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Grand Livre de Mars (Le)
Leigh Brackett
Le Bélial, Omnibus, romans et nouvelles, traduction (anglais, USA), science fantasy, 640 pages, juin 2008, 25€

Ils s’appellent Matt Carse ou Eric John Stark, héros tout à la fois taciturnes, sans pitié aucune et séduisants, ils sont sur la planète Mars, vont partir à l’aventure (un peu malgré eux, mais « c’est leur destin ») et rencontrer d’anciennes civilisations.

Une grande dame de la SF, Leigh Brackett, s’inscrit dans la droite filiation d’Edgar Rice Burroughs tout en re créant un univers flamboyant et poétique, totalement fascinant et différent.

Un bouquin à lire et à relire régulièrement, tant on ne peut s’en détacher facilement.



Faites un test. Prenez un bouquin lambda, lisez en les deux ou trois premiers chapitres et, quelles que soient vos premières sensations, laissez tomber l’affaire illico !
Si un bon mois plus tard, certains images suscitées par ces pages vous collent encore à la mémoire, vous tenez assurément un truc qui sort de l’ordinaire.

Les hasards de la vie et des lectures sont parfois étranges et rieurs. Bien qu’avec mon éminent collègue, Henri Bademoude, nous soyons parfois en grands désaccords, il n’arrive que très rarement que nos opinions ne concordent point sur certains « grands » auteurs.
Ainsi en est-il de Leigh Brackett, amie de Ray Bradbury -il la veillera d’ailleurs sur son lit de douleur jusqu’à ses derniers instants- épouse puis veuve de l’écrivain Edmond Hamilton, scénariste brillante de films comme « Le Grand Sommeil », « Rio Bravo » ou de « Star Wars - L’Empire Contre-Attaque ». Mais aussi écrivain talentueuse et créatrice d’univers SF et martiens totalement passionnants.
Alors que la rubrique Délices et Daubes avait déjà signalé l’impact de la Dame dans son numéro 105, il y a très peu de temps, mon chroniqueur maison préféré revenait sur le sujet via les aventures vénusiennes (cf. Délices et Daubes n°129, « La Vénus des Fourties »).

Étrangement et simultanément, je me plongeais enfin dans « Le Grand Livre de Mars », ré édition intelligente et courageuse made in Le Bélial (juin 2008) de trois romans (« L’Épée de Rhiannon », « Le Secret de Sinharat », « Le Peuple du Talisman ») et cinq nouvelles regroupées sous le titre « Les Terriens Arrivent ». Gage de sérieux, les traductions ont été intégralement et minutieusement relues et revues par Pierre-Paul Durastanti et Olivier Girard.

Une belle préface de Michael Moorcock ouvre l’objet (650 pages). Elle en dit déjà beaucoup en peu de mots sur l’importance du phénomène Brackett sans que l’on ait à se poser d’oiseuses questions tant l’érudition du créateur du “Multivers” est importante en terre SF.
Leigh Brackett était une reine de l’enchantement, une conteuse hors pair doublée d’une styliste aux doigts ailés. Son influence en littérature SF est majeure, les quelques exemples cités en sont de parfaites démonstrations.
Sa prose, ses histoires, ses personnages portent en eux bien plus que les fondations d’un genre (la science fantasy, paraît-il) dont on se fiche un peu.

Ses récits respirent la vie, prennent le lecteur à bras le corp et ne le lâchent pas. Grandeur et luminosité de son imaginaire, rien ne dépasse ou ne choque. L’alternance des séquences de dialogues avec les scènes d’action démontrent un sens de l’équilibre avéré. Quant aux passages plus descriptifs (les paysages, les civilisations croisées, les ambiances), elles sont des témoignages passionnés, une ôde aux réveries d’outrespace, d’une grande poésie.
Certes ses héros ne sont pas obligatoirement des hommes que l’on aimerait croiser en duel. Sans pitié ni remords particuliers, mais archétypes de l’homme viril doté d’un vrai cerveau, ils n’en sont pas moins des êtres globalement bons.
On pense rétrospectivement et évidemment à John Carter et au « Cycle de Mars » de E. R. Burroughs, mais là où la luxuriance débridée et le poids de l’action pour l’action de son précurseur en terre martienne masquait la répétitivité de son canevas narratif musclé, Leigh Brackett règle le même problème tout-à-fait différement. Car elle aussi écrit toujours un peu le même livre, la même histoire (comme tous les grands), mais si bien, avec tellement de grâce et de sensibilité que ce sont les bruissements des voiles de ses héroïnes, le sable rouge qui s’éparpille dans de lointains déserts, d’obscurs lieux ou objets qui auraient du disparaître des mémoires (liste non exhaustive), qui émerveillent et focalisent l’attention.
Non pas que les histoires manquent d’originalité, loin de là. Entre action guerrière et révélations d’anciens mystères, on ne s’ennuie pas un instant.
Il y a aussi de l’inventivité à revendre dans ces écrits.
Néanmoins, tout à la fois si loin et si proche du bruit et de la fureur des territoires explorés, Leigh Brackett diffuse un sentiment étrange, situé entre la mélancolie obligatoire qu’un monde inconnu et disparu à jamais engendre forcément et le plaisir de la découverte qu’il suscite d’évidence.

Cette édition en propose le meilleur, doublant le plaisir du lecteur via une intéressante étude de Charles Moreau et de l’habituelle et minutieuse bibliographie concoctée par Alain Sprauel. Très belle illustration de couverture de Jean-Sébastien Rossbach (prix Artefact 2008) à souligner aussi.
Par ailleurs, il convient de signaler ici le remarquable travail des éditions Le Bélial qui à l’image de l’intégrale de « La Planète Géante » de Jack Vance, des deux tomes de nouvelles de « La Patrouille du Temps » de Poul Anderson ou du volume consacré à la trilogie de « Ceux de la Légion » de Jack Williamson savent reconnaître les grands anciens et les publier avec les honneurs qu’ils méritent depuis longtemps (que Pierre-Paul Durastanti et Olivier Girard soient donc cités une nouvelle fois et remerciés pour leur remarquable boulot).

Beau bouquin, belle littérature, grands moments de distraction intelligente, à mille lieux des aventures convenues de la production fantasy et SF contemporaine, une grande romancière rêvait : voyage assuré.

Achat et lectures impératifs, « Le Grand Livre de Mars » de Leigh Brackett doit apparaître dans toutes les bonnes bibliothèques.

Titre : Le Grand Livre de Mars (2008)
- « L’Épée de Rhiannon » (The Sword of Rhiannon, 1953), « Le Secret de Sinharat » (The Secret of Sinharat, 1964), « Le Peuple du Talisman » (The People of the Talisman, 1964) et cinq nouvelles regroupées sous le titre « Les Terriens Arrivent » (The Coming of the Terrans, 1967)
Auteur : Leigh Brackett
Traductions : Pascale Aubignan, Amélie Audiberti, Michel Deutsch, Jean Laustenne
Textes français revues par : Pierre-Paul Durastanti, Olivier Girard
Préface de : Michael Moorcock, “La Reine des Mystères Martiens” (Queen of Martian Mysteries : An Appreciation of Leigh Brackett, 2000)
Traduction : Pierre-Paul Durastanti
Postface - étude :Charles Moreau, “La Dame de Mars, Vénus et Autres Mondes”
Bibliographie : Alain Sprauel
Couverture (et illustration intérieure) : Jean Sébastien Rossbach
Édition : Le Bélial, 50, rue du Clos, 77670 Saint Mammès
Collection : Omnibus
Site Internet : fiche roman, site éditeur
Pages : 640
Format (en cm) : 20,5 x 4,5 x 14 (broché)
Dépôt légal : juin 2008
EAN : 9 782843 440847
ISBN : 978-2-84344-0847
Prix : 25€


Stéphane Pons
28 novembre 2008


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