Roman étonnant et totalement prémonitoire sur bien des sujets, ce « Sukran » est un excellent récit d’anticipation de Jean-Pierre Andrevon.
Clair, précis, concis (même pas 300 pages), ses clefs sont dans les premières confessions du personnage principal, Roland Cacciari, qui avoue avoir toujours rêvé d’écrire des polars quand il était gamin.

Exercice de style donc, Jean-Pierre Andrevon reprend à son compte quelques grandes figures de style du genre dont la principale : l’histoire d’un mec esseulé et consciencieusement bousillé par une chienne de vie qui se retrouve embringué dans une drôle d’aventure dont il sera le grain de sable.
C’est que Roland n’est pas un imbécile. Plutôt intelligent et cynique ce qu’il faut, il subodore et comprend très vite.
Alors, entre quelques moments de tendresse où il se prêtera aux folies érotiques de la femme de son patron ou tentera de séduire quelques jeunes donzelles, il n’en continuera pas moins à tracer sa route.
Pressentant la noirceur des événements, restant fidèle à ses idéaux (mais pas trop non plus), il va petit à petit passer du stade de témoin aléatoire à celui d’acteur principal d’une intrigue à laquelle on croit très fort.

L’intelligence anticipative de Jean-Pierre Andrevon est là tout entière. Ne sacrifiant jamais à la force du suspense une pensée politique omniprésente, il n’en dit pas moins ce qu’il pense de certaines choses, de l’évolution de notre société et du monde, entre autres. Il ne fait pas non plus de son héros un archétype du redresseur de torts, invincible par essence, saint homme par la grâce du récit. Roland doute, réfléchit, hésite, tombe amoureux, se débat dans les emmerdements, n’est pas parfait, bref, il vit.

SF visionnaire derrière les apparences d’un roman délassant et distrayant, le propos porte en lui les germes d’un futur possible et très déplaisant... qui est déjà en partie arrivé depuis.
Choc des civilisations, croisades des cultures, lutte du bien et du mal sur fond de racisme inter continental, les liens avec l’actualité, tristement présente, font froid dans le dos.

Et pour ceux qui se poseraient des questions quant à un éventuel bidouillages de l’écrivain par rapport à la version originale publiée dans la collection « Présence du Futur » (Denoël), autant donner la parole à l’intéressé que nous avons questionné à ce sujet :

 «  Sukran , comme d’hab’, pour la réed, j’ai soigneusement relu et corrigé ce qu’il fallait. Mais juste des détails : ajouter le nom de Ben Laden, par exemple, donc de menus réactualisations. Le reste, la croisade moyen-orientale déconfite, oui môsieur, c’est du visionnaire pur jus de chaussette après le match » (Jean-Pierre Andrevon par courriel du 21 mars 2008).

Bravo et Sukran !

Titre : Sukran
Auteur : Jean-Pierre Andrevon
Couverture : Sam Van Olffen
Précédente édition : Présence du Futur n° 493 (Denoël, 1989)
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio SF
Numéro : 298
Directeur de collection : Pascal Godbillon
Site Internet : fiche roman (éditeur), site écrivain
Dépôt légal : 18 janvier 2008
Format (en cm) : (poche, broché)
Code Hachette : A 34972
EAN : 9 782070 349722
ISBN : 978-2-07-034972-2
Prix : 6,80€

LIENS YOZONE SUR JEAN-PIERRE ANDREVON

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 L’Affaire du Calmar dans le Grenier
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