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Le cyberespace de l'imaginaire




Envahisseurs (Les)
Une création de Larry Cohen
(1967-1968)


Distribution : Roy Thinnes (David Vincent) et Kent Smith (Edgar Scorville) à partir de l’épisode 31. De nombreuses guest-stars à chaque épisode.

« Les Envahisseurs. Ces êtres étranges venus d’une autre planète. Leur destination :la Terre. Leur but : en faire leur univers. David Vincent les a vus. Pour lui tout a commencé par une nuit sombre, le long d’une route solitaire de campagne, alors qu’il cherchait un raccourci que jamais il ne trouva... »

Introduction parlée emblématique que tous les téléspectateurs francophones gardent en mémoire. Si ces quelques mots suffirent à établir très vite la réputation des « Envahisseurs » en France, bien peu se souviennent aujourd’hui, comme le signalait déjà Francis Valéry dans son indispensable guide du téléfan consacré à la série (« Les Envahisseurs » aux éditions ...Car rien n’a d’importance, avril 1993*), que ce prégénérique connut d’innombrables adaptations, toutes différentes, rien que dans les 10 premiers épisodes de la série ! Et pourtant, combien de jeunes fanatiques des années 70 se saluèrent-ils d’un petit doigt levé en pensant très fort à cette introduction parlée et aux premières notes emblématiques de la géniale musique de Dominic Frontiere ?

Sur le fond, « Les Envahisseurs » n’inventaient pas grand chose : une invasion lente et discrète d’étranges extraterrestres dotés d’une enveloppe humaine presque parfaite. Venus conquérir notre monde car le leur se mourrait, ils transforment petit à petit notre écosystème afin de l’adapter à leur biologie non humaine. Un témoin, David Vincent, architecte de son état et personne ordinaire par excellence, que personne ne croit. La base des scénarii sera assez classique. David Vincent enquête sur un événement étrange qu’il suspecte être une manifestation des envahisseurs et au moment où il va enfin prouver le tout aux yeux du monde ébahi, la personne en qui il plaçait toute sa confiance, se révèle être un envahisseur qui disparaît en fumée avec la preuve. Bref, si le succès de la série peut sembler bizarre, c’est que toute cette histoire se base surtout sur un traitement atypique de la paranoïa - tout comme le faisait aussi « Le Prisonnier » à la même époque. Par ailleurs, si ces deux séries sont aujourd’hui les catalyseurs avoués de toute une génération de fans de la TV des années soixante-dix, accrocs à la SF de nos jours, il ne faut pas y voir le fait du hasard. Au moment de leurs diffusions, « Les Envahisseurs » et « Le Prisonnier » éveillèrent quantité de gamins français à l’imaginaire. Cette empreinte originelle s’avérera définitive. Combien sommes-nous aujourd’hui à toujours dresser notre petit doigt ou à saluer une relation d’un « Bonjour chez vous » confraternel ? Beaucoup, en effet.

Autre fait étrange au demeurant, la série « Les Envahisseurs » ne connut aux USA qu’un succès critique et populaire au tout début de sa diffusion. Il est vrai que le casting global des épisodes était d’un très bon niveau, les effets spéciaux excellents par rapport aux faibles moyens dont disposaient les productions TV - comparativement à Hollywood - et le sujet se raccrochait à une longue tradition d’invasions masquées auxquelles le public de l’époque était habitué et assez friand. Cependant, la pression retomba assez vite et d’une diffusion à 20h30, on glissa rapidement vers des horaires plus tardifs (22h) avant d’arrêter les frais dès la fin de la seconde saison. A vrai dire, cet anti-héros, qui n’arrivait jamais à ces fins, devenait un personnage très difficile d’identification pour le public US moyen. Les scénarii s’avéraient de plus en plus répétitifs et, malgré la création des défenseurs (les « Believers », les Croyants en réalité, épisode 31), un groupe de personnes soutenant David Vincent et l’aidant dans sa lutte, les rôles de loosers obstinés n’étaient pas encore à la mode...

Le phénomène de syndication (rediffusion en boucle par des réseaux TV US locaux ou nationaux) qui établit le mythe de Star Trek ne vint pas au secours de David Vincent et finalement, c’est surtout à l’étranger, en France tout particulièrement, que « Les Envahisseurs » et son personnage principal, devinrent célèbres. Même si la situation évolua avec le temps, même si de nombreux scénaristes ou producteurs US s’inspirèrent souvent de la thématique de cette série, toutes les tentatives de résurrection ou de séquelles ont échoué à ce jour. Un destin paradoxal pour une production sur laquelle les fées de la TV US s’étaient penchées dès sa naissance !

En effet, Larry Cohen, créateur du concept d’origine et Quinn Martin, producteur exécutif, furent les deux piliers de cette série. Si Larry Cohen travailla sur le sujet initial avec Alan A. Amer, qui deviendra le Producteur des aventures de David Vincent, c’est sous la double pression de Quinn Martin et du réseau télé ABC, intéressé par l’idée, que la série fixa ses grands axes et démarra vraiment. Qui plus est, Quinn Martin, homme d’une forte personnalité, doué d’une solide réputation en tant que producteur des premières saisons des « Incorruptibles » et du show du « Fugitif » qui cartonnait aux USA, en s’intéressant au projet de Larry Cohen, lui donnait d’emblée ses lettres de noblesse. Il en deviendra le Producteur Exécutif.

L’histoire veut que les relations entre Larry et Quinn aient été très tendues au début, Quinn Martin refusant et demandant la réécriture totale des premiers épisodes. Dans le même temps, ABC soutenant Quinn Martin, s’opposa également à l’idée que les Envahisseurs, humains par la forme, se voient affubler d’un troisième oeil dans la paume de leur main ! Le prétexte avoué était que cela deviendrait par trop comique. Il se murmure cependant, qu’il s’agissait, pour l’époque, d’un trucage beaucoup trop cher à réaliser... La fameuse option « auriculaire » qui, utilisée parcimonieusement sur des extraterrestres de second degré (les maîtres de la race bénéficiant d’une enveloppe charnelle haut de gamme et sans défaut apparent) deviendra vite un symbole marquant et culte des « Envahisseurs ». Heureux hasards ou talents des différentes personnes en charge du dossier, les modifications effectuées sur le projet de Larry Cohen apparaissent aujourd’hui plutôt de bon aloi et de bon goût !

Si les bases de la production et le travail conceptuel débutèrent donc dès 1966, il est établit que la première diffusion télé eut bien lieu le 10 janvier 1967 aux USA (4 septembre 1969 pour la France). A partir de là, tout ne fut plus qu’une longue descente vers l’arrêt total du show avec la diffusion du dernier épisode 15 mois plus tard, le 28 mars 1968. Pour « Les Envahisseurs », l’histoire était finie mais la légende ne faisait que commencer !

Parce qu’en France, pays au cartésianisme bien connu, la sauce avait paradoxalement pris. Au point qu’aujourd’hui encore (2004), France 3 la ressert régulièrement le samedi soir en troisième partie de soirée. Bref, « Les Envahisseurs » sont là et bien là. David Vincent, reste le précurseur de tous les Mulder de l’univers et le scénario de base est une ligne directrice vitale pour toutes les séries abordant ce type de sujets. Il suffit de voir le début de « First Wave » par exemple et de passer outre les explications (!) s’appuyant sur Nostradamus pour comprendre que l’on nous rejoue « Les Envahisseurs » en plus musclé (une piste qui aurait sans doute pu sauver la série de l’engourdissement scénaristique dont elle fut la victime).

Le bilan de la série est donc nuancé. Malgré ses défauts, « Les Envahisseurs » sont devenus une série mythique en France et pour bien des professionnels des shows TV. On sait que ce n’est pas grâce à la qualité globale de ses scénarii, que le jeu simple et froid, presque déshumanisé, de Roy Thinnes n’y est pour rien, que le coup de l’auriculaire fait plutôt rire qu’autre chose et pourtant, bizarrement, la magie est là et engendre toujours son cortège de fans indécrottables. La musique, le découpage de tous les épisodes en chapîtres clairement identifiés, le masochisme précurseur du destin qui s’acharne sur le témoin rédhibitoirement impuissant face aux événements, a fait école et bel et bien pris en France. Des foules, sans cesse renouvelées de téléspectateurs, sont toujours hypnotisées par la moindre diffusion des « Envahisseurs ».

Finalement, on en vient à se demander si la qualité principale des « Envahisseurs » n’était pas, à travers ses imperfections, d’avoir été la première œuvre à annoncer les séries pessimistes et contemporaines dont se régalent tous les téléphages actuels.

Il faut croire David Vincent (Van Gogh ? !) avait 30 ans d’avance. Et ça, à la télé comme en peinture, ça ne pardonne pas !

Stéphane Pons - Juin 2004

UN LIVRE :

Le Guide du Téléfan : Les Envahisseurs par Francis Valéry (...Car rien n’a d’importance éditions, Avril 1993, ISBN 2-87795-024-7) ouvrage indispensable sans qui cet article serait resté dans les limbes. Francis Valéry est également l’auteur de plusieurs autres dossiers (« V », « Le Prisonnier », etc,.) analysant des séries emblématiques chez le même éditeur (ouvrages épuisés pour la plupart mais qui peuvent se trouver en cherchant un peu).

ANECDOTES :

Le premier épisode, « Première épreuve » (Beachhead) eut une version originale de 90 minutes projetée en 1969 au Museum of Modern Art lors de l’exposition « Science Fiction Retrospective ». Cette version perdue depuis, n’a jamais été retrouvé...

Un remake du premier épisode a été produit par Quinn Martin en 1977 pour NBC-TV sous le titre « The Nomads » dans le cadre de la série « Tales of the unexpected ».

Roy Thinnes avoua avoir vu une « vraie » soucoupe volante lors du tournage des « Envahisseurs »...

Une publicité de Sony pour un nouveau camescope, s’appropria le personnage interprété par Roy Thinnes et le fit apparaître dans son rôle fétiche avouant qu’avec cet équipement, il aurait prouvé la venue des Envahisseurs...

Le dessinateur français humoristique Vuillemin publia une parodie de David Vincent sous forme d’un unique dessin (gag pleine page) dans l’hebdomadaire TV et Culture « 7 à Paris » dans les années 80. David Vincent est propriétaire de l’unique crêperie dans un quartier de Paris où il est entouré de Couscous... Il les a vu, personne ne le croit mais ils sont là ! Du Vuillemin, quoi !

Le mythe de David Vincent est régulièrement récupéré dans quantité de séries modernes flirtant avec la thématique des aliens venus incognito sur Terre... Roy Thinnes apparaît ainsi souvent en guest star dans de nombreux épisodes sous des noms ou dans des rôles rappelant fortement quelqu’un (à vous de les chercher ou de tomber dessus par hasard. Non mais !).

A propos de l’arrêt lors de la seconde saison, un bruit persistant circule précisant que finalement, les taux d’écoute étaient encore très positifs et que c’est une somme de désaccords entre les dirigeants d’ABC et Quinn Martin qui sont la véritable et principale raison de l’arrêt de la série. N’ayant pas vu ou lu d’interviews des acteurs principaux des faits confirmer ou infirmer ces « bruits », on ne peut que rester dans l’expectative...

EDITIONS VIDEOS

La série a connu une édition partielle en cassettes VHS regroupant un florilège de 12 épisodes, il semble que l’édition de l’intégrale DVD soit enfin sur les rails !

Collection : Série Culte.

Distribution : Sony Music.

Les Envahisseurs 1 (VHS SECAM 349095 2) : Première épreuve (1), La Mutation (3), Equation Danger (9)

Les Envahisseurs 2 (VHS SECAM 349096 2) : L’Innocent (10), La Tornade (13), Panique (14)

Les Envahisseurs 3 (VHS SECAM 349097 2) : La Vallée des Ombres (21), Le Procès (23), Un Curieux Voyage (25)

Les Envahisseurs 4 (VHS SECAM 349098 2) : La Capture (30), Mission de Vie (41), La Fugitive (42)

FICHE TECHNIQUE

Titre original :The Invaders
Création :Larry Cohen
Producteur :Alan A. Armer
Producteur exécutif :Quinn Martin
Assistant Producteur exécutif : John Conwell
Photographie : Meredith Nicholson, A.S.C. Andrew J. McIntyre
Direction artistique : James D. Vance.
Musique :Dominic Frontiere
Effets Spéciaux :Howard Anderson Company
Maquillage : Jack Wilson, Jack Barron.
Metteurs en Scène : Joseph Sargent, Paul Wendkos, Richard Benedict, Sutton Roley, John Meredyth Lucas, Don Medford, Jesse Hibbs, Robert Butler, Wlliam Hale, George McCowan, Robert Douglas, Murray Golden, Lewis Allen, Gerald Mayer, Robert Day, Robert Glatzer.
Auteurs :Anthony Wilson, Anthony Spinner, David Chandler, Dan Ullman, John W. Bloch, Don Brinkley, John Kneubuhl, Louis Vittes, Robert Butler, Robert Sherman, Alan Armer, Laurence Heath, Jerry Sohl, Earl Hammer Jr, Howard Merrill, Robert Sabaroff, George Eckstein, David W. Rintels, Ellis Kadison, Joel Kane, Warren Duff, Jerry De Bono, Art Wallace, Barry Oringer, Robert Collins, Jack Miller, Franklin Barton, William Blinn,
Production :Q. M. Poductions American Broadcasting Company (ABC) Television Network.
Distribution :Worldvision Enterprises Inc. (Taft Company).

GUIDE DES EPISODES

SAISON 1 (1967)

01. Première épreuve (Beachead)
02. L’Expérience (The Experiment)
03. La Mutation (The Mutation)
04. Les Sangsues (The Leechees)
05. La Genèse (Genesis)
06. Vikor (Vikor)
07. Cauchemar (Nightmare)
08. A l’Aube du Dernier Jour (Doomsday Minus One)
09. Equation Danger (Quantity : Unknown)
10. L’Innocent (The Innocent)
11. Le Rideau de Lierre (The Ivy Curtain)
12. Trahison (The Betrayed)
13. La Tornade (Storm)
14. Panique (Panic)
15. L’Astronaute (Moonshot)
16. Le Mur de Cristal (Wall of Crystal)
17. Le Condamné (The Condemned)

SAISON 2 (1967-68)

18. Alerte Rouge (Condition : Red)
19. La Soucoupe Volante (The Saucer)
20. Les Espions (The Watchers)
21. La Vallée des Ombres (Valley of the Shadow)
22. L’ennemi (The Enemy)
23. Le Procès (The Trial)
24. Les Spores (The Spores)
25. Un Curieux Voyage (Dark Outpost)
26. 27 Conférence au Sommet (Summit Meeting)
28. Le Prophète (The Prophet)
29. Labyrinthe (Labyrinth)
30. La Capture (The Captive)
31. Les Défenseurs (The Believers -Les Croyants eut été une meilleure traduction !)
32. La Rançon (The Ransom)
33. Action de Commando (Task Force)
34. Les Possédés (The Possessed)
35. Contre-Attaque (Counterattack)
36. Embargo sur le Rêve (The Pit -rien à voir ! Le Trou ou à La Mine littéralement)
37. L’Organisation (The Organisation)
38. La Recherche de la Paix (The Peacemaker)
39. L’Etau (The Vise)
40. Le Miracle (The Miracle)
41. Mission de Vie (The Life Seekers)
42. La Fugitive (The Pursued)


Stéphane Pons
11 juillet 2004



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