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Jour des Triffides (Le)
John Wyndham (1903-1969)
Folio SF (Gallimard), N° 267, 352 pages, SF, roman (traduction, réédition), janvier 2007, 6,60€

Lorsqu’une pluie stellaire éblouissante, imprévue et inexpliquée, envahit les cieux durant 24h, toute l’humanité lève les mirettes et contemple ébahie le spectacle. Erreur, fatale erreur, le phénomène astronomique a rendu tous les habitants de la planète y ayant jeté un oeil, même distrait, aveugles !
C’est le moment choisi par « les Triffides », d’étranges plantes qui peuvent se déplacer et dont l’origine reste mystérieuse (arme de guerre développée par les laboratoires militaires, espèce extra-terrestre ?) pour passer à l’attaque et tenter d’éradiquer la race humaine.
Un seul espoir, quelques rares voyants, qui n’avaient pu assister à la fatale féerie des cieux, comprennent qu’il va falloir survivre et que cela va être un rien compliqué... Voire impossible...




Auteur vénéré du public et de ses confrères jusque dans les années 70, John Wyndham a souffert depuis deux décennies d’un relatif désintérêt du monde éditorial. Alors que ses classiques étaient toujours recherchés, lus et relus (« (Les) Chrysalides », « Le Péril Vient de la Mer », « Chocky ») ou adaptés au cinéma (« Les Coucous de Midwich - Le Village des Damnés »), tout d’un coup, plus personne ne se souciait de les éditer à nouveau...
Bizarre et dommage, tant cet écrivain a toujours disposé de plusieurs cordes à son arc. Heureusement, Terre de Brume s’était attelé à la tâche en janvier 2005 pour une édition grand format du « Jour des Triffides » (ils ont remis ça avec l’excellent « Les Chrysalides » en septembre 2006). Deux ans plus tard, c’est Gallimard qui, via la collection “Folio SF” vient combler le vide au format poche.
Merci à tout le monde ! Il est des rééditions importantes, ce « Jour des Triffides », comme la quasi-intégralité de l’œuvre de John Wyndahm, doit être lu.

D’une part, John Wyndahm est incontestablement un écrivain capable de passionner les foules tout en bâtissant des intrigues cataclysmiques crédibles. D’autre part, il s’inscrit dans une logique « classique » du « roman catastrophe » anglais que l’on fera remonter sans peine jusqu’à H. G. Wells dont il est véritablement un héritier de grande valeur.
Pas le seul d’ailleurs, puisque l’on pourra aisément comparer les romans de John Wyndahm à quelques autres récits de brillants confrères so british : l’excellent John Christopher (« Terre Brûlée » par exemple -dispo sur l’anthologie Omnibus « Catastrophes », mais pas en rayon en poche et à rééditer de toute urgence dans ce format), à Christopher Priest pour la qualité narrative et l’attachement viscéral insufflé à la vie de ses personnages, à J. G. Ballard pour l’exploration minutieuse de multiples dimensions cataclysmiques (cf. « Le Monde Englouti », « Sécheresse », « Le Vent de Nulle Part »), à l’émouvant Richard Cowper (cf. « Le Crépuscule de Briaerus ») et surtout à John Brunner (le plus grand) qui poussa le bouchon très loin en imaginant une Terre au bord de la rupture dans « Tous à Zanzibar », « Le Troupeau Aveugle », « l’Orbite Déchiquetée » et « Sur l’Onde de Choc » (quatre chefs d’œuvres que tout amateur de SF se doit d’avoir lu). Et encore, nous limiterons-nous ici à une vision “albionesque” de la chose, sans quoi Thomas Dish pour son « Génocide » -et bien d’autres encore- auraient pu être cités.
Bref, Wyndham, ce n’est pas n’importe qui. La relecture de ce « Jour des Triffides » (plus de 25 ans après sa découverte par votre serviteur) ne l’a pas fait changer d’opinion une seule seconde.
Certes, on note, de-ci de-là, quelques effets un peu datés (le contexte de Guerre Froide et les mœurs des années cinquante ont un petit peu évolué !) mais rien d’alarmant.
De même, il s’agit avant tout d’un roman “d’hommes” où les femmes sont principalement destinées à la procréation ou aux travaux ménagers, une vision qui pourrait paraître rétrograde en 2007. Bon, la vision est un brin passéiste -quoique parfaitement justifiée par la scénarisation logique de l’histoire- et l’on ne va pas reprocher à John Wyndham d’annoncer la révolution des mentalités dans un roman de la fin des fifties !
Autre petite faille, l’effondrement total de la société anglaise en une nuit est assez surprenant. En 24 heures, la BBC n’émet plus, les forces de polices ont disparu, Londres est totalement désorganisée, livrée aux pillards, aux Triffides, etc. Un peu too much... Quoi que, comme on le constatera plus tard dans cet article, la « grosse » ficelle est encore utilisée !
Cependant, on comprend très vite que ce ne sont ni le pourquoi, ni le comment qui intéressent Wyndham, mais l’après !
Des preuves ? Wyndham s’attache avant tout à ne pas expliquer l’inexplicable. D’où viennent ces mystérieuses plantes ? On ne sait et cela a peu d’importance !
Expériences militaro bactériologiques, invasion extra-terrestre ? Juste des suppositions suffisamment crédibles pour que l’on passe à d’autres préoccupations.
Un autre exemple ? L’illumination céleste qui cause la cécité de l’humanité ? Idem. Phénomène astronomique ou satellite militaire activé par erreur ? Rien n’est expliqué ou prouvé, mais les hypothèses offertes suffisent.
À titre de comparaison, dans un roman « classique » de l’époque (et même d’aujourd’hui !), nous aurions eu une limitation de l’histoire à ces seuls éléments. Le(s) héros, de préférence grands, jeunes et beaux, auraient tué les méchants et eu beaucoup d’enfants avec de belles jeunes femmes -une bonne vieille histoire franchement nunuche, en somme. Que nenni chez Wyndham !
D’abord, le héros doit sa vision (et son sauvetage) a une intervention chirurgicale. Arrivé diminué dans cette histoire, ce qui permet une entrée en matière assez glaciale quand il découvre que l’hôpital où il vient d’être opéré est totalement silencieux, il suffit d’un chapitre à John Wyndham pour nous donner une idée de la détresse des futures victimes que nous allons croiser tout au long du roman !
Vous cherchiez un sentiment de solitude absolue, la sensation d’un malaise ambiant annonciateur d’une déflagration majeure, les décors sont plantés en 5 pages.
Et là, on se dit que Danny Boyle n’est pas allé chercher très loin le scénario de son « 28 jours plus Tard » car si l’on remplace les Zombies du film par les Triffides du roman, on n’est pas très loin de l’hommage (ou du repompage !) direct. Amusez-vous à lire ou relire l’un et à voir ou revoir l’autre, vous serez cloués sur votre canapé par les similitudes.

Mais revenons à nos moutons (aveugles, eux aussi) et constatons que Wyndham a le chic pour animer un cataclysme via les tribulations tragiques de son personnage central. Tout passe par l’humain et les questionnements moraux (sauver sa peau prioritairement, aider les autres à survivre parce que l’on n’est pas un salaud, s’autoriser quelques débordements parce qu’on y est forcés, etc.).
Par conséquent, la question centrale du roman n’est pas de savoir si l’humanité survivra, mais le “That is the question” est surtout de deviner « avec quelles valeurs morales, elle pourrait éventuellement y arriver » ?

La différence entre un classique et un bon (ou mauvais) petit roman est parfois très légère. En l’occurrence, savoir poser les bonnes questions et y répondre simplement, logiquement et avec pas mal d’intelligence.

John Wyndham ne manquait ni d’intelligence, ni de talent. Qui plus est, il savait aussi écrire.
« Le Jour des Triffides » doit absolument figurer dans votre bibliothèque.
Vous le dévorerez en deux ou trois jours.

Titre : Le Jour des Triffides
Auteur : John Wyndham
Traduction (de l’Anglais) : Marcel Battin révisée par Sébastien Guillot
Couverture (illustrée) :
Collection : Folio SF N°267
Éditeur : Gallimard
Pages : 352 pages
Format (en cm) : 10,8 x 1,5 x 17,8 (poche, broché)
Dépôt légal : 4 janvier 2007
ISBN : 2070312631
EAN : 978-2070312634
Prix : 6,60€


Stéphane Pons
2 février 2007


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