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Lune n’est pas pour Nous (La)
Johan Heliot
Gallimard, Folio SF, n°270, mars 2007, roman (France), Science Fiction, 402 pages, 7,20€

La France, battue et abattue, dépecée de ses principaux monuments « déménagés » dans la capitale du Reich, est quasiment sous protectorat allemand.
Adolf Hitler est devenu un Dieu vivant, vénéré par son peuple, Berlin une ville digne du Metropolis de Fritz Lang et les nazis ne rêvent plus qu’à une chose : conquérir la Lune.

Quant aux Sélénites (humains et extraterrestres confondus), alertés par leurs espions, ils vont récupérer les talents de cambrioleur du rusé Léo Malet pour une mission de la dernière chance, ultime espoir des hommes libres et de leurs alliés venus d’ailleurs, afin d’éviter le pire.



Les séries romanesques purement SF qui se tiennent sont plus que rares par chez nous.
Après la franche réussite, justement récompensée par le Prix Rosny Ainé 2001, de « La Lune Seule Le Sait », Johan Heliot revenait vers son univers uchronique dès 2004.
Après avoir « revisité » le second empire de Napoléon III, il s’attaquait, avec ce second volume, à l’entre-deux guerres, faisant évoluer son monde d’une bonne cinquantaine d’années sans toutefois nous livrer les détails précis des événements passés.
Bonne idée, car à ne pas trop en savoir, l’esprit meuble gentiment les intervalles, imaginant à son aise les séquences qu’il ne connaîtra jamais sous la plume de l’écrivain.
Bref, la France a perdu la Première Guerre Mondiale, une Allemagne surpuissante est dirigée par un Dieu vivant et rêve de conquérir la Lune afin de la débarrasser de la racaille humano-extraterrestre. Évidemment, tout cela nous rappelle une autre histoire, bien plus malsaine et déplaisante...
Avant de s’attaquer aux années cinquante avec « La Lune Vous Salue Bien » (Mnémos, mai 2007) et dernier volume de cette trilogie, l’aventure prenait pourtant un tour volontairement plus décontracté.

Ainsi, dans ce deuxième tome (Folio SF n°270), les ingrédients sont peu ou prou les mêmes qu’auparavant. Écriture agréablement « stylée » et travaillée, monde merveilleux mais totalement crédible et références historico-culturo-littéraires en béton armée. Johan Heliot a cependant de la ressource et ne se contente pas simplement d’écrire une suite.
Certes, il reprend l’univers qu’il a créé, bâtit sur des fondations déjà solides, mais il ajoute aussi une certaine légèreté à sa narration.
Moins sérieux, moins démonstratif, ne cherchant pas à prouver à tout prix des choses, l’écrivain se concentre justement sur le pouvoir distrayant de son histoire. De fait, on ne s’y embête pas une seconde.
Léo Malet remplace Jules Vernes, et peut-être faut-il voir dans ce changement de personnages le ton volontairement décalé du roman.
En effet, autant « La Lune Seule... » était avant tout une uchronie ambiancée d’éléments steampunk qui pouvait lasser un peu sur la longueur par son aspect « exercice de style », autant l’auteur ne renie rien de son passé avec « La Lune n’est Pas Pour Nous » (Prix Bob Morane 2005), mais y ajoute une bonne dose d’humour et d’imaginaire rétro-kitsch joyeux.
Clairement, ce n’est pas seulement le père de Nestor Burma qui a influencé Heliot mais aussi toute une école du roman feuilleton fantastique hexagonal. On pense beaucoup à Gustave Le Rouge et à tous ces vrais et grands écrivains du début du vingtième siècle, capables de séduire aussi bien le grand public d’hier que les critiques d’aujourd’hui.
Bref, des cadors de l’écriture populaire, au bon sens du terme, qui renvoient les anémiques actuels de la plume made in École Normale et du 6ème arrondissement parisien à leurs chères études.

Onc, Heliot s’amuse et nous amuse, livrant clef en main un univers jubilatoire dont « Capitaine Sky et Le Monde de Demain » pourrait être l’approche cinématographique la plus valable. Les passages héroïques ou cataclysmiques (l’arrivée des dirigeables sur Berlin, l’envol des missiles, etc.) suscitant de très belles images mentales où le cerveau tente en vain d’être à la hauteur des descriptions du romancier. Mais qui dit amusement, ne dit pas « grand n’importe quoi ». Que ce soit à travers les nombreux personnages « célèbres » que l’on retrouve ici, via les considérations politico-historiques inspirées de faits concrets, ou les extrapolations fantastiques et SF héritées du premier opus, rien n’est hasardeux, tout se tient.
Un tout qui prend même une saveur particulière à chaque fois que l’on comprend une allusion à un des classiques du cinéma (« La Grande Illusion », par exemple), de la littérature, de la culture, etc.

Défaut mineur récurrent, Johan Heliot aime tellement son univers qu’il n’a pas osé amputer son roman d’une bonne cinquantaine de pages. Tout comme dans « La Lune Seule le Sait », l’écrivain s’attarde parfois un peu trop sur des passages mineurs de l’intrigue ou multiplie les phases de description un peu longues. À dire vrai, ce n’est pas très grave tant on prend du plaisir à ce récit dont ce sentiment jubilatoire est justement le maître mot.

Écrit -on le suppose- et lu, le sourire aux lèvres, « La Lune n’est Pas Pour Nous » reste quand même un très beau travail d’écrivain.
Pari tenu, une fois de plus. Ne pas hésiter.

Titre : La Lune n’est Pas Pour Nous
Auteur : Johan Heliot
Autre Volumes : La Lune Seule Le Sait (T.1,2000, Mnémos, réédition poche Folio SF n°149), La Lune Vous Salue Bien (T.3, mai 2007 Mnémos)
Couverture : Photo © GettyImages
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio SF n° 270
Dirigée par : François Godbillon
Site internet : Folio SF (nouveau site) et les éditions Mnémos
Pages : 402
Format (en cm) : 10,8 x 1,5 x 17,8 (poche)
Dépôt légal : mars 2007
Catégorie : F9
ISBN : 978-2-07-033633-3
Prix : 7,20€

Déjà critiqués sur la Yozone
Johan Heliot
« Ados sous Contrôle » (par Michael Espinosa)
« Faerie Thriller » (par Fildefer)
« Le Messager de l’Olympe » (par Michael Espinosa)
« Sachem America : Le Bouclier du Temps 2 » (par Michael Espinosa)
Short Interview de Johan Heliot (Utopiales 2006, par Fildefer)

À VENIR SUR LA YOZONE (Juin/Juillet 2007)

Un dossier sur le trilogie de « La Lune » de Johan Heliot (Mnémos et Folio SF) avec critiques et interviews exclusives !
Tout, vous saurez tout sur le sujet et les uchronies !

DOSSIER UCHRONIE



- L’uchronie, renouveau de la SF ? (Maître Sinh)
- Interview exclusive de Johan Heliot (Stéphane Pons & Hervé Thiellement).
- « La Lune vous Salue Bien » (T3) chez Mnémos (Hervé Thiellement et Stéphane Pons)
- « La Lune n’est pas Pour Nous (T2) » (Folio SF) (Stéphane Pons)
- « La Lune n’est pas Pour Nous (T2) » (Mnémos) (Hervé Thiellement)
- « La Lune Seule le Sait » (Mnémos et Folio SF) (Hervé Thiellement)


Stéphane Pons
2 novembre 2007


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Une réédition poche, Folio SF, très recommandée



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L’édition originale, moyen format, chez Mnémos (2004)



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Le premier volume de la trilogie, également disponible en poche (Folio SF)



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Première édition moyen format (Mnémos)



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Réédition Mnémos, moyen format, revue par Johan Heliot



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