, qui leur fait don de plein de superpouvoirs supplémentaires, comme l’invisibilité absolue. Super-pratique pour aller espionner directement dans la base des méchants Dahals, l’Arbre-Fossile. En plus, Ashitaka est un golem modelé par Athéna, spécialement pour protéger l’Élu. Bref, tout concourt à aider Piphan…
Sauf que ce serait trop simple d’entrer chez les méchants et d’interrompre le rituel de Sarpédon, qui consiste à sacrifier entre autres 600 enfants. Non, d’abord, il faut aller sauver l’ami Salomon, et pour cela faire du tourisme dans un château des Karpathes, où les matières enseignées tournent autour de la fête, et Ultima-Thulé, où les mages ont muté au-delà du concevable et du logique.

Salomon sauvé des glaces, on découvre un peu le plan des grands maîtres d’Elatha, qui jusqu’ici passaient pour des mollassons plus prompt à sortir un mot d’esprit pas fabuleux qu’une idée pour sauver le monde. Il faut détruire l’athanor des Flamel. L’occasion de constater la guerre qui fait rage dans le monde des moazis, où les Dahals ont fait sauter les centrales nucléaires. Une petite bataille rangée entre mages blancs et sorciers noirs permettra de faire l’inventaire du bestiaire démoniaque, tandis que la stratégie élathienne nous laissera pantois. En gros, on profite que les moazis se font massacrer pour “se regrouper en base arrière”, bref fuir à l’abri. L’humanité “non magicienne” est considérée par les deux camps comme quantité négligeable, une espèce de chair à canon dont la possible éradication n’est guère importante. Un message assez élitiste pour des gens qui prônent l’amour...

Après une dernière fiesta à l’avant-veille de l’apocalypse histoire de déstresser, Piphan et Ashitaka retournent à Yggdrasil, ramènent à la raison le mentor de Kim, ancien ami d’un maitre d’Elatha, tout le monde s’en sort, une partie de notre héros se fond dans son jumeau revenu à la raison, l’autre aide la magie blanche à repousser la lune noire, Sarpédon et Lilith en meurent de désespoir, et tout est bien qui finit bien, malgré une humanité décimée qui, elle, a dû subir les massacres des Dahals et les conséquences des explosions des centrales nucléaires. Enfin, on l’imagine, comme l’auteur s’en moque royalement, car cela ne concerne pas les gens qui comptent, c’est-à-dire les magiciens.

Bref, tout est pitoyable. À aucun moment la tension ne peut monter, car malgré l’imminence de l’apocalypse, tout le monde fait des blagues ou prend le temps de faire la fête. Comme si cela ne suffisait pas, l’humour de Ménéas Marphil ne remplirait pas des stades, entre jeux de mots à trente centimes d’euros, allusions si peu voilées qu’on peut les dire carrément lourdingues. Citons le mage fou Sad Hamussen qui enflamme les puits de pétrole irakiens, les vampires squelettes recyclés en groupe de rock avec un crooner nommé Pelvis qui chante du Eddy Mitchell, AEnas le grand oiseau farceur qui nous sort un “il faut sauver le soldahal Kimyan”… Marphil invoque les farces et attrapes de “chez Whisley, de Gowhart”, histoire de montrer qu’il a lu « Harry Potter », nous sort les “troudetoons” de Roger Rabbit…
Je suis peut-être trop vieux, et sans doute est-ce pour cela qu’à chaque trait d’humour j’ai ri jaune quand je n’ai pas soupiré devant un tel pathétique. Mais d’un autre côté, la question est de savoir à quel public s’adresse ce livre. Ceux qui comprennent les allusions et les jeux de mots sont pour la quasi-totalité trop âgés pour trouver un quelconque intérêt aux aventures rocambolesques de Piphan, et au discours moralisateur que nous serine l’auteur : l’amour c’est bien, le mal c’est mal.

Ce troisième tome s’englue en plus dans des pérégrinations à travers le monde, dont la seule qualité est de nous gratifier d’une nouvelle carte signée Didier Graffet. Le bestiaire s’allonge, et comme précédemment, Marphil soit mélange les mythologies, avec plus ou moins (souvent moins) de bonheur, soit se lance dans des concepts bancals à qui a un brin de jugeote. Citons par exemple les mages d’Ultima-Thulé, qui ont modifié leur ADN pour s’adapter à leur localisation australe : ils n’ont plus de pieds, leurs jambes se terminent en pointe, donc (CQFD pour l’auteur) ils ne s’enfoncent pas dans la neige ! Sauf que si mes souvenirs de physique sont bons, au contraire, plus le poids d’un corps est réparti, moins il s’enfonce. C’est pour ça qu’on fait des randonnées en raquettes et pas en chaussures à talons…

J’ai précédemment déjà parlé du style de l’auteur. Cette histoire se veut racontée lors de la veillée, bien des années plus tard. Ce n’est qu’un cadre, aucunement utilisé dans la narration, jamais le conteur ne fera d’apartés dans son histoire. Et celle-ci alterne langage soutenu et familier, où “bagnole” côtoie “prognathe”. Ok, j’avoue, il fleurte plus souvent avec le familier, mais les plus jeunes lecteurs se heurteront à certains termes assez ardus. Si cela ne leur suffit pas, les nombreux laïus explicatifs, mi-scientifiques mi-philosophiques, se chargeront de les noyer sous l’information de comment vivent les dragons polaires (il faut avoir une bonne ouïe pour les entendre arriver, car ils sont parfaitement silencieux ! encore une perle de logique) et autres complexités inutiles et pas souvent nécessaires à l’intrigue.

La dernière partie de l’histoire se perd entre délire mystique, données pseudo-cosmologiques ou simplement cosmiques, du grand n’importe quoi.

La langue française est toujours malmenée, et si on sourira à quelques homophonies amusantes (les Dahals “porcs épiques” à cause de leur casque à pointes), on craindra plus souvent la coquille sous chaque néologisme.

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Les secrets de Gaïa - corrections et relevé du grand n’importe quoi


Je me répète peut-être, mais ce roman, outre ses défauts liés à un style certain mais mal maîtrisé, une accumulation de clichés, une surabondance inutile de détails et de graves incohérences même pas justifiées par “c’est la magie”, est très en retard sur son temps. Depuis « Harry Potter », les lecteurs de fantasy jeunesse ont un minimum d’exigence, la première étant de ne pas être pris pour des imbéciles.

Marphil nous pond une histoire pour moins de douze ans. Et encore, ceux qui seraient prêts à se lancer dans 1200 pages de roman ont déjà lu les aventures du jeune sorcier de J.K. Rowling, à qui il est bien plus facile de s’identifier qu’à un ado un peu naïf d’une île paradisiaque qui mûrit subitement et triomphe du Mal en moins de six semaines.

À jeter. Allez plutôt lire Pierre Bottero, c’est tout le contraire.


Titre : Les Secrets de Gaïa
Série : La Fabuleuse histoire des lunes de Pandor, tome 3
Tomes précédents : Abracadagascar, Le Sceau de Cyané
Auteur : Ménéas Marphil
Couverture et cartes : Didier Graffet
Editeur : Au Diable Vauvert
Site Internet : fiche du roman
Collection : Jeunesse
Pages : 436
Format (en cm) : 13 x 19,8 x 2,9
Dépôt légal : septembre 2009
ISBN : 978-2-84626-213-2
Prix : 18 €



Nicolas Soffray
17 octobre 2009


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