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Une Vie chinoise (T1) Le Temps du père
P.Otié et Li Kun Wu
Kana - Made In

Le dessinateur chinois Li Kun Wu, qui publie depuis une trentaine d’années en sa province du Yunnan, a fait appel à P. Otié, occidental féru d’Asie, pour canaliser et structurer ses souvenirs et, ainsi, brosser au fil de trois volumes le lent éveil chinois en une curieuse fresque intimiste, de la Longue Marche à l’irruption du pays dans le club plutôt fermé des maîtres économiques du monde...



En 1955, Mao-Tsé-toung est au pouvoir depuis 6 ans, il va le rester jusqu’en 1976. Et c’est en 1955 que naît Xiao Li, des œuvres du Secrétaire Li, cadre du Parti communiste et de sa très jeune mère Tao, paysanne séduite par son beau parleur d’époux. De façon pointilliste, selon une narration qui va son chemin de saynètes amusées en tranches de vie révélatrices, se dessinent en parallèle les jeunes années de ce Xiao Li qui pourrait bien être un double de Liu Kun Wu, et les grandes étapes de la saga d’une nation inféodée à un homme hors du commun, au point de passer pour un dieu : ce camarade Mao dont, avec le recul, on est bien près de croire que chacun de ses traits de génie aura correspondu avec un désastre d’envergure.

Car tout y passe, comme à la parade ou comme dans les pages enluminées d’un livre de propagande (un genre que le dessinateur connaît bien, pour l’avoir pratiqué durant des années de parfaite adhésion avec des idées en noir et blanc). Oui, tous les clichés et morceaux de bravoure se redéroulent sous nos yeux, à commencer par ce Grand bond en avant s’ouvrant sur un gouffre de disette et d’appauvrissement volontaires, suivi de cette campagne aussi plus tragique que bouffonne, baptisée « Supprimons les nuisibles », où toute une population d’adultes et d’écoliers entreprend d’éradiquer mouches, moustiques, rongeurs et moineaux.

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Et puis, sans jamais être à court d’idées-force, voilà que le Grand Timonier instaure un culte à Li Feng, héros du Peuple construit de toutes pièces, lequel prélude à ce chapitre parmi les plus consternants de l’Histoire chinoise : celui du sacre d’enfants endoctrinés, du nom de gardes rouges, qui de la culture ancestrale et des structures économico-sociales, font résolument table rase, laissant le pays exsangue et mûr pour une disette de plus : une de ces famines à rendre fou, au point de manger de la terre...

Là réside la force de conviction de ce livre d’images : transmuer les icônes d’une mythologie nébuleuse en la chronique bruissante de vie, d’espoirs déçus et toujours renaissants d’un homme et de sa famille, de leurs voisins et, de proche en proche, de tout un peuple asservi aux caprices du Parti à chaque âge de la vie : de l’école à l’armée, de l’armée à l’usine, pour qu’enfin les très vieux échouent sur un banc, à contempler les soubresauts de la nation en proie aux illusions...

Au total, un premier tome plus que prometteur, où le dessin stylisé et parfois approximatif de Li Kun Wu, proche de l’imagerie populaire autant que des clichés à la gloire de l’idéologie du communisme triomphant, confère une incontestable force de conviction. Les deux tomes suivants sont donc attendus avec une réelle impatience, alors même que la Chine ajoute chaque jour qui passe quelques pages mouvementées de plus à son Histoire en devenir.


Une vie Chinoise (T1) Le Temps du père
- Scénario : P. Otié
- Dessin (N/B) : Li Kun Wu
- Préface : Pierre Haski
- Éditeur : Kana
- Collection : Made In
- Dépôt légal : juin 2009
- Pagination : 254 pages
- Format : 17 x 24 cm
- Prix public : 19,95 €
- ISBN : 978-2-5050-0608-4


Illustrations : © Kana et les auteurs

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Alain Dartevelle
21 juillet 2009




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