Disons-le d’emblée, « Quand vient la Horde » est un roman d’aventures médiévalisantes (seul le monde secondaire d’inspiration asiatique permet de parler de fantasy) tout ce qu’il y a de plus classique dans sa construction. Ne vous attendez à strictement aucune surprise, il coche tous les passages attendus : le syndrome de Stockholm, l’héroïne badass forte-mais-fragile, les révélations des identités secrètes et leurs traumas,... jusqu’au retournement final (annoncé dès le début, j’y reviendrais).
Et pourtant, je ne peux que rejoindre l’avis de Jean-Philippe Jaworski en exergue de la 4e de couv’ : c’est très bien écrit, d’autant plus pour un premier roman, et de fait on est scotché, la mécanique page-turner joue à plein.
Une bonne histoire bien mise en scène, un produit culturel parfaitement calibré pour toucher son public. Ce qu’on demande à la littérature de divertissement.
Je pourrais m’arrêter là, il n’y a en fait guère plus à en dire. Sous la magnifique couverture d’Alain Brion, on trouve donc un roman très bien écrit, mais sans surprise. Le décor asiatisant tient essentiellement à l’onomastique. Il n’y a pas de merveilleux, on est davantage dans l’historique imaginaire, et ce n’est pas la première histoire avec une compagnie de mercenaires (merci Glen Cook). En fil rouge, la réflexion sur le mal nécessaire, avec les crimes de chacun au nom d’un plus grand bien, le changement politique en cours (fin de la féodalité, vaut-il mieux être serf entretenu par son suzerain ou crever de faim en homme libre ?), ce sont des sujets qui heurtent les convictions naïves du héros et l’amènent à grandir intérieurement, comme la vie au camp le renforce physiquement. Des petits signaux envoyés par Yek (ou perçus par Ivan) laissent espérer une fin heureuse, un changement de plan. Mais justement, tout cela fait partie d’un plan qui satisfera toutes ses promesses littéraires.
On ne sera pas surpris du retournement final, très violent, puisque le roman s’ouvre sur un flashforward, donnant la parole au Chien, un mercenaire qui traque la Horde dans un esprit de vengeance. D’autres chapitres du Chien interrompent l’aventure d’Ivan, aussi son identité ne demeure pas un mystère bien longtemps, et puisque le « qui il est » s’évapore, le lecteur ne reste qu’avec le « pourquoi » comme appât, pour poursuivre sa lecture vers le point de bascule entre l’amour et la haine.
Malgré tout ce que je viens de dire sur l’absence d’originalité, j’ai pris un très grand plaisir à lire « Quand vient la Horde », et je le recommanderai sans nul doute à tous ceux qui n’aiment pas lire, pas lire de la fantasy, aux jeunes qui n’ont pas peur d’un peu de violence physique et psychologique (on parle de viols et de vivre avec), car encore une fois, c’est très très bien écrit, des personnages réalistes et complexes jusqu’à la (double) trame de vengeance. Je regrette juste l’absence de ce petit truc original en plus qui le rendrait réellement mémorable. Mais c’est peut-être aussi sa force : dépourvu d’élément saillant, il parlera à un large public et deviendra une référence longtemps conseillée en librairie et bibliothèque.
J’attends donc avec impatience un second roman d’Aurélie Luong, pas trop tôt, espérant y retrouver toutes ces qualités... et un petit plus.
Titre : Quand vient la Horde
Autrice : Aurélie Luong
Couverture : Alain Brion
Éditeur : Gallimard (édition originale : Scrineo, 2022)
Collection : Folio Fantasy
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 749
Pages : 463
Format (en cm) : 18 x 11 x 2,5
Dépôt légal : mars 2024
ISBN : 9782073009760
Prix : 9,90 €