Je l’avoue, depuis le premier tome (“Les Éphémères”), “Trois... et l’Ange” est une série addictive. Et ce, pour plusieurs raisons.
Le scénario de Jean-David Morvan est foncièrement original tout en s’intégrant dans un canevas classique (des êtres humains qui rêvent d’être normaux, mais ont en eux un don exceptionnel et étrange) et le dessin de Pedro Colombo bénéficie incontestablement d’une « patte » personnelle.

Au rayon de l’histoire, nous retrouvons la petite Garance devenue grande avec ses amis aux étranges pouvoirs. Alors qu’elle apparaît toujours dans les souvenirs des inconnus qu’elle croise, Hugo est lui capable d’entrer dans l’esprit des gens avec qui il fait l’amour et Dominique dispose toujours de deux corps pour un seul esprit (ce qui fait que l’un des deux est toujours à l’arrêt quand l’autre est en action).
Il y a aussi l’Ange déchu qui a besoin de notre trio pour tenter de retrouver le chemin du paradis.
Mais ce n’est pas tout, c’est dans “Double Vie” que nous allons en savoir un peu plus sur le passé de Garance, de sa conception à sa petite enfance.
Et puis... Et puis surgit une étrange vieille dame que seules les personnes qui vont mourir sont capables de voir. Néanmoins...

Album réussi et contrat rempli, tout comme dans les deux premiers opus de la série (qui semble partie pour fonctionner via un enchaînement de dyptiques), l’intrigue est d’une grande densité et rebondit sans cesse. Quasiment à chaque page, l’improbable peut survenir... et survient souvent.
Côté graphisme et dessin, on avoue aussi une grosse faiblesse pour le trait apparemment simple de Pedro Colombo. A priori, rien d’inédit sauf que...
À grands coups de perspectives imaginatives, de choix risqués et toujours grâce au traitement ambitieux porté sur les expressions des visages, un univers fantastique émerge. Quant aux yeux de Garance (et d’autres personnages), ils sont véritablement un des très grands succès de cette BD. Au point que l’on oublie souvent de regarder le reste du visage pour ne centrer son attention que sur les regards.
Une petite retenue cependant, le traitement des couleurs (Marie Galopin) mériterait un travail plus approfondi des nuances de tons. Je confesse qu’à titre personnel, ses arrières plans souvent uniformes me fatiguent un peu. Est-ce un choix des auteurs (pas d’infos sur le sujet) ? Mais je persiste à penser que l’histoire et le graphisme proposés ont besoin d’ambiances plus naturelles et “fondues”. L’âpreté (l’acidité ?) nécessaire du dessin est suffisante pour ma part, sans besoin d’en rajouter dans l’absence de nuance.

Exemple parfait de ce qu’une bonne BD peut offrir en termes de sensations (et de création), on ne peut que conseiller avec plaisir “Trois... et l’Ange”, tout en prévenant le lecteur moyen qu’il risque bien de sortir des canons commerciaux du genre et que la lecture de cette série nécessite un petit temps d’adaptation.

N’empêche que tout cela est (depuis le début) de qualité et mérite de rencontrer un lectorat fidèle.

Doubles Vies
Série : Trois et l’ange Titre (T3)
Volumes précédents : Les Éphémères (T1), Jusqu’au Dernier (T2)
Scénario : Jean-David Morvan
Dessin : Pedro Colombo
Couleurs : Marie Galopin
Éditeur : Dargaud
Site Internet : fiche série & BD (site éditeur)
Parution : le 24 octobre 2008
Pages : 48
Format (en cm) : 30 x 22,4 (quadrichromie, couverture cartonnée)
Code prix : DA03
EAN : 9 782505 000754
ISBN : 978-2-5050-0075-4
Prix : 10,40€

  Illustrations et photo : © Dargaud, Pedro Colombo, Jean-David Morvan & Rita Scaglia (2008)