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Vampires
Estelle Valls de Gomis (directrice)
Glyphe Editions, Imaginaires, anthologie thématique, fantastique, 264 pages, avril 2008, 20€

Tout à la fois traductrice, illustratrice et dans le cas présent, anthologiste, Estelle Valls de Gomis, déjà auteur d’une thèse de doctorat sur le mythe du vampirisme à travers les âges, est cette fois la maîtresse d’œuvre d’une anthologie centrée sur son sujet de prédilection.

Loin des réalisations en vase clos, le trait marquant de cette entreprise est l’ouverture d’esprit, qu’il s’agisse de présenter le vampire dans tous ses états ou de convier une grande variété d’auteurs, confirmés ou non, à donner libre cours à leur imaginaire.



Pour l’épauler dans cette aventure fictionnelle et préfacer l’ensemble, Estelle Valls de Gomis fait monter au créneau celui qui depuis bien des décennies est l’incontournable spécialiste de tout ce qui touche aux suceurs de sang. Soit Jean Marigny, à qui trois pages suffisent pour résumer l’évolution historique du thème et mettre en évidence ses différentes formes fictionnelles, de l’humain bien vivant ou tout à fait mort à l’entité psychique ou à la bête -voire à la plante- assoiffées de la vie d’autrui.

Pour ressusciter ces cadavres et animer ces spectres, pour débusquer leurs intrusions dans la vie de tous les jours et de tous les rêves, pas moins de vingt auteurs font démonstration de leur science ou prescience vampirique.
Vingt auteurs, à commencer par les fort oubliés J.M. Rymer et T.P. Prest, ici exhumés avec les quatre premiers chapitres de “Varney le vampire ou le Festin de sang” (circa 1847), un roman-feuilleton anglais à l’atmosphère résolument gothique, censé avoir influencé le « Dracula » de Bram Stoker. Après quoi les portes de la nuit s’ouvrent à différents auteurs, confirmés ou non.

Difficile de rendre compte de chaque récit. Mais certains émergent, qui retiennent l’attention. Parmi eux, un jeune auteur paradoxalement nommé Jean Marigny, dont “L’Attente de l’aube” est un des premiers textes de fiction et qui passe de l’essai à l’imaginaire avec la maestria de qui a coutume de traverser les miroirs. Parmi eux également, on retiendra “L’horreur s’effondre si bien”, contribution de Denis Labbé, un Français du Nord qui puise dans la peinture flamande et dans les paysages de la Belgique toute proche les ingrédients de son fantastique alchimique. Avant “Morte”, un pur joyau d’exaltation romantique et de sensibilité exacerbée signé Sire Cédric, sur le motif pourtant périlleux d’un gardien de morgue tombé amoureux fou d’une de ses pensionnaires. Et avant “Le Sang du Temps”, où Lucie Chenu, mettant Nadar et Félix Faure en scène, confronte le réalisme photographique et les visées géostratégiques du président français aux désarrois de l’Impératrice Noire : une Sissi devenue disciple de Nosferatu, mais qui n’est peut-être pas la seule à cultiver le goût du sang…

À côté de ces points d’orgue, d’autres fictions, dues à des écrivains en devenir, valent mieux que le détour. C’est le cas du mystérieux Nicolas F.J. Bailly, dont “l’Après réflexion” démontre, l’air de n’y pas toucher, qu’on peut fort bien être le vampire de soi-même. C’est le cas d’Héloïse Jacob -“A Fool there was” (1915)- qui restitue avec une grande aisance sa fascination pour les vamps du cinéma d’antan, mesquelles transcendent le noir et blanc qui fait leur ordinaire par de brusques giclées écarlates. C’est encore le cas d’Olivier Gay, dont le “Souvenir des Carpathes” renouvelle à sa façon le thème des bijoux indiscrets.

Autant de voix qui se cherchent et se posent, comme on dit d’un chanteur, du concert desquelles émerge celle d’un grand ancien au coffre de ténor : Guy de Maupassant, dont “La Morte” oscille entre désespoir et ironie grinçante, au terme d’une grandiose visite d’un de ces cimetières nocturnes ensemencés de viande morte.

Bref, « Vampires » est un recueil qui oscille entre « sang neuf » et « bon sang ne peut mentir », réservant de vraies surprises au passage. Dont la moindre n’est pas “Les Secrets des Bêtes”, cette façon de parabole où Frédéric Mistral, qu’on connaît mieux en chantre de l’Occitanie, donne la parole à un lion, à un léopard et à un monstrueux reptile appelé cocadrille (l’ancêtre du crocodile) pour révéler un moyen inouï de vaincre les vampires. À savoir la consommation d’élixir du Dr Mariani, un vin à base de cocaïne qui faisait fureur en ce XIXe siècle où bien des médecins de l’âme –dont le jeune Sigmund Freud– vantaient les vertus de ce qu’ils considéraient comme un divin breuvage. Lequel, sans aucun doute, était leur pinte de bon sang à eux…


Titre : Vampires (nouvelles)
Préface : Jean Marigny
Auteurs : Estelle Valls de Gomis (directrice), Nicolas F. J. Bally, Géraldine Blondel, Charlotte Bousquet, Lucie Chenu, Guy de Maupassant, Sophie Dabat, Patrick Duclos, Franck Ferric, Caroline Gaillard, Olivier Gay, Héloïse Jacob, Denis Labbé, Léonor Lara, Meddy Ligner, James Malcolm Rymer / Thomas Preskett Press, Jean Marigny, Frédéric Mistral, Tonie Paul, Sire Cedric
Couverture : Sébastien Bermès
Éditeur  : Éditions Glyphe
Collection : Imaginaires
Site Internet : page recueil (site éditeur)
Pages : 264
Format (en cm) : 24 x 16 x 2,2
Dépôt légal : avril 2008
ISBN : 978-2-35285-034-2
Prix public : 20 €
Prix internet : 19 €



Alain Dartevelle
13 juin 2009


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