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Abracadagascar
Ménéas Marphil
Au Diable Vauvert, Jeunesse, fantasy, 438 pages, août 2008, 18€

Un orphelin qui découvre qu’il est le fils d’une grande magicienne, un ami fils de professeur qui lui fait découvrir ce monde merveilleux et enchanté, la menace d’un mage noir dont il vaut mieux éviter de prononcer le nom, une école toute magique dans un arbre ensorcelé gigantesque, des créatures fabuleuses, une ancienne prophétie dont il est l’élu…

Non, ce n’est pas Harry Potter. C’est Epiphane, dit Piphan’, le héros de Ménéas Marphil. Transposez un petit sorcier de l’Angleterre à une île paradisiaque du Pacifique, changez les Moldus en Moazis, les Mange-morts en Dahals et Voldemort en Sarpédon, et vous obtenez « Abracadagascar ».



J’ai été tenté, et je l’ai d’ailleurs fait, dans un premier jet de cette critique de comparer « Abracadagascar » à la saga Harry Potter. J’en suis arrivé à trois pages, entre les similitudes grosses comme une maison (Ron est devenu Kaylé, le Chemin de Traverse a déménagé dans le Grand Bazar de l’Orient, Poudlard le château magique aux pièces qui bougent s’est changé en Arbre-Mère à la croissance parfois phénoménale…) et des emprunts à peine moins évidents.

La lecture de ce premier tome de « la Fabuleuse Histoire des lunes de Pandor » laisse en effet un amer goût de « sous-Harry Potter ». Si quelques bonnes idées ne sont pas négligeables (l’école favorise l’émulation et l’échange au lieu de se calquer sur le système éducatif occidental des classes) mais hélas pas ou peu développés, le reste fait bien peine à voir.

L’intrigue est cousue de fil blanc, et dès le début on se doute très fortement que le presque jumeau de Piphan’ à l’orphelinat est bien son frère. Et ô surprise, le grand méchant est leur père !
Je plaisante… il n’y a pas de surprise, c’est d’une évidence flagrante à la lecture, mais l’auteur nous fera quand même patienter 400 pages avant de le confirmer. D’autres ressorts sont à pleurer, ou d’un illogisme à faire peur : on révèle aux enfants la formule du sort de destruction ultime dès la page 174, bien avant leur arrivée à l’école…

Malgré une richesse des personnages, la psychologie des adolescents est proche de zéro. Si Piphan’ n’a d’yeux que pour une belle inconnue, entre sa camarade « première de la classe » et l’autre « pas si nunuche que ça », façon Hermione coupée en deux, l’auteur n’ouvre pas la moindre piste.
Idem pour tous ces autres ados d’une quinzaine d’années, stéréotypés, coincés dans leur rôle défini par leur famille ou leur origine. Certains, comme P’tit Florit ou Salomon Flamel, tirent un peu leur épingle du jeu, mais le mystère qui entoure ce dernier est trop vite dévoilé.

Ménéas Marphil noie également son lecteur sous les amalgames mythologiques, mélangeant le monde classique gréco-romain avec les dieux gaulois, dans une soupe très personnelle et assez indigeste pour qui, comme son héros, aime la mythologie. Paradoxal !

On regrettera des incohérences internes. Par exemple, les mages noirs utilisent l’informatique, ce que les blancs réprouvent tout en organisant leur arbre avec du code numérique. Ainsi Piphan’ loge « BM-13, B1-19, Ram 39 à 59 » (page 283), soit dans la branche maîtresse numéro 13, branche auxiliaire (admirez le terme très nature) 19, dans les ramifications 39 à 59. Lecteurs de « Tobie Lolness », fuyez !

Le style est bien peu maîtrisé : on passe du récit autour du feu à une narration omnisciente classique, mais un vocabulaire oscillant entre très familier, avec des « ça lui foutait la trouille » alternant avec du langage soutenu. Je ne suis pas contre le fait que les personnages s’expriment comme des ados (c’est d’ailleurs le cas, et assez bien rendu), mais le conteur-narrateur absent fait de grands écarts, contaminant parfois ses héros.
Ajoutez à cela une grosse louche de fautes grammaticales, visibles dans le document ci-dessous.

Texte - 4.9 ko
Corrections sur Abracadagascar


Le bestiaire fabuleux et les décors magnifiques des îles ne suffisent pas à maquiller le tout. Ce roman serait arrivé avant « Harry Potter », il aurait été bon. Il a dix ans de retard, et son public a grandi et mûri depuis : les ados de l’âge du héros n’accrocheront pas au côté « bon enfant » qui saupoudre le tout (même lorsqu’ils parlent d’égorger les enfants, les méchants n’ont pas l’air méchants). Les plus jeunes, déjà plus matures que les personnages, accrocheront peut-être à l’univers, mais ce n’est pas là un ouvrage qui les marquera autant qu’Harry Potter.

Concluons que ce premier tome se clôt bêtement, par une petite fugue du héros, avant de se poursuivre immédiatement dans « le Sceau de Cyané ».


Titre : Abracadagascar
Série : La Fabuleuse Histoire des lunes de Pandor, tome 1
Auteur : Ménéas Marphil
Couverture et illustrations : Didier Graffet
Editeur : Au Diable Vauvert
Site Internet : fiche du roman
Pages : 438
Format (en cm) : 13 x 20
Dépôt légal : août 2008
ISBN : 978-2-84626-164-7
Prix : 18 €



Nicolas Soffray
3 juin 2009


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