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Star Wars : Entretien avec Steve Sansweet
Responsable marketing de LucasFilms, grand spécialiste des « Action Figures » et autres « collectibles »
1er octobre 1999


Entretien réalisé à la librairie Arkham dans le cadre du Sci-Fi, Horror and Pictures show

Tout d’abord, comme vous êtes plutôt un homme de l’ombre, si je puis dire, pourriez-vous vous présenter ?

Oui, bien sûr. Je m’appelle Steve Sansweet et je travaille dans la branche marketing de LucasFilms. J’ai participé à la rédaction de deux bouquins « Star Wars : from concept to screen to collectibles » ainsi que « Star Wars : The Action Figure Archives ».

Plus exactement ma question sous-entendait l’ensemble de votre parcours et la façon dont vous êtes arrivé là.

Ah d’accord. Je suis né à Philadelphie, j’ai obtenu mon diplôme de journaliste, ce qui m’a permis de débuter une assez longue carrière dans ce domaine. J’ai tout d’abord travaillé pour le « Philadelphia Inquirer », ensuite pour le « Wall Street Journal ». Puis, j’ai été rédacteur en chef du Journal de Los Angeles durant 9 années. Durant toutes ces années de journalisme, j’ai écrit différents livres à commencer par « The Punishment Cure ». Puis, il y eut le début du phénomène Star Wars. J’ai commencé à collectionner tous les objets ; j’ai d’ailleurs à ce jour la plus grande collection d’objets Star Wars au monde et comme j’ai toujours été passionné par le marketing, il en est sorti : « Science Fiction Toys and Models ». C’est en 1990 que je noue mes premiers contacts avec LucasFilm. Il en résultera « Star Wars : from concept to screen to collectible », « Tomart’s Price Guide to Worldwide Star Wars Collectibles » que j’ai co-écrit et plus tard « Star Wars : Action Figure Archives ».. Mon but inavoué devait être de rejoindre l’équipe de LucasFilms, en tout cas c’est ce qui est arrivé en 1996 lors du lancement de l’édition spéciale. Au début, mon travail était celui d’ambassadeur auprès du public, mais, depuis, mes fonctions ont beaucoup évolué. Je suis toujours impliqué dans la promotion de Star Wars auprès des fans, bien sûr, mais je m’occupe également des photos de tournage, des licences, de la publicité et de tout l’aspect visuel, comme le contrôle du contenu des reportages. Un boulot gigantesque mais tellement passionnant !

Il y a une question évidente que le public français se pose certainement. Pourquoi sommes-nous parmi les derniers dans le monde à voir sortir le film ?

Après l’Italie et la France il y a encore l’Inde et la Grèce à venir. Je n’ai pas vraiment de réponse à cette question. Vous savez, Star Wars est un phénomène particulier, voir unique, qui draine énormément de personnes et de contraintes. La sortie d’un film de cette saga pose forcément beaucoup de problèmes car le film doit sortir dans le monde entier, ou presque. Il y a des impératifs et donc des choix de calendrier à faire. Tout d’abord d’un point de vue technique, traduction, doublage, mais surtout la promotion. On ne peut pas être partout en même temps. Vu le succès de cette saga, la sortie des films depuis l’édition spéciale est toujours accompagnée d’une présentation et de conventions comme celle-ci. Vous savez, une entreprise comme Star Wars est vraiment tentaculaire. Il est certain qu’une sortie mondiale aurait été plus judicieuse, mais il aurait fallu reporter la sortie du film dans de nombreux pays. Vous savez « La menace fantôme » a été traduit dans une trentaine de langues différentes. Selon notre expérience, la sortie d’un film durant l’été, dans certains pays, surtout en Europe, peut s’avérer désastreuse. Et si je me souviens bien, il me semble que c’est en automne que nous avons eu les meilleurs résultats en France et en Italie, d’ailleurs. Pour l’édition spéciale par exemple, le « Retour du Jedi » est sorti en novembre et « l’Empire contre attaque » en mars. C’est cela qui a du motiver la production dans ses choix.

Donc, vous me confirmé que cela n’est en rien en rapport avec le jeu Star Wars de « La Française des jeux » ?

Quel jeu ? [je lui sort donc un exemplaire de Jar Jar Binks à gratter]
Ah oui, bien sur ! Non, aucunement, ça je peux vous l’assurer. Peut-être que la « Française des jeux » a attendu la sortie du film, mais en aucun cas l’inverse, je peux vous l’assurer !

Je suppose que cela a du être un gros deal, tout de même ?

Au niveau financier, je ne peux pas vous répondre, car je l’ignore. En fait, je ne m’occupe pas des tractations commerciales, à proprement parler mais plutôt des clauses du contrat de licence en relation avec notre image de marque. La « Française des jeux » nous a présenté son projet d’utiliser le support cinématographique pour de nouveaux jeux à gratter et Star Wars entrait tout à fait dans leurs objectifs.

[Comprenant que je n’obtiendrais pas grand-chose de plus, j’oriente le débat vers d’autres horizons]
Comme vous êtes un spécialiste de l’univers Star Wars, que vous avez eu accès au script, cela m’amène à quelques questions en rapport avec les évolutions technologiques de la galaxie. Dans La menace Fantôme, on découvre une formidable armée de droïdes. Pourtant, cette haute technologie ne réapparaît pas dans les épisodes suivants. Comment devons-nous interpréter cela ?

C’est tout à fait exact, mais l’on s’aperçoit que cette fameuse technologie n’est pas forcément l’apanage des vainqueurs. D’ailleurs, c’est par ce que tout repose sur cette haute technologie que les Naboo et et Gungan parviennent à se défaire de leurs oppresseurs.

A l’image de ces grains de sable qui viendront réduire à néant la formidable puissance des futures étoiles de la mort ?

Tout à fait, le parallèle que vous faites ne semble absolument pas fortuit.

Est-il prévu que George Lucas donne des explications concrètes à ce sujet dans les prochains épisodes ?

George travaille actuellement sur le script, mais je lui fait entièrement confiance à ce sujet.

L’un de ses messages est-il de nous démontrer que la technologie n’est pas tout et qu’un infime grain de sable conduit par la force peut tout remettre en cause ?

Oui, effectivement, c’est l’un de ses thèmes de prédilection. Ce qui est paradoxal, c’est toute cette technologie qu’il emploie pour nous le démontrer (sourires).

En ce qui concerne le merchandising, y a t-il certains domaines que vous n’avez pas explorés ?

Oh ... C’est un peu compliqué de parler du merchandising dans sa globalité. On vend tellement de licences à l’étranger liées à des produits que l’on utilise pas aux USA. C’est difficile d’avoir une vue d’ensemble. En Europe, par exemple, il y a des gâteaux à l’effigie des personnages de Star Wars, chose que l’on ne trouve pas aux Etats-Unis. Tout cela est tellement vaste. Bien sûr, nous étudions les propositions avant de délivrer une licence. Vous savez, nous ne sommes qu’une équipe marketing très réduite chez LucasFilm par rapport au gigantesque marché auquel nous sommes confronté. Face à l’ampleur du phénomène, nous sommes dans l’incapacité de tout contrôler. Après avoir discuté les clauses du contrat de licence, on laisse les choses se faire en espérant que tout se passera bien.
Par contre, je peux vous parler des domaines dans lesquels nous ne voulons pas mettre les pieds.. Par exemple, tout ce qui concerne le tabac et l’alcool, vous ne verrez jamais de paquet de cigarettes ou de bouteille de Whisky avec le logo de Star Wars. Nous faisons très attention à ne pas ternir notre image. Peut-être, trouverez-vous bientôt des articles Yves St-Laurent associés à l’image de LucasFilms.

Toujours dans ce domaine, avez-vous des marchés, une gamme de produit dont vous êtes particulièrement fiers ?

Et bien, surtout les domaines dans lesquels nous intervenons plus directement. Le créneau des « Trading Cards », auquel j’ai participé, parfois, au niveau rédactionnel et bien sûr, les figurines où là, nous faisons entendre nos exigences. Nous veillons aux modèles et aux détails de la réalisation et je suis plutôt content du résultat de notre participation avec Hasbro.

Toujours dans le domaine du merchandising, nous préparez-vous quelques surprises ? [Allez un petit scoop..]

Pour la France, Yves St-Laurent. C’est un exemple prestigieux, vous ne trouvez pas ?
(Effectivement, le 15 octobre, Yves St Laurent ajoutait à sa collection de maquillage un rouge Amidala ainsi qu’un rose Naboo).

Quelle est votre position à propos des fameuses copies pirates que les internautes ont pu voir ou récupérer sur le Net ?

Nous abordons là un réel problème qui ne touche pas uniquement l’industrie du cinéma mais de nombreux domaines artistiques, ainsi que les auteurs, musiciens, illustrateurs ou photographes. C’est un problème essentiel pour les années à venir auquel il faut réfléchir tout de suite et trouver des solutions. C’est, à mon sens, une réelle atteinte, voire un viol, au droit et au respect de l’œuvre, comme de son créateur. Nous luttons activement aussi bien avec les instances qui surveillent le Net qu’avec le FBI. Imaginez que demain, vous retrouviez vos photos, vos écrits ou les morceaux de votre dernier album disponibles gratuitement et illégalement sur Internet, sans aucun respect, bien entendu, pour la qualité de l’œuvre. C’est inacceptable et nous avons beaucoup de travail, premièrement pour attraper et punir ces délinquants, et deuxièmement endiguer le problème et trouver des solutions pour protéger nos œuvres.

Désolé d’insister mais ma question était incomplète. Pensez-vous que cela n’ait pu être que préjudiciable au film et qu’en aucun cas cela n’a pu permettre sa promotion par d’autres voies ?

Avez-vous pu regarder une de ces copies ?

[Je me doutais qu’il n’aimerait pas la question mais tout de même...] « Non, non, » répliquais-je, avec l’air le plus honnête que je puisse dessiner sur mon visage devenu angélique.

Vous auriez compris sinon. La qualité est tellement médiocre que cela ne peut, en aucun cas, servir à la promotion de quoi que ce soit. Cela a dû être filmé au caméscope au cours d’une projection dans une salle de cinéma. Le son est atroce, l’image terne, sans couleur. On voit même parfois l’ombre des têtes des gens qui vont aux toilettes. Une fois la copie mise à disposition sur Internet, le trafic s’est installé. Bien entendu, quelques petits malins avec une machine assez puissante ont redescendu le film sur leurs ordinateurs. Ensuite il n’y avait plus qu’à faire des copies sur CD-ROM et, de là, un gigantesque trafic s’est mis en place.

Je comprend bien le problème du trafic mais, en le mettant de côté quelques instants, ne pensez-vous pas que cela pouvait permettre sa promotion en donnant une idée de son contenu et, au vu la médiocrité du support, donner aux gens l’envie d’aller le découvrir sur grand écran ?

Pour ce genre de promotion, nous mettons nous-mêmes en place des bandes-annonces et quelques extraits légaux, gratuits et de bonne qualité. Non, définitivement, je trouve cela inacceptable.

[Bon et bien je n’en tirerai pas plus.]
Changeons de sujet et revenons à vous. Êtes-vous un fan de Science-Fiction ?

(Tout d’un coup, Steve Sansweet est beaucoup plus décontracté) : Oui ! Quand j’étais gosse, il y avait un ami qui passait tous les mois avec des bouquins. J’ai dévoré Bradbury, Asimov, Heilein. Oui, l’expression c’est bien cela : « je les dévorais ».

Et concernant le cinéma et la télévision ?

Oh oui bien sûr. Récemment, Matrix m’a réellement plu et impressionné. Les effets visuels sont vraiment superbes. Sinon, la saga Alien - surtout le second volet d’ailleurs, Alien, le retour de James Cameron.

C’est vrai que Cameron a très bien su donner un second souffle à la saga et montrer qu’il était un grand cinéaste..

Oui, on lui doit également Terminator , ou Star Trek.

Vous appréciez Star Trek également ?

Oui bien sûr. Un américain qui aime la SF ne peut pas ignorer le phénomène Star Trek. J’avoue avoir une préférence pour la série Deep Space Nine qui était vraiment formidable.
Mais pas seulement, la SF « action » ou le « space-opera ». Des choses plus introspectives comme Blade Runner qui, non seulement, est de toute beauté et très novateur sur le plan visuel, mais possède aussi un traitement de l’intrigue vraiment passionnant. Un très grand film de science-fiction !

A propos des noms utilisés pour nommer les lieux, savez-vous ce qui a servi d’inspiration ? Le nom de la planète Tatouïne par exemple, est-il à votre avis en rapport avec celui de la ville tunisienne de Tataouine située non loin des lieux de tournage de la première trilogie ?

Oh, oui. Cela semble évident. George Lucas essaie toujours de conserver des repères, des symboles raccrochant son récit à la réalité pour que le public s’y retrouve.

Quelques jours avant ce rendez-vous, j’ai eu une conversation téléphonique avec mon Boss qui venait, en compagnie de son fils, de re-visionner les 3 volets de l’Edition Spéciale et un détail les a frappé : l’absence d’écrit. Il y a beaucoup de choses dans Star Wars mais on ne voit jamais rien d’écrit.

Vous êtes sûr ? Hum ... Bon il est vrai que généralement ils utilisent d’autres moyens de communication, comme les hologrammes. Certes, il est clair que certaines peuplades ne savent pas lire comme les hommes des sables. Mais à vrai dire, je ne pense pas que cela soit une volonté. Vous savez, il y a peut-être des rapports indirects avec l’écriture qui ont pu leur échapper.
Il y a quelques temps, on m’avait posé la question de savoir la façon dont se nourrissaient des forces de l’empire, car on ne les voyait jamais à table. Mais si on ne les voit pas directement manger, on les trouve parfois dans des lieux prévus à cet effet, comme Darth Vader qui se retrouve à un moment dans une salle destinée à manger. Pour les écrits, je crois qu’au stade de leur civilisation, il est plus facile pour eux d’utiliser d’autres moyens de communication.

Donc, vous m’affirmez que les peuples de la Galaxie présentés dans Star Wars ne sont pas illettrés. Je n’ai donc pas mis le doigt sur un scoop.

Non, désolé. Je ne crois pas.

Travaillez-vous également sur Indiana Jones ?

Oui, surtout en ce moment, puisque nous sommes en train de mettre en place un nouveau packaging pour les cassettes vidéos.

J’ai entendu parler d’une renumérotation par épisodes

Tiens, ça c’est typique de certaines infos ou rumeurs qui sont colportées sur Internet.
Donc, pour répondre aux internautes, je peux vous rassurer, George Lucas n’est pas devenu fou !
En fait, nous regroupons les différentes aventures de Indy chronologiquement. Donc cela commence bien entendu par les aventures du Jeune Indiana Jones pour continuer avec celles de Indy adulte, interprétées par Harrison Ford. D’ailleurs, dans ce classement, « le Temple maudit » se retrouve en premier, suivi des « Aventuriers de l’arche perdue » puis de « la Dernière croisade ». Ce n’est qu’un classement chronologique en vu d’un nouveau packaging pour la vente et les classements de nos vidéos.
Il est également question d’un « Indiana Jones 4 », êtes- vous au courant ?

Avec Harrison Ford dans le rôle titre ?

C’est là que se pose tout le problème, arriver à synchroniser les calendriers de George Lucas, Steven Spielberg et Harrison Ford. Il faut trouver et saisir le moment opportun, les quelques mois nécessaires au tournage. Mais vu les emplois du temps de ces personnages, la chose n’est pas si aisée.

Pour terminer cet entretien, maintenant que je connais votre engouement pour le cinéma SF, j’aimerai vous poser une question qui pique ma curiosité. Que pensez-vous du film plus expérimental et intimiste THX-1138 ?

Je suppose que vous parlez de sa version commerciale ?
C’est un film très particulier, très loin de l’univers Star Wars en effet. Très introspectif avec beaucoup d’idées et de qualités. Aussi bien sur le plan visuel que sur celui des thèmes abordés. C’est un vrai grand film de science-fiction. Pour moi, ce film est à part, un peu comme « Blade Runner ». Il y a toujours des images, des ambiances qui reviennent hanter mon esprit.
THX-1138 nous offre une vision d’un futur éventuel. C’est en quelque sorte une approche d’une possible réalité. Alors que Star Wars tient plus de la Fantasy que de la SF. Star Wars fait partie de l’imaginaire, du domaine du rêve. C’est avant tout un grand spectacle où il n’est pas nécessaire de chercher à théoriser mais plutôt comme un divertissement pour les grands enfants que nous sommes .... et que, d’ailleurs, j’espère rester encore longtemps.

Merci Steve.


Bruno Paul
27 octobre 1999



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