Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Etienne Le Roux
Son premier album solo : L’Éducation des Assassins (Delcourt)

A l’occasion de la sortie du premier album solo d’Étienne Le Roux, « L’Education des Assassins » aux éditions Delcourt, notre reporter a plongé hors de la Yozone, échappé aux assassins en herbe pour remonter jusqu’à leur commanditaire et lui poser quelques questions auxquelles il a eu la gentillesse de répondre.



Bonjour Étienne,

- Tout d’abord peux-tu nous parler de ton parcours pour arriver à la BD ?
Était-ce un rêve d’enfant acquis avec tes lectures ? Et si oui, lesquelles ?
- Tout môme, mon grand frère était abonné à Pilote, j’avais 5-6 ans, et là-dedans, ce qui m’impressionnait le plus, c’était “Philémon” de Fred. Parallèlement, en secret dans la salle d’attente du coiffeur, je lisais les histoires de super héros, “Strange” et les petits pockets de gare. Comme c’était mal vu dans la famille, j’aimais encore mieux ça ! A l’adolescence, on m’a abonné à “Métal Hurlant”, je crois que j’en ai pas raté un numéro, je suis un fils de Métal ! Corben, Moëbius, et la culture de Dionnet qui ont orientées mes passions : la peinture, la S.F, les illustrateurs obscurs et les liens entre tous ces univers imaginaires.

- Comment s’est passée ta rencontre avec ton premier éditeur, ton premier scénariste ?
- J’ai eu plusieurs premiers éditeurs. Le premier à avoir bien voulu me publier, c’était George Pernin, qui dirigeait l’éphémère journal JET, édité par le Lombard : juste quelques pages. Ensuite, j’ai pas mal ramé avant de rencontrer Laurent Galmot, qui travaillait chez Vents d’Ouest à l’époque. J’avais des pages, des dessins, pas vraiment de projet précis, il m’a orienté sur un de ces projets marketing qui doivent cartonner et qui se plantent, mais, bon, j’ai pu me débarrasser des 46 premières pages, qui sont si douloureuses à réaliser et rencontrer les trois apprentis dessineux avec qui j’ai travaillé en atelier pendant presque dix ans : Serge Pellé , Freddy Martin, et Vincent Froissard.
- Tes 46 premières pages sont-elles parues en album ?
- Oui, ça s’appelle « Le glaive du crépuscule », Vents d’Ouest 1994...

- Quelles sont tes impressions sur le travail en atelier ? Qu’est ce que cela t’as apporté ? Comment se déroulaient les séances de travail en atelier ?
- On a eu de la chance. Quand on a fondé cet atelier (Zebulon à l’époque), on était tous au chômedu, à peu près au même niveau, on avait tous des lacunes, mais pas les mêmes. En travaillant (sur des décors de jeux vidéos, sur des décos de fêtes, des projets d’univers multimédias), on laissait celui qui était le plus compétent dans un domaine conseiller les autres et, petit à petit, on a comblé nos manques et développé nos personnalités sans pour autant se ressembler. Maintenant, c’est encore ceux des dessineux à qui je me confie le plus facilement, on a fabriqué un vocabulaire commun, c’est facile de se comprendre.

- Comment s’est passé la réalisation de ton premier album sur la série “Serment de l’ambre” ? Quels souvenirs en gardes-tu aujourd’hui ?
- J’étais sans travail et mon libraire (qui est devenu mon éditeur, dix ans après) me fait part de la rumeur que la série était en panne de dessinateur. J’ai fait quelques essais, beaucoup, en fait, (Delcourt m’a fait refaire certaines pages cinq fois) et, finalement, j’ai été pris.
Le premier dessinateur de la série, Matthieu Lauffray, m’a passé le relais avec classe : « c’est ton bébé maintenant fais-en ce que tu en veux ». Ce n’est pas lui qui m’a mis la pression ! J’ai beaucoup appris avec cette série. Malheureusement, on a mis trop longtemps à la finir et, à la fin, ça n’était plus aussi passionnant.

JPEG - 84.3 ko
dessin inédit

- Passons alors à ta deuxième série chez Delcourt, “Aménophis IV” Comment cela s’est-il passé ? J’ai cru comprendre que tu avais participé au scénario, dans quelle mesure ?
- Je suis allé chercher Dieter pour qu’on travaille ensemble, je voulais faire de la SF, il n’en avait jamais fait. Dès le départ, on y a chacun mis des ingrédients : il avait l’idée du curé, moi , j’y ai amené les chimpanzés, on a trouvé la planète Mars ensemble et on a tissé ce récit à quatre mains. C’était très agréable, “Aménophis” a été la première série ou je pouvais sentir un peu de maîtrise et j’ai adoré travailler avec Manchu.

- Pourquoi Dieter et pas un autre scénariste plus axé SF ?
- Justement pour ça. Quand on travaille dans un genre donné, polar, SF, fantasy, on a tendance à user la fraîcheur et à acquérir des « trucs ». J’aime bien quand on réussit à dépasser ça, penser la SF avec un scénariste plutôt étiqueté « humaniste », ça me semblait logique.

- Comment Manchu s’est retrouvé dans cette histoire et que vous a-t’il apporté ?
- Manchu, je suis allé le voir quand j’étais encore au collège, j’étais fan ! Gros lecteur de SF, j’ai suivi son boulot en lisant les bouquins qu’il illustrait. Et quand j’ai commencé à faire des livres, on s’est revu, et le courant est passé. Après, il y a eu le projet “Aménophis”, je voulais une base spatiale différente, vraisemblable, ni ultra techno, ni Moëbiusienne, et j’avais que ça dans mon magasin mental. J’ai repensé au gars Manchu qui, dans son travail, avait l’exigence de vouloir connaître les technologies qu’il dessinait. Par la suite, il nous a servi de conseiller scientifique, de gardien de la vraisemblance, sans en avoir l’air, parce que c’est un timide. Il m’a appris plein de choses sur la couleur, la composition, et les perspectives complexes, et puis c’est un grand peintre, un des rares maîtres qui reste, modeste et appliqué, mais toujours passionné.

- Ton expérience chez Soleil avec “Frère Pardon” ?
- Au départ de « Frère Pardon », il y a les retrouvailles avec le scénariste, Ludovic Joffrain. On avait été au lycée ensemble, et on s’était perdu de vue, il a toujours eu des idées plus folles que les miennes. Par hasard, il m’a parlé d’un scénario qu’il avait montré à Arleston et qui aurait pu passer dans “Lanfeust Mag”, une histoire courte.
J’ai toujours aimé les EC comics et, plus tard, les magazines de Warren, il y avait dedans des histoires d’horreur en huit pages qui m’émerveillaient, le premier scénar de “Frère Pardon” ressemblait à ça. J’ai dessiné trois, quatre pages dès que j’ai reçu le texte, j’en ai envoyé des copies à Ludo qui les a montrés à Soleil, et le projet s’est mis en place, un peu malgré moi. La suite du scénario était moins dans mon goût, mais j’en étais pas encore à cracher sur un contrat. Je l’ai fini et le bouquin a paru et aussitôt disparu.

- Avec “La mémoire dans les poches”, tu passes à un roman plus intimiste, une envie ou juste un scénario ? Passage aux éditions Futuropolis, peux-tu nous en dire un peu plus ? Comment as-tu été contacté ? Par qui ?
- Toujours une histoire de rencontre : Luc Brunschwig, qui venait de déménager dans ma région avait été contacté par le Festival de Blois pour écrire un court récit autour des transports en commun. Il m’a proposé de l’illustrer, nous y avons pris du plaisir tous les deux, et assez vite, on s’est dit qu’il fallait qu’on fasse quelque chose ensemble, il avait l’idée de la “Mémoire” sous le coude depuis longtemps, il semble que mon dessin pouvait faire l’affaire. Le scénario de Luc changeait de ses scenarii habituels, pas de flingues ni de tueurs en séries, ça se passe en France et le héros est un petit vieux. Tout ça me plaisait bien, on devait le faire chez Dupuis quand Sébastien Gnaedig s’en occupait, et quand il est parti diriger le renouveau de Futuro, on l’a suivi.

JPEG - 69.5 ko
projet pour « histoire secrète »

- Peux-tu nous parler de ton prochain album, où tu es donc dessinateur et scénariste ? Qu’est-ce qui t’as décidé à franchir le cap ? De quoi cela parle-t’il ? Combien de titres prévus ?
- Mon rêve de toujours était de réaliser un album seul, de raconter mes petites histoires à ma façon, d’y mettre ce qui me fait peur, rire ou pleurer, et j’ai l’impression d’avoir grandi lentement dans ce métier. Si j’avais osé la solitude il y a dix ans, je n’aurais sûrement pas fait “L’éducation des assassins” mais plutôt un truc de SF compliqué, bourré de chausses-trappes et d’effets délirants. Alors que ce bouquin se voudrait être un pont entre mes rêves d’enfants et mes angoisses de parent, entre les histoires primitives, antiques et peut-être préhistoriques et les récits de genre très calibrés, classés dans leurs boîtes respectives que l’industrie du divertissement nous a habitué à consommer. Je crois aux histoires, à la capacité qu’elles ont de nous faire grandir et appréhender le monde. C’est ça mon but, facile à lire mais pas trop con, essayer de ne se moquer ni du genre exploré ni des lecteurs ni de mes personnages, vous me direz si j’y suis parvenu (NDLR : n’hésitez pas, chers lecteurs, à lui dire s’il a réussi ou non lors des séances de dédicaces auxquelles il participe). C’est donc de la fantasy, mais qui rappelle plus “l’Odyssée” que “Warhammer”, on y suit quelques enfants qui vont grandir au fil des trois albums prévus, qui vont subir d’abominables épreuves dans ce monde en train de s’inventer, rester solidaires et peut-être réussir à se libérer du joug qu’on leur a imposé.

- Et maintenant, Étienne, un petit jeu ! Si je te dis :

Y comme : SisYphe, condamné à rouler une pierre jusqu’au sommet d’une montagne sans jamais y parvenir parce que la pierre retombe toujours, comme le dessinateur qui cherche l’histoire, la ressemblance ou le succès sans jamais y parvenir et en recommençant chaque jour.
O comme : MythOlogie, j’ai toujours adoré les histoires de Thésée, d’Héraclès, d’Ulysse ou d’Orphée, je continue à les explorer et à m’en servir pour nourrir et comprendre la réalité des histoires et les histoires de la réalité.
Z comme : Zombie, en Haïti, ces esclaves drogués, dépersonnalisés, sans volonté m’ont toujours effrayé, lisez “L’éducation des assassins”, vous comprendrez.
O comme : Alan MoOre, le type qui nous fait croire à l’intelligence, qui renouvelle ses idées en permanence et qui donne envie de chercher plus loin, plus profond tout en restant lisible par tout le monde.
N comme : Nature, hé oui, j’habite à la campagne, j’aime les animaux, je me balade en forêt et je crois que la nature est surnaturelle.
E comme : Education, je suis père, je suis fils, qu’est-ce qui m’a été transmis et qu’est-ce que je vais réussir à transmettre ? C’est une question qui m’intéresse tellement que j’en ai fait le titre de mon premier bouquin en solitaire.

JPEG - 115 ko
couverture « l’éducation des assassins »

- Merci beaucoup Etienne.
- Merci à vous.


Tous les dessins illustrant cet article sont copyright Etienne Le Roux




Peps37
3 octobre 2008




JPEG - 29.3 ko
auto portrait



JPEG - 25.1 ko



JPEG - 20.1 ko



JPEG - 21 ko



JPEG - 29 ko



JPEG - 33.7 ko



JPEG - 27.2 ko



JPEG - 24.9 ko



JPEG - 26.5 ko



JPEG - 18.3 ko



JPEG - 20.5 ko



JPEG - 28.9 ko



JPEG - 35.1 ko



JPEG - 29.3 ko



Chargement...
WebAnalytics