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Cypher
Film américain de Vincenzo Natali (2002)
26 mars 2003

****



Grand Prix du Festival du Film Fantastique de Gérardmer 1999

Genre : Thriller SF
Durée : 1h35

Avec Jeremy Northam (Morgan Sullivan), Lucy Liu (Rita), David Hewlett (Vergil Dunn), Kari Matchett, Anne Marie Scheffler, Joseph Scoren, Matthew Sharp, Nelson Tynes, Sevaan Franks

Au terme d’un entretien d’embauche rigoureux, interrogé à plusieurs reprise sous le contrôle d’un neurographe, Morgan Sullivan intègre la prestigieuse firme Digicorps. Sa fonction, insolite, sera de participer à des congrès professionnels, à des conférences sur la fidélité des consommateurs de mousses à raser ou de fromages... Mais sous une fausse identité.
Morgan Sullivan devient ainsi Jack Thursby, agent confidentiel de Digicorps. Une taupe. Une seconde vie, seconde chance pour un
homme circonspect, discret, soumis. Il s’invente une personnalité extravertie, des voyages, une passion pour le golf, et se met à boire, à fumer, aborder les femmes... Mais rapidement, le rêve bascule en cauchemar. Il apprend qu’il n’est qu’un pion. Sa fonction n’est qu’un leurre, on se sert de lui. On le manipule, de tous les côtés : Digicorps, puis Sunways, et le mystérieux Sebastian Rooks qui s’arrachent ses services, sans qu’il sache pourquoi. Par la convoitise de tous, le pion devient la pièce essentielle de chacun. Mais à quelle fin ?...

Vincenzo Natali nous revient enfin, quatre longues années après le fascinant « Cube ». Aux côtés des Jonze, Nolan, Aronofski, Nakata et Niccol, il fait partie de la nouvelle vague virtuose et indépendante du cinéma. Lui aussi, avec ce second film, vient incontestablement de monter en puissance. D’ores et déjà, un grand.

Son « Cypher » nous emmène en territoire... dickien.
Voilà, l’inévitable référence est lâchée. Car, force est de le reconnaître, l’esprit de « Total recall » plane sur cette oeuvre. Mais il se l’approprie, le fusionne avec des nuances du « Brazil » de Terry Gilliam, du « eXistenZ » de David Cronenberg, du « Pi » de Darren Aronofski. Et le résultat est envoûtant, captivant, plus que réussi.
Aux côtés de Dick, c’est Kafka et Orwell qui resurgissent pour saluer cette nouvelle vision en teintes passées, au seuil du cauchemar monochrome. Le cinéaste canadien use mais n’abuse pas des effets. Il soigne avant tout son esthétique sophistiquée, feutrée, plutôt froide, et dont émane pourtant une chaleur, une corporalité manifeste.
Il raconte une histoire, sans énormes feux d’artifices, mais avec une
faculté évidente à créer une atmosphère, et un vrai talent de conteur, recourant aux ellipses plutôt qu’à une pléthore de scènes
superflues.
La réussite de la mise en scène est indéniable, d’autant plus que le tournage n’a duré que 37 jours !
L’un des autres points forts de « Cypher » sont les décors. Natali a refait appel à Jasna Stefanovic, déjà responsable du visuel unique de « Cube ». Avec le directeur de la photographie, Derek Rogers, elle a choisi d’adopter un décor sans véritables repères chronologiques. On oscille en effet entre une vision nettement moderne du futur, type « 2001, l’odyssée de l’espace », et une vision plus rétro, type « Brazil » ou encore « Alphaville » de Jean-Luc Godard.
Le scénario de Brian King est tortueux, diabolique, mais reste suffisamment crédible. On sent que l’intention du scénariste n’était pas de nous balader de rebondissement en rebondissement, mais bel et bien de nous immerger dans une seule et même rivière, une « ligne brisée » mais une ligne sans rupture, un fil d’Ariane que l’on remonte jusqu’au dénouement.
Un beau dénouement. Les meilleurs qui soient s’écrivent toujours avec un grand A.
Outre les troubles identitaires, les hallucinations, l’imperceptibilité du réel, la première partie du film côtoie savoureusement l’anticipation sociale. Banlieues et ménages stéréotypés, emplois soporifiques et vains, tellement absurdes qu’ils ne se justifient
que mutuellement, espionnage industriel et paranoïa généralisée. Vide existentiel. Comblé en urgence par des illusions de secrets, d’importances, d’aventures.
A l’instar de Chuck Palahniuk (« Fight Club ») ou Bret Easton Ellis « American psycho », Brian King semble témoigner d’une certaine Amérique qui se lasse et se dégoûte de ses rêves dorées. « En voyageant à travers les Etats-Unis, confie-t-il, je me suis rendu compte que dans chaque ville, on trouve les mêmes centres de congrès, les mêmes pôles commerciaux, avec les mêmes
magasins des mêmes enseignes. En prenant conscience de cela, je me suis dit que tous les gens qui vivent dans ce genre d’endroits, les commerciaux qui vont de salon en salon, doivent parfois se demander où ils sont. Ces lieux se ressemblent tellement qu’il est facile d’y perdre ses repères. J’ai imaginé l’histoire d’un homme dans cet univers déshumanisé, où l’individu n’est finalement là que pour servir une machine commerciale désincarnée..
. »
Un constat à rapprocher de celui du milieu de l’espionnage, fait par Henri-Georges Clouzot dans un grand classique de 1957 : « Les Espions »...
« Cypher » brille encore par ses interprètes principaux, irréprochables et magnétiques. Jeremy Northam, premier choix instantané de Natali, possède un charisme ambiguë, un remarquable mélange de tension et de fragilité, sans oublier une voix caverneuse d’une séduction immédiate (en VO). Tandis que Lucy Liu (que l’on connaissait déjà par la série « Ally McBeal ») possède une froideur divine, une beauté de glace qui sied à l’ambiance du film. On retrouve également David Hewlett, l’acteur fétiche du réalisateur (et encore une fois dans un_ ascenseur !!!).
Le court-métrage « Elevation » était déjà plus qu’un coup d’essai.
« Cube » fut un retentissant coup d’éclat. « Cypher » est un coup de maître, tout simplement.

FICHE TECHNIQUE

Titre original : Cypher

Réalisation : Vincenzo Natali
Scénario : Brian King

Producteur(s) : Paul Federbush, Wendy Grean, Casey LaScala, Hunt Lowry
Producteur(s) associé(s) : Richard J. Anobile
Producteur(s) exécutif(s) : Shebnem Askin

Musique originale : Michael Andrews
Image : Derek Rogers
Montage : Bert Kish
Création des décors : Jasna Stefanovic
Direction artistique : James Phillips
Maquillage : Debi Drennan, Paul Jones
Son : Stephen Barden
Effets spéciaux : Jon Davis
Effets visuels : Bret Culp, Bob Munroe

Production : Gaylord Films, Headspace, Pandora Cinema
Distribution : Metropolitan Filmexport
Effets spéciaux : C.O.R.E. Digital Pictures



Fabien Tournel
26 mars 2003



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