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Prophets (T1) : Les Enfants de la Cité Maudite
SoFee L. Grey
Les Netscripteurs éditions, fantasy aventure, roman (France), fantasy, 409 pages, octobre 2008, 8,50€

Un guerrier, doté d’une arme étrange, traverse la grande île de Wenisland jusqu’à la cité maudite de Berccia. Là, il devra accomplir la mission que lui a confiée son seigneur, mais aussi, selon le souhait de son amante de princesse, s’adjoindre les services de six adolescents, redoutables guerriers entraînés dès leur enfance par un caïd de l’ancienne ville.

Une ville qui tient du champ de ruines en devenir. Écrasée par un soleil de plomb mortel, secouée de tremblements de terre, elle est la proie des monstres depuis sa chute durant une gigantesque insurrection populaire qui a tourné au massacre général. La loi du plus fort prévaut, et la mort guette à chaque rue. Mais les Six, en rupture de ban, y survivent sans amertume, la cité damnée par les dieux étant leur seul foyer. Et le désir de vengeance contre Falcone, leur ancien maître, demeure au premier plan. Néanmoins, l’arrivée du guerrier et sa proposition de le suivre hors des murs de Berccia sera tentante, tandis que la ville semble décidée à remporter la victoire sur les Hommes.



Bruno Paul nous en parlait il y a quelque temps, avant que j’hérite du volume.
« Les Enfants de la Cité Maudite » est le premier titre des Netscripteurs, et le premier volume d’une série. À ce double titre, il était prometteur. En fin d’ouvrage, un petit mot de l’auteure et de l’éditeur revient sur la genèse de ce livre. Les Netscripteurs font le pari de publier des auteurs jeunes et talentueux, qui se verraient refuser l’entrée de maisons d’éditions plus traditionnelles, et d’effectuer un véritable travail avec ces jeunes.

Beacoup de forme et... un peu moins de fond


Et c’est vrai que dès les premières pages, on sent que la barre a été placée très haut. La première phrase fait quatre mots, la suivante quatre lignes. Stylistiquement, il faut passer le premier chapitre pour se faire aux phrases à rallonges de SoFee L. Grey, ou abandonner, car la moitié du roman est écrit ainsi. Peu de noms sans un adjectif qualificatif voire épithète, et des virgules et des subordonnées à tour de bras. Même pour moi qui, vous l’aurez remarqué, suis adepte des phrases longues, il faut un temps d’adaptation à cette prose ultra-travaillée.
Néanmoins, ça nous change de la production habituelle d’auteurs prêts-à-lire, où le fond rattrape les faiblesses de la forme.

L’histoire de « Les Enfants de la Cité Maudite » fait un étrange contrepoint à son style très travaillé. Certes, ce n’est qu’un premier tome, mais il peine à convaincre de lire le second.
En effet, la majorité des pages met en scène nos six adolescents, leurs interactions et les nombreux combats auxquels ils se livrent. Si l’auteure sait manier une mise en scène efficace, avec une apparition progressive des héros, elle se refuse à nous dire grand-chose à leur sujet, lâchant parfois quelque information qui nous laisse deviner que tous ou presque sont de nobles orphelins des contrées voisines. Et une fois les 400 pages avalées (pas si facilement), on se demande si on a envie d’en relire autant pour en apprendre plus.
Le personnage du guerrier, Shoei, est plus intéressant. Son histoire avec Neya, une princesse aveugle, est racontée avec tant d’ellipses que je ne suis pas sûr de l’avoir comprise, mais qu’importe. Ses allégeances sont doubles, et il possède une sorte de fusil-laser qui laisse présager que nous ne sommes pas dans de la fantasy classique. Mais là encore, il faudra attendre la suite.
L’autre partie importante du récit, hors de Berccia, nous en apprend (heureusement) un peu plus sur l’intrigue générale. Un puissant seigneur cherche à ressusciter les dieux défunts, et il a pour cela besoin de sept sceaux et de sept clés, dont l’une est à Berccia. La quête du reste sera apparemment l’objet du tome 2, du moins est-ce l’avis de Shoei, qui en plus de la clé doit ramener avec lui les Six, que je pressens bien être les futurs avatars divins.

Des influences très adolescentes


Car les héros ont les stéréotypes de futurs dieux. Ils se battent déjà comme des héros de jeux vidéo, à tel point que dès le premier combat, ultra-chorégraphié, on a à l’esprit des images de “Final Fantasy” et autres productions de ce genre. Et de balayer l’imagerie un peu paysanne dispensée par la couverture de Krystal Camprubi, que contrairement à l’éditrice je trouve assez rebutante (surtout comparée au reste de ses oeuvres). On imagine nos ados vêtus de costumes sinon somptueux, au moins assez travaillés, dans le genre de mode rétro-futuriste et transculturelle à laquelle les productions vidéo-ludiques estampillées “Capcom” ou “Square/Enix” nous avaient appris à mesurer la concurrence. L’auteure semble hésiter entre cet héritage de sa génération et le souci de réalisme d’une accumulation hétéroclite et disparate de tenues plus populaires. Résultat : l’une de ses héroïnes se balade en robe fendue et une autre en corset et jupon.

Outre l’aspect vestimentaire, tous ont un regard d’acier, de feu ou d’argent, les filles une chevelure à la couleur d’un extrême improbable, les garçons des scarifications ou un air mystérieux. Et pour clore le portrait, leurs armes sont, sinon magiques, rehaussées de runes et d’argent, et chargées d’histoire (sûrement).

Le récit, vous l’avez vu, vite résumé, alterne entre combats où les Six massacrent à tour de bras sans encaisser plus que quelques écorchures, et des échanges typiques d’ados où on se chamaille, le petit rigolo de la bande lançant une première pique, les filles en pleine puberté se crêpant le chignon.
Les plus libidineux seront déçus que seuls quelques regards au milieu des péripéties finales dénotent une tension sexuelle entre ces jeunes orphelins qui se considèrent comme frères et sœurs. Mais rien de bien grave, nos mythologies sont pleines de dieux qui couchent entre eux. On saluera cependant l’analyse assez fine des rapports entre ados présentée par l’auteure, qui visiblement a quitté cet âge depuis peu.

Errances de jeunesse


Pour conclure, et malgré les défauts énumérés au-dessus qui sont ce que par expérience je sais être des excès de la jeunesse, « les Enfants de la Cité Maudite » est plus que bon. La langue est riche à la limite du surchargé, et malgré quelques tics (des mots comme “alentour” ou “prunelle” reviennent un peu trop souvent à mon goût), le style est bien supérieur à ce que les grands éditeurs de fantasy nous ont habitués.
L’action est au centre du récit, même si on accueillera avec plaisir quelques informations sur l’intrigue vers la trois centième page.
On passera outre le classicisme de l’intrigue de ce premier volume en espérant plus de rebondissements dans la suite, et que la forme ne prenne pas le pas sur le fond. L’éditrice Isabelle Marin nous promet en fin d’ouvrage un autre roman de SoFee L. Grey en plus du second tome à paraître (quand, là est la question, le présent récit ayant apparemment pris de longs mois à se finaliser).

Pour le prix modique de ce poche, je conseille à ceux que la plume alambiquée de China Miéville (dont j’ai récemment chroniqué le « Concile de Fer ») ne rebute pas de se laisser tenter, et d’encourager SoFee L. Grey à poursuivre ses efforts.

Acné juvénile


Finissons par la partie physique. Le dos du livre est assez dur, et j’ai cru plusieurs fois qu’il casserait. L’ouvrage manque de souplesse également au niveau de son papier, rigide et très blanc. La typographie employée, très sobre, donne la sensation de lire une sortie d’imprimante en Arial et pas un livre édité. Pas très engageant...
Enfin, probablement à cause d’un manque de personnel et du gros travail fourni par l’auteure et l’éditrice, il manque une solide relecture de la part d’un œil neuf sur ce texte, comme en témoigne la légion de coquilles relevées, et visibles dans le document ci-dessous.

Texte - 5.1 ko
Prophets 1 les enfants de la cité maudite - corrections

Titre : Les Enfants de la Cité Maudite
Série : Prophets, tome 1
Auteur : SoFee L. Grey
Couverture : Krystal Camprubi
Editeur : Les Netscripteurs éditions
Collection : Fantasy aventure
Site internet : Page roman, site de l’illustratrice et de l’association d’illustrateurs Art&fact
Pages : 409
Format (en cm) : 11 x 17 x 2,3
Dépôt légal : octobre 2008
ISBN : 978-2-9529994-0-3
Prix : 8,50 €



Nicolas Soffray
20 juin 2009


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