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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Underskin (T2) Cybersoul
Iovinelli & Dall’Oglio
Les Humanoïdes Associés, collection Shogun Seinen

Le savant (fou ?) Nakamura ne s’est pas contenté de réveiller des clones d’humains lambda à la pelle dans la cité d’Eidos, il s’est aussi multiplié lui-même à l’envi.

L’inspecteur Baron, toujours sur ses traces, se démène beaucoup mais peine à comprendre les objectifs et les motivations des uns et des autres.
Futur proche ou lointain, les peines des âmes sont toujours aussi lourdes à porter pour les humains.



Nous ne reviendrons pas ici sur les objectifs et les ambitions créatrices du duo italien aux commandes de cette série graphique. Tout cela a déjà été évoqué lors de la critique du premier opus. Underskin a l’odeur du manga, la saveur du manga, les ingrédients du manga et EST un manga !
Certes, les créateurs ne sont point japonais et alors, no problemo.

Le graphisme maîtrisé de Dall’Oglio qui gagne en précision en est la preuve évidente. Cadrages, découpages, énergie des lignes qui se croisent et se tordent à base de gros plans ou de plans serrés sur des visages énigmatiques ou très expressifs (tout l’un ou tout l’autre), l’accent est mis sur les figures archétypales (du point de vue occidental) que propose ce moyen d’expression si identifiable.
Autant les arrière-plans détaillés sont très souvent absents de la géographie des lieux (une architecture globale des décors volontairement réduite à néant), autant l’émotion passe essentiellement par les visages et le travail des ombres (donc des traits grisés). Inconvénient de la méthode, on butte encore et toujours, à l’occasion, sur quelques pertes de repères physionomiques et on ne sait plus trop qui est qui de temps à autres. Cela impliquant de repartir quelques cases en arrière pour se re situer dans l’histoire et ne pas risquer l’incompréhension scénaristique.
Bonne surprise confirmée, et déjà décelée lors du premier tome (« Heaven City »), l’histoire est très travaillée, pensée, dense. Iovinelli paye avec talent sa filiation artistique et n’omet personne dans la grande liste des génies transfigurateurs de l’imaginaire ordinaire qui accouchèrent de chef d’œuvres SF précurseurs et incontestables.

Les grandes thématiques liées à la cybernétique, au clonage et au polar n’oublient aucune des références classiques -de « Metropolis » de Fritz Lang au « Ghost in the Shell » de Mamoru Oshii en passant par le « Blade Runner » de Ridley Scott. On y détecte même un petit parfum agréable et racé de cinéma noir des années cinquante.
La boucle est bouclée sachant que rien de tout cela n’aurait existé sans ce qui a précédé. Le genre est cannibale et se nourrit de ses propres inventions.
Il est d’ailleurs intéressant de constater à quel point de consanguinité ces pièces marquantes de l’univers SF s’épousent et se mélangent au point de presque en devenir des passages obligés avant toute possibilité de compréhension de la suivante.
Paradoxe des univers semblables, il semble bien que rien de neuf ne puisse nous tomber dessus alors que, finalement, tout change, tout devient mouvant, fluctuant et différent.

Étrangement, alors, on en revient aux sources de la bande dessinée. On oublie un peu l’histoire pour centrer son attention sur l’ambiance délétère (et belle) du récit. Un visage exprimera une émotion qui sera l’explication d’une séquence de dialogues obscurs, une suite de cadrages toniques impliquera la découverte d’une possibilité de piste logique que rien n’indique vraiment dans la vision primaire et basique de l’action.

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Cybersoul (Underskin, tome 2 - Les Humanoïdes Associés, collection Shogun - Seinen, novembre 2007).


Volant très haut dessus de la moyenne qualitative des productions en rayon, il n’est pas certain que la série Underskin séduise massivement les fans de Manga. Par contre, elle devrait et doit attirer impérativement les amateurs exigeants de BD travaillées jusqu’à l’os.

Paradoxe, tout est paradoxe... L’histoire future du savant Nakamura et de ses clones, le destin de la cité d’Eidos et de ses inspecteurs de police, l’avenir incertain de l’humanité, la résolution d’une énigme qui devient secondaire face à la beauté intrigante d’une série troublante, imprègnent la pensée du lecteur anonyme bien au-delà de ce que l’on pensait possible.

Et si la solution était dans le fait de poser des questions et de ne point céder à la facilité d’y répondre rapidement ?

Un vrai travail d’artistes, rehaussé par un superbe making of éditorial final, témoignage avéré du beau boulot de l’éditeur, qui passionnera les amateurs et convaincra les plus intransigeants de céder à la tentation.

Suite attendue avec impatience et curiosité.


Cybersoul
Série : Underskin (T2)
Tome 1 : Heaven City
Scénario : Iovinelli
Dessin : Dall’Oglio
Conception graphique : Stéphan Cahn & Massimo Dall’Oglio
Traduction (de l’italien) : N’Dish
Éditeur : Les Humanoïdes Associés, S.A.S. Paris
Collection : Shogun - Seinen
Directeur de collection : Guillaume Dorison
Presse (France) : Anne Caisson
Site Internet : fiche tome 2 (site éditeur),
Pagination : 154 pages
Format (en cm) : 15 x 1,5 x 21 (moyen, souple, N&B)
Dépôt légal : octobre 2007
Sortie : 7 novembre 2007
Code H : 43 1292 2
ISBN : 978-2-7316-2098-6
Prix public : 8,40€



© Illustrations : remerciements à Andrea Iovinelli & Massimo Dall’Oglio, Les Humanoïdes Associés, Shogun Sensei (11/2007)



Stéphane Pons
8 avril 2008




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Des cadrages calculés et travaillés.



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Une belle exploration du style « manga » à la grande efficacité.



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Des plans très réfléchis aussi.



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Heaven City (Underskin, tome 1).



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Un deuxième tome de haute tenue pour la série Underskin (Les Humanos, Shogun).



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