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Âmes sans Nom (Les)
Xavier-Marie Bonnot
Belfond, coll. Roman Policier, roman (France), policier - monde celtique, 428 pages, janvier 2009, 20€

Pierre Martel, officier de la DST infiltré dans un quartier de Marseille supposé être sous influence islamiste, est retrouvé assassiné après avoir été torturé selon ce qui semble bien être un ancien rituel celtique.
Quand la PJ se penche sur le drame, elle découvre que la mystérieuse affaire plonge sans doute ses racines dans le contexte politico insurrectionnel généré par l’affrontement que livra l’IRA au gouvernement britannique dans les années 80...



Xavier-Marie Bonnot dresse, depuis plusieurs années, une fresque policière centrée sur un officier de la Brigade criminelle de Marseille, Michel De Palma dit le Baron.
Le gars, plutôt normal par ailleurs, n’a évidemment plus l’âge ni l’envie de faire les courbettes que suggère l’époque, il est passablement détesté par un supérieur, très apprécié par d’autres, respecté de ses collègues, mais aussi du milieu, aime l’opéra, etc.

Après deux ouvrages de nouvelles et trois romans édités par “L’Écailler du Sud” (« La Première Empreinte », « La Bête du Marais », « La Voix du Loup ») dont les deux premiers ont déjà été repris en poche chez Pocket, l’écrivain aborde un sujet complexe et original (une habitude) que l’on n’attendait pas. « Les Âmes sans Nom » est aujourd’hui publié par les éditions Belfond.
Ainsi, il inscrit une enquête contemporaine (un meurtre mystérieux, un ancien rituel celtique, le tout à Marseille !) dans un contexte politique étranger (la lutte de l’IRA dans le nord de l’Irlande) et lie l’ensemble sur les bases d’une épopée d’officines de renseignements, rendant mon tout profondément crédible.
Récits à base de nombreux flash-backs narratifs vers les années 80 qui envoient aussi bien le lecteur de Marseille à Belfast en passant par Paris, l’écrivain prolonge son raisonnement par une étude assez sérieuse de la question irlandaise et de nombreuses références historiques (sans une once d’erreurs).

C’est très bien écrit, parfaitement senti, sans effets de manche particuliers, souvent touchant et émouvant et le suspense global de l’histoire est suffisamment étudié pour ne pas apparaître évident ou dévoilé avant les vingt dernières pages.

Paramètres de lecture intéressants, l’ambiance marseillaise est d’une réelle vivacité, mais c’est surtout le traitement de toutes les informations ciblées sur la verte Eirin qui est épatant. Pour qui connaît ce pays et son histoire, il est assez troublant de constater à quel point Xavier-Marie Bonnot a su saisir à la fois l’essence d’un problème tout en ne tombant pas dans la facilité. De même, ses descriptions sont d’une très grande justesse et pour peu que l’on ait traîné ses chaussures dans certaines villes -et mêmes villages- évoqués, on percute à la seconde précise sur les détails locaux proposés (un magasin, un pub, une rue, un paysage, etc.). S’il n’y a pas du vécu là-dedans, j’en perds mon gaélique !

Roman d’une belle maîtrise et archétype de ce que l’on attend d’un polar mature et intelligent, cet « Âmes sans Nom » s’avère à lire pour les nombreuses raisons évoquées. Les passionnés d’univers celtiques légendaires et les accrocs de la question historique y trouveront même quelques passages laissant la place au rêve et à l’imaginaire fantastique (un mystérieux tueur qui ne se voit pas sur des photos où il est censé être).

Bref, voilà ce que l’on attend d’un bon bouquin en 2009 : 425 pages serrées et denses où l’imagination peut croître dans un univers on ne peut plus réaliste et cultivé.

Stéphane Pons

UNE AUTRE CRITIQUE

Plus que la simple étiquette de « polar marseillais », le quatrième roman de l’auteur continue à explorer un genre délaissé, celui du roman de procédure policière. Mais pour son passage chez Belfond, il élargit son horizon en brassant vingt années de lutte politique et d’antiterrorisme. Un tableau pas toujours reluisant…

Certes, on a trop tiré sur la corde du polar dit « du Sud », mais tout comme Marcel Gouiran, qui explore la riche histoire de Marseille, Xavier-Marie Bonnot écrit plutôt des romans qui se passent à Marseille : une grande ville est une grande ville, avec ses crimes et ses zones d’ombre, et si on a droit à l’éternel lexique, on cherche moins l’exotisme avé l’assent à tout crin.

A sa façon, et ce dès son premier roman qui entama son cycle consacré au commandant Michel De Palma, l’auteur rejoint plutôt une vieille tradition, celle du flic plus grand que nature : nul doute qu’en son temps, le Baron eût été interprété par un Lino Ventura ou un Belmondo, encore que Richard Berry s’en rapproche dans l’injustement passé inaperçu « Les Insoumis ».

Des romans d’homme, est-on tenté de dire, si ce qualificatif n’était devenu péjoratif, bien dans la tradition de l’ancienne Série Noire et néanmoins ancré dans l’actualité. Or on le sait, les séries policières -bonne ou mauvaises- ont beaucoup nuit au polar en répétant à l’infini tous ses grands principes. Il est bien difficile aujourd’hui de traiter d’un groupe de flics sans être dans l’ombre d’un « Navarro » et consorts… Dès son premier et remarqué roman « La Première Empreinte » (prix Rompol 2003), Bonnot fait la différence par son goût des intrigues complexes, retorses, et pourtant crédibles. Là, il y ajoute un angle nouveau qui est celui d’une documentation éblouissante.

Sans jamais nuire à son intrigue, Bonnot dévoile tout un pan souterrain de l’histoire, des magouilles de la DST en passant par d’étranges collusions entre extrémistes bretons et autorités nazies. Vertigineux !

Bonnot fait preuve de la même retenue en parlant du terrorisme, sujet épineux s’il en est : loin des hystéries mussoliniennes à la mode, son texte a la teneur d’un constat froid, sans manichéisme, où la violence ne peut qu’engendrer la violence, jamais la justice, et où cet engrenage implacable brise des vies aussi bien innocentes que (plus ou moins ) coupables, à travers le beau portrait d’une égérie révolutionnaire à qui il ne restera plus beaucoup d’idéaux à la fin de son voyage.

Le tout dans une langue épurée et âpre qui, malgré la taille du livre, va directement à l’essentiel. On regrettera juste le défaut récurrent de l’auteur : ne pas assez mettre en valeur les enjeux principaux et les charnières du récit, nécessitant une certaine attention pour ne pas être largué. Simple pinaillage pour un digne représentant du sous-genre de la procédure policière.

Thomas Bauduret


Titre : Les Âmes sans Nom
Auteur : Xavier-Marie Bonnot
Couverture : Sargologo (© photo : Sygma/Corbis)
Éditeur : Belfond
Format (en cm) : 22,5 x 2,5 x 13,7 (broché)
Pages : 427
Dépôt légal : janvier 2009
EAN : 9 782714 445285
ISBN : 978-2-7144-4528-5
Prix : 20€



Stéphane Pons
Thomas Bauduret
13 janvier 2009


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