Et si la chienne Laïka n’avait jamais existé mais n’était que le résultat d’un mensonge que personne ne souhaitait réfuter pour diverses raisons ?
Et si certaines archives des grands services des pays de l’ex-bloc de l’Est étaient en partie bidonnées ? Et si une peuplade du fin fond de l’Afrique martyrisée par une multinationale ne l’était pas ? Et si, et si.
Au départ, le lecteur, comme Sliv le personnage central du roman, s’inscrit dans l’intrigue avec un esprit potache, des illusions d’adolescents et un joyeux besoin de déconner un peu. Finalement, c’est quand même plutôt marrant de créer des grandes blagues planétaires, d’avoir le soutien surpuissant d’une organisation secrète et de voir que tout l’humanité gobe le mensonge...
Mais voilà, passé le temps de l’initiation joyeuse et de la conception de scénarios crédibles, la tuile arrive. Un mensonge anodin (la création d’une espèce de poisson), mal contrôlé par Sliv, va être vérifié par un pays du Pacifique victime des effets néfastes des essais atomiques français. Et là, pas de doute, le menteur devra payer !
Oh, ça ne sera pas Sliv, mais un rouage anodin et involontaire de la grande machine à mentir. Un chercheur de l’autre bout du monde va devoir disparaître car le CFR ne souhaite pas qu’un quelconque service de contre espionnage vienne mettre son nez dans ses affaires... Et le pauvre gars laissera évidemment sur le carreau une veuve et quelques orphelins.
Alors, Sliv prend conscience de l’ampleur des dégâts, et grande réussite du roman, le lecteur lui aussi hypnotisé par la joyeuseté de l’affaire fait un atterrissage forcé ! Back to realty, guys !
Roman étrange, teinté d’ambiances paranoïaques diffusant les effluves des grands classiques (période Guerre froide), « Les Falsificateurs » parvient (sans effort) à faire accepter le postulat incroyable qui préside aux débats.
Écriture vive, alerte, énergique, dialogues enjoués, on dévore les six cents page à la vitesse max. Certes, tout n’est pas parfait. On a parfois le sentiment qu’une écriture acérée suffit à compenser quelques anomalies.
Des enchaînements se font trop rapidement, des révélations « incroyables » ne le sont pas tant que ça (Sliv n’est-il pas trop crédule et naïf ?) et jamais les grandes clefs de l’énigme ne sont vraiment révélées. Bon, c’est vrai, c’est “à suivre” aussi.
Au-delà de ces petites remarques, le franco-américain Antoine Bello, déjà créateur de l’étonnant « Éloge de la Pièce Manquante » (Gallimard, La Noire) nous passionne et nous distrait sérieusement avec une grande facilité, à la manière des grands romancier madrés d’outre-atlantique.
Un excellent roman d’anticipation fantastique, populaire, grand public qui nous plonge dans une ambiance de plateaux de jeux de rôles ou dans une réalité masquée par des couches de manipulations (amateurs de la « Grande Conspiration », vous allez adorer).
« Les Falsificateurs » se dévore en quelques jours, dans l’urgence, avec passion et sans aucune honte. Chose rarissime pour un auteur hexagonal, il faut le souligner.
Bravo M’sieur Bello !
Titre : Les Falsificateurs
Auteur : Antoine Bello
Couverture : Photo Michael Cogliantry - Getty Images (détails)
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio
Numéro : 4727
Catégorie : F11
Site Internet : page roman (site édition grand format « Collection Blanche »).
Pages : 588
Format : 17,8 x 10,7 (poche, broché)
Dépôt légal : avril 2008
Code Hachette : A 35527
EAN : 9 782070 355273
ISBN : 978-2-07-0355527-3
Prix : 8,40€
