Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Domestiques (Les)
Michael Marshall Smith
Bragelonne, Milady, Terreur, roman, traduit de l’anglais (GB), fantastique, 286 pages, février 2009, 6€

Dès son premier livre traduit en français, Michael Marshall Smith s’est imposé dans notre pays.
« Avance Rapide », publié directement en poche, a su marquer les esprits par son souffle et son inventivité. D’ailleurs ce roman de SF a connu une réédition en grand format chez Bragelonne. Un parcours atypique pour un livre !
Le suivant, « Frères de Chair », n’a pas fait mentir ceux qui voyaient en lui un grand écrivain de notre genre de prédilection.
Il a aussi opéré une entrée fracassante dans la littérature générale, avec des thrillers comme « Les Homme de Paille », « Les Morts Solitaires »… publiés sous le nom de Michael Marshall. À la façon de Iain M. Banks, il fait le distinguo entre littérature générale et de genre.

Un nouveau roman, de surcroît directement en poche dans la collection Milady de Bragelonne, ne peut qu’être une aubaine, aussi bien par le talent de l’auteur que par son prix modique.



À l’inverse de beaucoup d’auteurs, Michael Marshall Smith n’a pas besoin de 500 pages pour développer une histoire et marquer les esprits. « Les Domestiques » comptent moins de 300 pages et c’est agréable de nos jours de ne pas tenir un pavé entre les mains. Comme si le talent se mesurait à l’épaisseur d’un livre !

Le personnage principal, Mark, a onze ans et perdu tous ses repères. Sa mère semble souffrante, elle s’est remariée et, avec son beau-père, ils sont tous partis vivre dans une maison à Brighton, une ville morte en comparaison de Londres. Mark ne va pas à l’école, n’a pas de copain, seule la pratique en solitaire du skateboard l’occupe un tant soit peu. Bref il s’ennuie et se sent délaissé par sa maman qui n’a plus la force de sortir, sans qu’il comprenne vraiment cette attitude. Il n’aime pas David, son beau-père qui a remplacé son père. D’ailleurs il ne cherche pas à mieux le connaître, c’est surtout la rancœur (David ne lui ramène que trois cannettes de Coca Light, il préfère la nourriture mexicaine à la chinoise) qui guide sa conduite envers cet adulte rentré dans son existence.
La rencontre avec la vieille femme habitant dans les sous-sols de leur maison le sort de ses mornes journées. Avec elle, il découvre un monde inconnu : celui des domestiques qui, dans le temps, étaient au service des maîtres des lieux. Lors d’une visite, elle explique à Mark comment les choses fonctionnaient à l’époque. Mark se sent attiré par ce territoire inconnu, fermé par une porte dont elle range la clé dans un tiroir.
C’est alors que des évènements étranges lui arrivent…

Servie par une écriture limpide, sans fioriture, comme s’il voulait l’adapter à l’âge de Mark, Michael Marshall Smith écrit une histoire accessible à tous les publics. Publié dans la collection Terreur de Milady, c’est plus une touche d’étrange qui se dégage de « Les Domestiques ». On n’éprouve jamais de peur, non, on est plutôt intrigué par l’apparition d’un monde qui devrait rester inaccessible à Mark, celui d’un passé révolu où les domestiques s’occupaient de la maisonnée, tout en restant dans l’ombre. Alors que leur présence s’affirme un peu plus à chaque fois que Mark franchit la porte ouvrant sur leur domaine, leur univers se dégrade. Pendant ce temps, la mère de Mark abandonne toute envie de quitter l’étage de la maison. Pas de sortie au restaurant, ni dans les boutiques.
Le skateboard toute la journée perd de son intérêt, surtout sous la pluie, alors cet univers étranger l’attire. Pourquoi existe-t-il ? Pourquoi se couvre-t-il de crasse et pourquoi l’ambiance tourne-t-elle à la crise ?

Entre réalité et fantastique, la vie de Mark oscille. Sa mère devient toujours plus faible. Bizarrement, les rapports avec David s’améliorent. Par petites touches, l’auteur montre les changements. La scène où David explique à Mark pourquoi il ne ramène pas plus de Coca Light à chaque fois qu’il revient des courses le marque aussi bien que nous. L’explication est simple et pourtant si surprenante.

Michael Marshall Smith sait rendre l’atmosphère de malaise dans laquelle se dépêtre Mark et faire évoluer l’intrigue terre-à-terre des débuts vers quelque chose d’étrange, sans que le but ne soit clairement établi. Même si, via le parallèle du déclin de sa mère et celui de l’univers des domestiques, la fin est somme toute prévisible, l’intérêt ne faiblit jamais.

De la tendresse filtre au travers de ce livre, le destin ne semble plus aussi inéluctable, car certaines personnes veillent dans l’ombre.
C’est beau, touchant, une preuve de plus du talent de Michael Marshall Smith.
Pour l’occasion, il adapte son style au récit, qui en est magnifié.

Un inédit de cette qualité à 6 euros ! Une opportunité à saisir !
En plus, l’esthétique extérieure est particulièrement réussie, un souffle de mystère se dégageant de ce trou de serrure.

Avec « Les Domestiques », Milady entame sa politique d’un inédit par mois en collection Terreur. De bons débuts qui, espérons-le, présagent de futures belles découvertes.
Par contre, les lecteurs à la recherche de sensations fortes s’étonneront de le trouver justement dans cette collection, car il convient aussi à un public plus jeune.


Titre : Les Domestiques (The Servants, 2007)
Auteur : Michael Marshall Smith
Traduction de l’anglais (GB) : Julien Simon
Couverture (souple) : Anne-Claire Payet
Éditeur : Milady - Bragelonne
Collection : Terreur
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 286
Format (en cm) : 17,8 x 11,1
Dépôt légal : février 2009
ISBN : 978-2-8112-0098-5
Prix : 6€



François Schnebelen
20 mars 2009


JPEG - 20.7 ko
Illustration d’Anne-Claire Payet



Chargement...
WebAnalytics