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Putain de Guerre (T1)
Jacques Tardi
Casterman

Jacques Tardi a été marqué par l’atrocité du premier conflit mondial, au point de souvent retranscrire cette horreur dans son œuvre. Son grand-père a connu les tranchées, peut-être est-ce près de lui qu’il a connu les premiers terrifiants échos de la grande boucherie ? Des échos qui ne sont pas ceux des politiques ou de la propagande que pose une société policée sur son histoire. Avec Tardi, c’est le regard d’un homme qui se place près des malheureux qu’on envoie dans la tranchée pendant que les décideurs calculent leurs intérets sans se soucier des vies sacrifiées.



Il y a déjà pas mal d’années, il avait créé le personnage de Lucien Brindavoine, revenu des terribles champs de bataille digérer sa sale guerre dans les aventures d’Adèle Blanc-Sec. 
Au moment de célébrer le 90e anniversaire de l’Armistice, c’est avec ce “Putain de guerre” qu’il nous montre, de manière chronologique, ces terribles années qui fauchèrent la jeunesse de tant de pays.

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© Tardi, Verney et Casterman (2008)

Il renoue avec l’approche qu’il avait posée sur 14-18 dans “C’était la guerre des Tranchées”, livre choc resté une sacrée référence (Casterman, 1995)

Dans ce nouvel album, on suit un ouvrier tourneur parisien qui, comme beaucoup de français endoctrinés par 40 ans de discours revanchards envers le boche, vont partir la fleur au fusil botter le cul à ces voisins tant honnis. Les discours des politiques, enseignants et autres callotins ne pourront pourtant pas masquer la réalité : ce conflit va durer et le peuple n’y sera considéré que comme de la chair à canon. 1914, 1915,1916 passent ainsi au long des planches de Tardi, toutes bâties par séries de trois images en pleine largeur.

Appuyé sur le récit de l’historien Jean-Pierre Vernay (avec un très intéressant cahier en fin d’album), Tardi y va de se gouaille anti-militariste, anti-cléricale, il crie sa révolte en suivant pas à pas ce jeune homme dans sa plongée vers l’enfer. La piétaille part joyeuse et se voit déjà éclusant une bière sur l’Alexanderplatz après avoir fait bouffé leurs casques à pointe en cuir bouilli aux Allemands. Ces derniers sont élévés au rôle d« élus pour civiliser le monde et missionnaires du progrès humain », dixit leur Kaiser. Chacun est prêt pour bouffer l’autre avec la plus parfaite des rancunes agrippée au moule du passé. Tout va très vite mal tourner pour cette armée française équipée à l’ancienne, risée des Britiches autrement plus professionnels. La bataille de la Marne précède la guerre de position, chaque côté s’enterrant à qui mieux mieux : « nous étions devenus des terrassiers occupés à aménager consciencieusement leurs propres fosses communes » .

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© Tardi, Verney et Casterman (2008)

La guerre s’embourbe, cadencée par les tirs des artiflots qui balancent depuis l’arrière, histoire de réduire « en bouillie de barbaque et de boue, os brisés, chairs mises à nu, corps disloqués, débris humains pas regardables... l’horreur ! » . Toute cette année 1915 s’écoule, au fond des trous, dans une misère effroyable, dans ce froid et la boue que vont rejoindre Indiens et Sénégalais, si fiers de pouvoir mourir pour la patrie !!
1916 et Verdun, la guerre s’industrialise de plus en plus, c’est du lourd qui s’abat sur Douaumont et Vaux que les Allemands n’auront pas, mais à quel prix !
« A Verdun, les Allemands n’étaient pas passés, dans la Somme, les Anglais n’ont pas percé ». La grande faucheuse, elle, s’est régalé !
- Verdun (21 février - 15 décembre 1916 : 163 000 morts français et 195 000 blessés ; 143 000 morts allemands et 180 000 blessés.
- Bataille de la Somme (1er juillet - 15 novembre 1916) : 206 000 morts britanniques et 213 000 blessés ; 66 000 morts français et 130 000 blessés ; 270 000 morts allemnands et 135 000 blessés.
Les immenses tombeaux de cet horrible conflit ne cessent de s’emplir. Les fronts ont peu évolué, 1916 est sœur de 1915, les souffrances sont énormes mais chaque camp espère encore une victoire décisive.
Et Jean-Pierre Vernay de conclure le dossier par cette phrase si accablante : la douleur, le sacrifice et la mort ne sont pas toujours reconnus et appréciés par ceux qui commandent et qui gouvernent. 1917 en apportera une profonde et douloureuse illustration.

Ce livre est unique comme l’est l’œuvre de Tardi. Que vous l’abordiez dans ce format album ou que vous vous procuriez la formule en trois journaux qui l’a précédé, il est un témoignage d’une incroyable force et d’une grande justesse historique sur un conflit où l’humanité a été très lourdement bafouée.
C’est un putain de bon livre à méditer et à faire lire à tous.


Putain de Guerre (T1) 1914 - 1915 - 1916
- Auteurs  : Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney
- Dessin et couleurs : Jacques Tardi
- Éditeur : Casterman
- Collection : Univers d’auteurs
- Dépôt légal : 18 novembre 2008
- Format : 243 x 320 mm
- Pagination : 46 pages couleur
- Prix public : 16 €
- Numéro ISBN : 9782203017399

« Putain de Guerre » a été pré-publié sous forme de trois journeaux de 20 pages vendus 2,50 € l’exemplaire.


Illustrations© Tardi, Verney et Casterman (2008)



Fabrice Leduc
14 février 2009




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Putain de guerre (T1)



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1914, en journal de 20 pages.



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“C’était la guerre des Tranchées”



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Lucien Brindavoine au cœur de la tourmente...



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... puis dans les aventures d’Adèle Blanc-sec



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