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Maison des morts (La), tome 1 : La Forgeuse d’Os
Nicki Pau Preto
Lumen, roman traduit de l’anglais (Canada), fantasy, 594 pages, septembre 2023, 18€

Pour avoir échoué à l’épreuve initiatique et déshonoré le nom de sa famille, la jeune Wren, de la maison des Os, est envoyée à Fort-de-Faille, le long du mur qui protège les Dominions contre la Faille. Loin d’y apprendre l’humilité, elle passe sous la tutelle d’une amie de son père aussi rebelle qu’elle et prompte à tordre les règles.
Lorsque le prince Leo vient en visite, les deux jeunes s’entendent bien. Wren l’accompagne lors d’une patrouille de l’autre côté des remparts. Une balade qui devait être totalement sûre se change en embuscade. Le Prince est enlevé, et Wren se retrouve coincé avec Julian, un jeune combattant fort doué de la Maison du Fer, que ses complices ont tenté de tuer. Bien qu’ennemis, ils vont faire cause commune pour retrouver le prince. Pour cela, il leur faudra traverser les terres de la Faille, hantées depuis le Grand Soulèvement, et y découvrir des vestiges qui les feront douter de l’Histoire officielle.



Après sa trilogie « Sœurs de Sang » (aussi chez Lumen) (et que je n’ai pas lue), Nicki Pau Preto nous propose une nouvelle histoire aux accents dark fantasy prononcés. Enfin, nouvelle... Force est de constater que l’autrice reste dans les chemins balisés des recettes éprouvées. On découvre, au fil des pages, une héroïne rebelle à cause de trop de pression familiale, un destin qui bascule brutalement, une Histoire pas si lisse que ce qu’on lui a appris à l’école, et des zones troubles sur le passé glorieux de sa famille. La rencontre avec le prince, lui aussi un peu rebelle, laisse entrevoir une amitié en devenir, peut-être plus. Mais c’est la collaboration forcée avec celui qu’on devine, bien plus vite qu’elle, héritier de la famille rivale et déchue, qui s’avère bien meilleure source de romance contrariée. L’entraide, même de mauvaise grâce, tisse des rapprochements bien plus forts qu’on le croit, et les dangers omniprésents soudent un couple que tout oppose initialement, hormis leur rang, leur âge, leur envie de faire leurs preuves, le fait qu’on cherche à les tuer, etc. Ce qui fait finalement beaucoup de points communs ! Wren se garde bien de révéler son identité à Julian, même après qu’il a avoué la sienne, car leurs deux familles sont ennemies mortelles. Et comme d’habitude, plus on tarde à dire la vérité, plus violente est la réaction de l’autre, qui se sent trahi...

Il faut attendre les derniers chapitres pour voir le tableau un peu trop propre s’effriter, les gentils parents se révéler prêts à sacrifier leur progéniture et les amis pour accéder au pouvoir ou maintenir leur rang. C’est tant mieux, les choses étaient un peu trop « gentilles » jusque là. On regrettera tout de même le cliché de l’héroïne « élue » et de la confusion, habituelle encore, entre histoire de famille et destin du monde.

Côté magie, la spécificité de ce monde est d’avoir des grandes familles qui ont un pouvoir particulier. La famille royale agit sur l’or. Les Knight, tombés en disgrâce, manipule le fer, et Julian a d’ailleurs une épée-fouet-multi-outil aussi pratique que cheatée, qui sort le duo de bien mauvaises situations. Dans la Maison des Os, Wren est une valkyr, guerrière chargée d’éloigner les spectres le temps qu’un.e fauchyr sectionne le lien qui les relie à ce monde. Autrement dit, elle s’agite en pure perte, ses armes incapables de blesser durablement les spectres. Cela me fait penser aux clowns de corrida qui attire l’attention du taureau pour permettre au torero de frapper. Voilà, Wren est une clown, ce qui explique aussi son maquillage ! On se demande pourquoi elle était si fière d’intégrer ce rang.
De fait, les premiers chapitres qui installent l’univers sont terriblement pénibles. L’introduction des pouvoirs, de l’Histoire est faite sans finesse, exposée. Si on apprécie toujours d’avoir une carte, dès qu’on en découvre la véritable échelle (Wren va à Fort-de-Faille en 2 jours de charrette) elle est en totale contradiction avec la densité de population, les foules des batailles de la génération précédente... Clairement, Nicki Pau Preto ne s’embarrasse pas de réalisme, ce n’est qu’un décor vide qu’il ne faut surtout pas trop regarder de près.
En fait, chaque fois que l’autrice donne des informations précises sur son univers, sur comment il fonctionne, cela lui nuit plus qu’autre chose. Quand Wren apprend que le Mur est doublé d’une barrière magique faite d’os de défunts, ne vous lancez pas dans un calcul de la quantité requise au vu de la longueur de l’édifice, cela achèvera de briser votre crédulité en miettes.

La couverture vendait quelque chose de bien dark, hélas nous avons une énième redite certes pas forcément déplaisante mais farcie d’incohérences, de facilités, avec un vernis un peu glauque de spectres à tout-va. Seuls les personnages s’en sortent, ils sont assez réalistes en grands ados jetés dans le monde pour faire leurs preuves, pions sacrifiables et ignorants des manipulations des adultes.
A choisir, moins faussement sombre, et avec une meilleure romance compliquée, ces derniers temps j’ai préféré « The Remnant Chronicles » de Mary Pearson.
Espérons que Wren se rattrapera dans la suite...


Titre : La Forgeuse d’Os (Bonesmith, 2023)
Série : La Maison des morts, tome 1
Autrice : Nicki Pau Preto
Traduction de l’anglais (Canada) : Camille Cosson et Mathilde Tamae-Bouhon
Couverture : Tommy Arnold
Éditeur : Lumen
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 594
Format (en cm) : 22 x 14 x 4
Dépôt légal : septembre 2023
ISBN : 9782371024212
Prix : 18 €



Nicolas Soffray
14 novembre 2023


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