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Aveuglement (L’) - Blindness
José Saramago
Editions du Seuil, coll. Points, roman, traduction (Brésil), Anticipation, 366 pages, 7€50

Un homme devient soudain aveugle. C’est le début d’une épidémie qui se propage à une vitesse fulgurante à travers tout le pays.
Mises en quarantaine, privées de tout repère, les hordes aveugles tentent de survivre à n’importe quel prix. Seule une femme n’a pas été frappée par la « blancheur lumineuse ».

Saura-t-elle les guider hors de ces ténèbres désertées par l’humanité ?




Prix Nobel de Littérature en 1998, José Saramago a écrit une quinzaine de livres publiés dans le monde entier. L’auteur portugais a édité « L’aveuglement » en 1995.
Le cinéaste brésilien, Fernando Meirelles, a adapté l’ouvrage au cinéma. « Blindness » sort sur les écrans français le 8 octobre 2008.

Le gouvernement, incapable de gérer la crise, parque les premiers aveugles dans un asile. En petits groupes au départ, les aveugles deviennent très vite plus de 300. Confinés, très peu nourris, incapables de se laver, ils n’ont d’autre choix que d’attendre. Effrayés par des soldats qui n’hésitent pas à tirer dès qu’ils s’approchent trop des grilles de peur d’être contaminés, les malades sont rapidement les otages d’un gang interne sans pitié. De plus, ils restent sans nouvelles du monde extérieur. La femme du médecin, témoin des pires exactions, décide d’agir et de retrouver l’honneur qu’elle a perdu.

Après la géniale adaptation du best seller de John Le Carré par le cinéaste, je voulais savoir si « La Constance du Jardinier » était un coup de maître ou un coup de bol. Sans connaître davantage Saramago, j’ai décidé de lire « L’Aveuglement » avant sa sortie au cinéma.
Le genre du livre oscille entre le drame, le fantastique et la parabole. L’écriture est tassée avec de longs paragraphes dans lesquels sont présentes des répétitions ou des énumérations, d’interminables chapitres.
Les dialogues sont directement incrustés dans le récit avec pour seules indications les majuscules cachées derrière les virgules. Le point de vue est omniscient avec la description des lieux et l’évocation des pensées des différents personnages. Quant au style, il est sans concession, bien qu’il épargne aux lecteurs –qu’il n’hésite pas à interpeller parfois- les détails les plus sombres, d’un récit qu’il l’est à chaque page et à chaque situation.

L’écriture de Saramago, particulière, n’est pas facile à aborder mais le lecteur est pris dans une intrigue passionnante. Embarqué dans l’histoire, il ne lache plus le récit et adhère au style du romancier.
« L’Aveuglement » pourrait se passer dans n’importe quelle ville de n’importe quel pays à n’importe quelle époque. L’auteur noie toute indication géographique et temporelle, il fait même l’économie des prénoms, ce qui donne à l’histoire une dimension universelle. Même si les personnages principaux restent anonymes, ils sont attachants et ne cessent de rester lucides malgré leur aveuglement le plus complet.
Le drame de ces personnages pourrait être le nôtre. Nous ne sommes pas à l’abri de ces malheurs qui frappent les hommes sans distinction de sexe, d’âge, de couleur, de milieux sociaux. Saramago livre un roman dépouillé de toute référence et insuffle ainsi une force dramatique supplémentaire.
Profondément détaillées, les scènes et les situations sont très réalistes. Samarago analyse les comportements humains, passe les remords ou les espoirs au vitriol. Mais son intrigue ne sombre jamais dans l’ironie ou l’horreur. La description des comportements humains est réalisée avec justesse et clarté. Neutre, il ne prend parti d’aucune sorte et balaie d’un coup de crayon la notion du bien et du mal dès lors que tous les aveugles sont enfermés et livrés à eux-mêmes dans l’asile. Lucide, il est le témoin privilégié de la perte d’humanité de personnes à qui on a ôté, sans raison apparente, la vue.
Les hommes et les femmes perdent leur indépendance, leur capacité à se nourrir, se vêtir, se laver, se déplacer. Le personnage qui ressemble le plus à l’auteur est la femme du médecin, seule voyante (aux deux sens du terme). Elle pourrait s’apparenter à la flamme vacillante qui mène au bout de la caverne. Elle est la seule main qui secourt ou qui sauve, le dernier guide de ses âmes perdues, leur seul espoir. Mais cette femme a sur ses épaules un poids dont nul ne voudrait s’acquitter et sa solidarité pourrait se briser tant elle ne tient qu’à un fil.
Pour raconter cette descente aux enfers, Saramago choisit des séquences violentes qui démontrent au mieux la cruauté dont l’homme est capable quand il n’y a plus de gouvernement, de lois, de règles, de limites et surtout, d’eau et de nourriture. Petit à petit, l’homme devient un animal dans un monde où seuls les plus forts et les plus intelligents peuvent survivre.

Le thème de la cécité n’est pas qu’une simple comparaison. C’est avant tout une parabole. L’auteur s’en sert pour démontrer la cruauté et l’individualisme de l’homme. Seul, il n’a plus de valeur, en groupe, il est capable du pire... Quand il devient solidaire, il retrouve sa force et la clarté de son raisonnement.
Saramago ne s’intèresse pas à l’origine du mal qui frappe les hommes, mais cette épidémie s’apparente à une punition divine. Sur ce point il semblerait que le cinéaste M. Night Shyamalan n’ait rien inventé dans son dernier film « Phénomènes », mais c’est un autre sujet.

« L’Aveuglement », s’il n’est pas facile à aborder, est un livre captivant qui laisse perplexe sur les limites de l’homme à en rester un quand les conditions de vie auxquelles il tient tant se brisent irrémédiablement...

La critique du film « Blindness »

Titre : L’Aveuglement Ensaio Sobre a Cegueira
Auteur : José Saramago
Traduction : Geneviève Leibrich (Portugais)
Couverture : © photo film « Blindness » (2009)
Editeur : Seuil (1997)
Collection : Cadre Vert (moyen format, 1997), Points (2000 et ré édition 2008)
Pages : 336
Format : poche (broché)
Dépôt légal : septembre 2008 (ré édition poche)
ISBN : 978 2 02 040343 6
Prix : 7,50€


Céline Bouillaud
4 octobre 2008


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José SARAMAGO



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L’édition originale grand format (Seuil, Cadre Vert, 1997)



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L’édition de Poche (Seuil, Points, 2000)



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La ré édition poche 2008 (Seuil, Points, 2008)



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